Certes, une hirondelle ne fait pas le printemps, mais la conférence animée par Aït Ahmed, Mehri et Hamrouche à Aïn Benian, annonce une renaissance de l´opposition politique en Algérie, une opposition crédible car constante dans ses positions. Deux historiques (Aït Ahmed est membre du groupe des neuf, Mehri a été ministre du Gpra) et un fils de chahid (Mouloud Hamrouche) forment un trio qui peut tailler des croupières à une opposition jusque-là molle et plutôt entriste. Mais comme dirait Balzac : «La peccadille est un crime chez le général, et non chez le soldat, et réciproquement.» On peut donc comprendre la ligne de conduite d´Aït Ahmed et de ses compagnons que sont Mehri et Hamrouche vis-à-vis du pouvoir. Le président du FFS a refusé une invitation du président de la République d´assister aux festivités officielles du 1er Novembre, car on ne peut avoir un pied dans le pouvoir et un autre dans l´opposition, d´autant plus que les deux événements (les festivités officielles et le meeting de Aïn Benian) se déroulaient en même temps. Aujourd´hui, c´est le président de la République qui prône la réconciliation et c´est Ahmed qui fait la fine bouche. Les données politiques ont changé. Sant´Egidio, c´est de l´histoire ancienne. En revanche, l´intrusion des émeutiers de Ghardaïa dans la célébration du premier novembre, avec l´arrestation surprise de M.Fekhar Kamel Eddine à minuit, conforte les conférenciers dans la justesse de leur opposition au pouvoir, ainsi que leur appréciation de ce qui a été fait de la révolution, qui n´a pas cessé d´être instrumentalisée depuis l´indépendance. Un Bouteflika qui réclame plus de pouvoir et veut pour cela changer la Constitution, alors que ses pouvoirs sont déjà immenses, il y a là de quoi se poser des questions sur la place qui sera réservée à l´opposition dans le futur régime présidentiel: une opposition de façade et un faire-valoir? On peut penser que l´état de grâce de M.Bouteflika est fini, après sa réélection éclatante depuis le 8 avril. Puisqu´il sort pour la première fois de sa réserve pour s´expliquer sur l´application de son projet de réconciliation nationale et sur d´autres sujets d´actualité. Cette sortie coïncide avec le retour au pays de Hocine Aït Ahmed. C´est comme si les deux événements étaient planifiés par les protagonistes. En fait, c´est surtout la date du 1er Novembre qui a été choisie par les deux parties, autant pour ce qu´elle charrie comme symboles que pour sa place dans le calendrier. Le président de la République a mis à profit les six premiers mois qui ont suivi sa réélection pour s´occuper des questions stratégiques au sommet de l´Etat, notamment la question de ses relations avec la hiérarchie militaire et les autres institutions de la République, laissant Ouyahia gérer l´intendance. Il peut maintenant redescendre dans l´arène pour lancer les grands chantiers du quinquennat. Quant à Aït Ahmed, qui n´a pas pris part à la campagne pour les présidentielles, il pense aussi que le moment est venu, en compagnie de ses complices, Hamrouche et Mehri - qui sur plusieurs questions sont sur la même longueur d´onde que lui - qu´il est temps de ranimer ce moribond qu´est l´opposition et d´occuper la scène, pour ne pas laisser le pouvoir en tête à tête avec lui-même. De telles situations conduisent inévitablement aux dépassements, c´est-à-dire à ce qu´un ministre français avait qualifié de République de copains et de coquins.