Pendant que les anesthésistes de l'Algérie continuent à travailler avec beaucoup d'abnégation, les anesthésistes tout court poursuivent une grève illimitée depuis deux semaines. Deux mille cinq cents interventions chirurgicales sont annulées en treize jours faute d'anesthésistes alors que des centaines d'interventions de police sont enregistrées chaque jour. S'y ajoutent des milliers d'interventions quotidiennes des hauts placés pour placer la famille et les amis dans des postes qu'ils ne méritent pas, annuler des sanctions qu'ils méritent, récupérer des permis de conduire dont ils ne peuvent pas se passer et une prise ou une prise en charge médicale à l'étranger pour prouver que nous avons le meilleur système de santé d'Afrique du monde. Les anesthésistes de l'Algérie auraient pu s'accommoder de la grève des anesthésistes des hôpitaux parce que ça leur permet d'être seuls sur le terrain des… opérations. Mais ils se sont rappelés qu'ils n'interviennent pas dans le même registre. En plus, comme l'Algérie est un grand hôpital, ils ne vont pas aller chercher ses démembrements microscopiques. C'est connu, on ne s'angoisse pas pour une pomme quand on a un champ de pommiers. D'après un représentant des anesthésistes tout court en grève, «le mouvement s'est radicalisé suite au mutisme de la tutelle». Il sait pourtant que la tutelle n'a pas le temps de parler aux anesthésistes, elle anesthésie. Et elle ne fait jamais grève. Autre débrayage en «perspective immédiate», celui des «communaux». Ce qui est bien avec les grèves, c'est qu'elles installent rapidement de nouveaux termes qu'on ne connaissait pas avant ou qu'on n'utilisait jamais. Avant on disait «les travailleurs de la commune». Normal, quand on travaille, on peut s'appeler travailleur. Quand on est en grève, on devrait s'appeler gréviste ou trouver quelque chose d'autre. Et on a trouvé un terme qui ne rappelle même pas qu'on a bossé dans une autre vie. Ce n'est pas la première, mais ce n'est pas important. Personne n'en est à sa première, depuis Nahdj Bourguiba et Tahrir Square. La grève débutera demain et elle sera «cyclique à raison de deux jours par semaine, mardi et mercredi». Très originale, la formule, qui permet d'avoir une semaine aussi originale. Deux jours de week-end légal, deux jours d'arrêt de travail que la justice va déclarer illégal. Les deux jours restants sont réservés aux interventions. De la police ou des «autres» qui vont se faire délivrer les papiers de la famille et des amis. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir