Le roi de Bahreïn est un homme heureux. On le comprend tout à fait, le petit royaume du Golfe, au large duquel mouille la cinquième flotte américaine, vient de déjouer un complot. C'est encore la faute à cette main de l'étranger qui s'incruste partout. Pour une fois, ce n'est pas celle de l'Occident. Le souverain Al Khalifa sait exactement d'où elle a pu se glisser jusqu'à Manama. Les récentes manifestations, qui ont fait 13 morts, ne sont pas à cataloguer parmi les révoltes du printemps arabe. Sans la nommer directement, le roi accuse la République islamique d'Iran d'être derrière cette cabale. Les mollahs auraient ainsi profité du réveil populaire dans le monde arabe pour avancer leurs pions sur l'échiquier régional et mondial, le vent des actuelles révoltes profitant de facto à la démocratisation à l'occidentale. Voyant le coup venir, le roi du Bahreïn a choisi de prendre ses devants. Les forces saoudiennes, bahreïnies et bien d'autres, toutes sunnites faut-il le préciser, sont appelées à la rescousse. Elles auront juste le temps de fouler le sol bahreïni que le roi Al Khalifa est jeté au bûcher. Le Hezbollah libanais chiite a tiré la première salve, le débarquement des forces du Golfe est assimilé à de l'ingérence pure et dure qui vise la majorité chiite. En premier, l'opposition qui a rêvé un temps d'une monarchie constitutionnelle qui maintiendrait le roi sur son trône mais qui limiterait ses prérogatives, le gouvernement étant élu par le peuple. La place de la Perle, lieu symbole de la contestation, rasée de la carte à coups de bulldozer, les autorités de Téhéran n'ont pu rester insensibles à la cause de leurs frères chiites. Plaidoyer contre la présence des forces sunnites au Bahreïn avant la rupture sèche des relations diplomatiques. Le roi est sorti vainqueur, vive le roi ! Mais ce n'est qu'une bataille parmi tant d'autres, la guerre Iran-USA est loin d'être finie. Mme Clinton est convaincue que ce sont les mollahs qui sapent les efforts de paix au Proche-Orient. En attendant que la démocratisation du Liban passe par les actes d'accusation contre le parti de Cheikh Nasrallah dans l'affaire de l'assassinat d'El Hariri, par un nouveau conflit avec Israël ou par l'antisoviétisme arabe en Syrie, la prochaine bataille est-elle en train de se jouer au Yémen ? Seul à Sanaa, les défections de généraux de l'armée et de diplomates se comptent par dizaines, le Président Salah tente tant bien que mal de résister au naufrage. Il a mis en garde contre toute tentative de division du pays à l'heure où les combats entre l'armée régulière et des éléments armés de la minorité chiite faisaient rage. Après avoir accusé sacro-sainte alliance israélo-américaine de déstabiliser le Yémen, tirera-t-il à son tour sur l'ambulance iranienne ? Bien qu'elle soit minoritaire, contrairement au Bahreïn, la communauté chiite du Yémen aura-t-elle un rôle déterminant dans l'impasse politique que vit actuellement l'ancienne bienheureuse ? C'est certain, l'incident armé au Nord n'est pas passé inaperçu du côté de l'Occident. Certes, ce n'est pas le premier du genre toutefois dans un tel contexte politique, proche du chaos, tout est à prendre avec des pincettes. Prêt à partir d'ici à la fin de l'année 2011, – son statut d'allié dans la lutte contre l'islamisme radical n'ayant pas joué clairement en la faveur de son maintien au pouvoir –, le Président Salah livrerait-il bataille sur le terrain du communautarisme ? Qui sait, peut-être que l'Occident serait sensible à son engagement dans la guerre Iran-USA ? En demandant la médiation des Saouds, il est clair qu'il va s'afficher davantage aux côtés de l'Amérique et de ses alliés dans le Golfe persique, mais rien ne prouve qu'une reprise confirmée des combats dans le Nord prolonge indéfiniment son sursis. La France s'est prononcée en faveur de son départ qui est devenu incontournable, les Etats-Unis attendraient la fin des efforts de Ryad avant de suivre.