Le double langage marocain, raison de tous les blocages dans la région, a encore de beaux jours devant lui. Le souverain marocain n'a pas l'intention de se plier à la légalité internationale à propos de la question du Sahara occidental. Tout en mettant en avant les vertus du dialogue et la nécessité de relancer le processus d'édification maghrébine, le roi marocain ne s'en montre pas moins fermement attaché à ses «provinces du Sud» fermant par la même toute voie à un dialogue réel et constructif. A deux jours, à peine, du dernier délai pour répondre à la proposition formulée par James Baker, représentant personnel du secrétaire général de l'ONU pour la question de la Rasd (République arabe sahraouie et démocratique), Mohammed VI est revenu à la charge. Le choix du moment et de la conjoncture n'est pas «innocent». Mohammed VI a adressé une lettre aux participants au 5e sommet de la communauté des Etats du Sahel et Sahara. Dans cette lettre, lue par le Premier ministre marocain, Driss Jettou, le souverain chérifien, fort sans doute de la polémique suscitée par la récente sortie d'un ancien haut responsable algérien, favorable aux thèses marocaines, souffle le chaud et le froid dans un paragraphe consacré à cette question. «(...) Le Maroc, qui est attaché aux vertus de la paix et du bon voisinage et qui a le souci d'éliminer tous les facteurs de tension et de conflit dans notre région, affirme qu'il demeure toujours disposé au dialogue et à la négociation, pour trouver une solution politique au conflit artificiel suscité autour de la récupération de ses provinces du Sud». Difficile, en effet, d'être plus clair. Le Maroc veut bien la paix et la concertation, mais pas sans ce préalable qui est l'annulation des résolutions onusiennes portant sur le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Mohammed VI, dans sa déclaration, semble même vouloir exercer une sorte de «chantage» sur les autorités algériennes en conditionnant la «restitution de ses provinces du Sud». Mohammed VI ajoute, en effet, que «cette solution (restitution des provinces. Ndlr) doit s'inscrire dans le cadre de la légalité internationale, et du respect de la souveraineté nationale et de l'intégrité territoriale du royaume et ce, dans la perspective de la concrétisation d'une Union maghrébine qui formera un puissant support pour l'espace intégré de la communauté des Etats du Sahel et du Sahara». Ce véritable pressing marocain, estiment de nombreux observateurs, trouve sa justification dans deux raisons principales. La première a trait aux sorties d'un ancien haut responsable algérien qui a ouvert une large brèche dans la position unanime de notre pays en faveur de l'autodétermination du peuple sahraoui. Le Maroc estime, donc, depuis ces sorties, que notre pays est affaibli par rapport à cette question et que c'est le moment ou jamais de monter au créneau. La seconde, bien entendu, concerne la remise des réponses, remarques et observations des Etats consultés dans le cadre du règlement de la question du Sahara occidental. Le mois dernier, James Baker, représentant personnel de Kofi Annan, avait rencontré les responsables de la Rasd, de l'Algérie, du Maroc et de la Mauritanie en vue de leur soumettre une nouvelle proposition en ce sens. Le Maroc, qui veut que ses visions triomphent à deux jours de l'expiration du délai accordé par l'ONU, multiplie les sorties de ce genre au risque de compromettre, une fois de plus, le processus d'édification maghrébine.