Au refus de toute aide humanitaire des Nations unies, l'Irak attend que l'agression dont il est victime de la part des forces coalisées soit clairement dénoncée. Le silence de l'ONU à propos de ce qui se passe en Irak, avec les risques d'embrasement généralisé de toute la région, se fait de plus en plus pesant. C'est ce qu'a essayé de dire, en somme, le chef de la diplomatie irakienne, Naji Sabri, dans une saisine urgente adressée au président du Conseil de sécurité, le Guinéen Mamady Traoré. Cette instance, écrit le ministre «doit condamner la lâche agression et agir immédiatement pour obtenir un arrêt inconditionnel des attaques». L'Irak, qui craint que cette saisine ne soit interprétée comme une sorte de «capitulation déguisée», ajoute dans sa lettre, lue à la télévision d'Etat, que «l'Irak et son dirigeant Saddam Hussein vaincront les ennemis de l'Islam et enterreront les rêves des deux régimes colonialistes voyous à Washington et Londres, et de leurs alliés». L'Irak, qui sait que le droit est de son côté, argumente très clairement son appel. Le ministre ajoute, en effet, dans sa lettre que «cette invasion à grande échelle et cette agression militaire (...) constituent une violation flagrante de la charte de l'ONU et des lois internationales (...) ainsi qu'un défi à la volonté de la communauté internationale qui a rejeté le recours unilatérale à la force». L'ONU, comme l'ont souligné de nombreuses capitales de par le monde, notamment occidentales, subit un test décisif pour sa crédibilité, peut-être même pour sa survie. Naji Sabri, à ce propos, souligne que «cette guerre menace ce qui reste de la crédibilité et du rôle de l'ONU dans les relations internationales». Les violations de la convention de Genève semblent être allées très loin. Comme tendent à le prouver certaines images, il semble que de nombreux sites civils, installations économiques vitales et lieux de cultes musulmans et chrétiens aient été délibérément visés par les missiles de croisière (précis) des forces coalisées. L'Irak a également profité de cette sortie pour demander aux gouvernements arabes, dont les ministres des AE se réunissent aujourd'hui au Caire, capitale égyptienne, de «soutenir l'Irak dans sa guerre contre les envahisseurs». Cette forme de soutien, loin d'être militaire, devrait se cristalliser sous la forme d'une plus grande pression sur l'ONU afin qu'elle sorte enfin de son silence et qu'elle prenne position par rapport à ce qui se passe en Irak. La Syrie, membre non permanent du Conseil de sécurité, avait appelé la veille à l'arrêt immédiat des frappes contre l'Irak, dénonçant en termes très vigoureux cette agression. La plupart des capitales arabes en avaient fait autant, notamment notre pays dont l'ensemble des institutions réagit contre cette guerre. Les manifestations, organisées partout dans le monde, avec des centaines de milliers de marcheurs, confortent l'ensemble des capitales du monde dans leurs positions, fragilisent la démarche des forces coalisées et rendent encore plus insoutenable et inexplicable le silence de l'ONU. Pour bien mettre en exergue «l'obsolescence» de la position onusienne, l'ambassadeur irakien auprès des Nations unies, Mohamed Daouri, a rejeté sans appel le plan de Kofi Annan sur les aides humanitaires destinées à l'Irak. Ce plan, concocté par les Etats-Unis et l'Angleterre ne vise rien moins, en substance, que de se substituer à l'Etat irakien pour prendre en charge le fameux plan «pétrolecontre nourriture». Accepter cet Etat de fait reviendrait à accorder de facto la victoire aux coalisés et à dissoudre le régime de Bagdad. Sans le dire donc, sans le vouloir peut-être, les Nations unies se seraient retrouvées embarquées dans le bourbier militaire des coalisés...