C'est bien à une fin de règne que l'on assiste actuellement au Conseil de sécurité, où un débat inimaginable se déroule entre tenants et opposants à l'apocalypse annoncée. Un fait indubitable est aujourd'hui à relever : les Nations unies vivent leurs derniers moments dans leur mouture actuelle. En fait quelle que soit l'issue du débat en cours, - où il est plus que vraisemblable qu'au moins deux membres permanents (la France et la Russie) feront usage de leur veto - un chapitre de la vie des Nations unies telles que créées, en 1945, est appelé à se fermer. Issue de la Seconde Guerre mondiale, héritière de la Société des nations, (SDN) qui n'a su ni prévenir ni circonscrire la guerre de 39-45, l'Organisation des Nations unies était appelée à jouer un rôle prépondérant dans les relations et la coopération internationales en étant à la fois une force d'équilibre et de proposition. La guerre froide et ses implications politiques et géostratégiques ont tôt fait de paralyser l'ONU la mettant dans l'incapacité de prendre les décisions attendues d'elle, même si elle joua un rôle de premier plan dans la décolonisation notamment par l'adoption de la résolution 1454 (1960) qui a ouvert la voie de la libération aux nombreux pays colonisés d'Afrique et d'Asie. Aujourd'hui avec la fin de la guerre froide, induite par l'effondrement du bloc soviétique, l'ONU s'est retrouvée devant une nouvelle réalité: le déséquilibre grandissant entre les intérêts de l'hyperpuissance américaine et les intérêts de la collectivité internationale. Peu à peu, le rôle de l'ONU s'est vu grignoter par l'envahissant monopole américain. En 1991, c'est sous l'impulsion de Washington que fut formée l'alliance qui mena la guerre contre l'Irak, les résolutions étaient des projets américains que le Conseil de sécurité a docilement entérinées. L'âpreté des débats au Conseil de sécurité, l'acharnement contre toute raison des Etats-Unis, à imposer la guerre, la lutte d'arrière-garde de la France et de la Russie, pour préserver une certaine idée de la collégialité du conseil exécutif de l'ONU, attestent du fait que chacun est conscient que les Nations unies vivent un grave tournant. Et ce tournant, c'est que la guerre sera décidée par la seule volonté de la grande puissance mondiale allant à l'encontre de l'opposition de la majorité des membres du Conseil de sécurité. Sous le couvert de l'anonymat un diplomate, commentant les débats, a estimé que les «diplomates n'arrêteront pas d'eux-mêmes», l'issue ultime, indique-t-il «sera annoncée par George W.Bush quand il proclamera solennellement qu'il a donné l'ordre de désarmer l'Irak par la force». Ce sera aussi le point final à plus d'un quart de siècle d'existence des Nations unies.