Fin des discussions du projet de résolution américain, mais les positions des «permanents»sont demeurées inchangées. Le différend existant entre les Etats-Unis, qui défendent l'option d'une frappe automatique contre l'Irak, et la France et la Russie, qui s'y opposent, persiste paralysant de la sorte une éventuelle action de l'ONU, par notamment l'envoi des inspecteurs en désarmement à Bagdad. Ainsi, les discussions sur le projet de résolution américain présenté, lundi dernier, par Washington se sont achevées vendredi à New York, sans prise de décisions et sur le constat de l'impossible consensus demandé par Kofi Annan. Le secrétaire général de l'ONU, s'exprimant, jeudi, après une longue absence, consacrée à une tournée en Asie, a été catégorique lorsqu'il déclara, dès son retour au siège de l'ONU: «J'attends une résolution du Conseil et je m'attends à ce qu'elle soit unanime», ajoutant: «Des négociations serrées ont lieu actuellement, j'espère qu'elles porteront leurs fruits et que les inspecteurs retourneront en Irak avec un Conseil de sécurité uni derrière eux.» C'est loin d'être le sentiment des observateurs qui estiment, a contrario, que le Conseil est, actuellement, plutôt partagé. Et pour cause! Le président américain, George W. Bush, qui tient toujours à une résolution musclée et sans concession, veut plus que jamais en découdre avec les Irakiens. Ce qu'il a répété, hier encore, lors de discussions avec le président chinois, Jiang Zemin, en visite aux USA, et à l'issue desquelles il déclara qu'il rejettera toute résolution qui l'empêcherait de désarmer l'Irak indiquant: «Nous n'accepterons pas une résolution qui nous empêchera de faire exactement ce que j'ai annoncé au peuple américain, c'est-à-dire que si l'ONU ne veut pas intervenir et si Saddam ne veut pas désarmer, nous conduirons une coalition pour le désarmer.» Cependant, nombre de diplomates estiment que le projet de résolution américain dans sa formulation actuelle contient «des conditions inapplicables et irréalistes». Ainsi, les membres permanents du Conseil, notamment la Russie et la France, ont-ils apporté des changements au texte américain en particulier par la suppression du passage dans lequel il était question de «manquement matériel» de l'Irak «à ses obligations» qui figuraient déjà dans la résolution 697 qui avait, en 1991, défini les termes du cessez-le-feu. Accepter cette mention équivaudrait à donner le feu vert à une attaque «automatique» comme le réclame Washington, estiment des diplomates à l'ONU. De fait, il convient de relever une nuance de taille, qui ressort de la prise de position des uns et des autres sur le cas irakien. Alors que les opposants à une frappe «automatique» se réfèrent constamment aux lois et au droit internationaux pour, éventuellement, attaquer l'Irak, sous le couvert des Nations unies (c'est-à-dire la communauté internationale), le président Bush, recevant le président Jiang Zemin, a déclaré, pour sa part, qu'il n'acceptera «pas une résolution qui nous empêchera de faire exactement ce que nous avons annoncé au peuple américain (...)». Cela a, à l'évidence, le mérite de la clarté puisque le président Bush réitère, ainsi, agir au seul nom des Etats-Unis, n'acceptant pas des Nations unies et de la communauté internationale autre chose qu'un blanc-seing pour attaquer l'Irak. Dès lors, les discussions actuelles non seulement discréditeront davantage l'ONU- au cas où les Etats-Unis réussissent à forcer le Conseil de sécurité à les suivre dans leurs aventures militaires -, mais également tournent au folklore et ridiculisent des diplomates dont la mission première, et essentielle, était et est encore, en fait, de préserver la paix dans le monde. En effet, au vu du tour qu'a pris le débat autour de l'Irak, la logique voudrait que ce soient les USA, aussi puissants soient-ils, qui s'inclinent devant la majorité représentée devant le Conseil de sécurité qui veut éviter la guerre et, à tout le moins, que les choses se déroulent dans le cadre du droit international. Or, les Etats-Unis continuent à faire d'énormes pressions sur les membres du Conseil de sécurité, pour les amener à adhérer à sa position maximaliste. Aujourd'hui l'enjeu est là: l'ONU abdiquera-t-elle face au diktat américain, ou finira-t-elle par imposer les règles de droit qu'elle est censée défendre et protéger en toute circonstance? L'issue de ce bras de fer indiquera, à coup sûr, soit la mort de l'ONU telle qu'elle existe actuellement, soit la résurrection de l'Organisation internationale.