Une nouvelle vague, une nouvelle génération, d'autres moeurs, une autre époque, d'autres métiers. Vendeuses dans des magasins, ou serveuses dans les fast-food, restaurant, salon de thé... la femme a investi un domaine qui, il n'y a pas une décennie, lui était inconnu. En effet, plusieurs nouveaux métiers féminins ont vu le jour ces dernières années dans notre société. La femme du 21e siècle n'a plus froid aux yeux et accepte d'exercer des métiers, qui, il n'y a pas longtemps, étaient encore tabous. Vendeuse dans un grand magasin du centre-ville, Nabila 29 ans, diplômé en génie civil, passe quotidiennement plus de dix heures à essayer de satisfaire une clientèle hétéroclite. Souvent, les nerfs à fleur de peau, elle se met à méditer sur son sort. «Je suis technicienne en génie civil, nous dira-t-elle. Une fois mes études terminées, je pensais sincèrement dénicher un boulot respectable dans une boîte qui me donnerait un salaire conséquent, et surtout une assurance. Vous comprenez, qu'ici dans ce magasin, je ne suis même pas déclarée aux assurances, et mon salaire, ne dépasse pas les 4000 DA. Je travaille au noir comme on dit, et à chaque fois que je soulève le problème, mon patron me désigne la porte, en ripostant que ce ne sont pas les demandes qui manquent ... Pour le moment, je suis en train de vivre un calvaire... et tant que je n'ai pas déniché un autre boulot je ne peux quitter l'actuel, car même le minable salaire de 4000 DA, est un plus dans la bourse familiale qui demeure très restreinte. Ma mère s'est tapé «ennechaf» (la serpillière) 20 années durant pour payer mes études et celles de mes deux soeurs, et nous assurer le pain quotidien, je n'ai pas le droit aujourd'hui de l'obliger à sortir aux premières heures de la journée pour gagner mensuellement un salaire encore plus minable que le mien...». Questionnée sur le comportement des clients, Nabila lève les yeux au ciel: «Vous ne pouvez imaginer à quel point les gens sont audacieux. Les uns se comportent avec moi, comme si j'étais là à leur entière disposition, les autres me prennent pour ce que je ne suis pas. Je reçois même des obsédés, qui vont jusqu'à me faire des propositions malhonnêtes ou carrément honteuses. Les femmes sont exigeantes sur plus d'un point. Elles me demandent souvent mon avis sur les tenues convoitées, ou vont même jusqu'à me demander si je peux les accompagner chez elles, ou porter leurs paquets... Ce qui n'est pas du tout dans mes attributions...» Samia, joli brin de fille d'à peine 20 ans, travaille en qualité de serveuse dans un fast-food. Les jambes en coton, elle consentira à s'asseoir un moment avec nous pour nous parler de son métier. En fait, un métier qu'elle n'avait pas du tout choisi... «Les temps sont durs, nous dira-t-elle... et je suis certaine, que je ne suis pas la seule à le dire... Je dois travailler nuit et jour durant toute la période estivale afin de pouvoir payer mes études. Durant l'année scolaire, je grignote sur mon temps pour travailler soit les week-ends, ou deux fois par semaine de 18 h à 22 h. Avec ça, je suis loin d'être à l'abri du besoin. Mon père est au chômage, et mes deux frères sont bien plus jeunes pour braver la vie active... Voilà, donc je me retrouve seule face à mon destin, et j'espère qu'une fois mon diplôme d'avocate en poche, je pourrai prendre ma revanche sur la vie...» Ici aussi, le comportement des clients à l'égard de ces serveuses est loin d'être angélique... Samia pousse un long soupir de désolation avant de lâcher: «Ils sont obscènes pour la plupart... je parle des hommes bien sûr... C'est vrai qu'il ne faut pas généraliser, je pourrais même certifier qu'il y en a qui sont tellement gentils avec moi, qu'ils reviennent spécialement pour manger et laisser un bon pourboire sans pour autant me demander quoi que ce soit ou me faire de honteuses propositions. En revanche, notre société voit toujours d'un mauvais oeil un métier comme le mien et quelques-uns vont même jusqu'à penser que je suis prête à tout moyennant quelques dinars... Mes nombreuses plaintes au patron demeurent sans suite, ce dernier d'ailleurs nous inflige un emploi du temps draconien... travailler de 9 h du matin jusqu'à la fermeture c'est-à-dire 23 h et parfois au-delà...tout dépend des journées et de l'affluence des clients... Les week-ends particulièrement sont les plus durs... et puis vous comprenez, nous sommes là pour être à l'écoute du client, le servir et se comporter poliment, même si ce dernier est loin de mériter le respect...» Les femmes qui viennent manger dans ce fast-food, sont généralement celles qui travaillent aux alentours, et qui habitent loin. Elles viennent régulièrement déjeuner chez nous... Les autres, des minettes pour la plupart, sont toujours accompagnées du petit ami, qui les invite à prendre un hamburger, un repas rapide ou tout simplement, une glace, une limonade, etc. Vendeuses, serveuses... ou autre, il faut dire en fin de compte, qu'il n'y a pas de sot métier. Et quand il faut faire face à la rudesse de l'existence, le métier devient ce combat quotidien, qu'il ne faut pas prendre à la légère, car les affres de la vie sont bien plus compliqués qu'on ne le pense.