Récurrent, le thème des réformes du, et dans le, monde arabe, est employé à tous les temps sur tous les tons, sans pour autant que l´on s´arrête sur un aspect tout aussi essentiel de ces réformes, la ponctualité des monarques et chefs d´Etat arabes à des rencontres qui engagent le devenir du monde arabe. Or, selon une tradition consacrée, les dirigeants arabes, ou du moins certains d´entre eux, continuent a faire comme si faire faux bond à des rendez-vous aussi importants qu´un Sommet arabe est chose naturelle et qu´ils ne sont pas tenus au minimum de respect qu´il doivent, à tout le moins, à la crédibilité de leur organisation, la Ligue des Etats arabes. Ainsi, la veille et le jour d´ouverture (hier) du Sommet arabe d´Alger, plusieurs monarques du Golfe se sont fait porter pâles, et ont décidé, pour une raison ou une autre - toutes de fait injustifiées, et injustifiables, quand un secrétaire général de l´ONU, un chef de gouvernement espagnol, des ministres européens des Affaires étrangères, se font un devoir d´y assister - de ne pas faire le voyage d´Alger. Les absences en cascade des rois et émirs enturbannés reposent à nouveau le sérieux et le crédit qu´il convient d´accorder aux dirigeants arabes qui, tous, voient midi à leurs portes ne tenant aucun compte des engagements et obligations qu´ils ont envers leurs pairs arabes d´une part, envers une organisation arabe encore une fois discréditée par les faux bonds à répétition de dirigeants, qui se veulent influents et peser dans la construction de l´avenir du monde arabe, comme l´Arabie Saoudite dont le prince héritier, Abdallah Ben Abdelaziz, s´est à son tour esquivé en trouvant plus urgent de rester à Riyad, alors que d´autres se sont inopinément rappelés qu´ils avaient d´autres engagements de l´autre. Quels engagements peuvent, aussi importants soient-ils, primer sur le rendez-vous arabe annuel? Vous vous imaginez un dirigeant politique européen faire faux bond à un sommet de l´Union européenne? Non, bien sûr que non, parce que ce n´est seulement pas imaginable. En effet, ce qui n´est pas concevable dans des réunions similaires au Sommet arabe est en revanche une pratique courante dans les pays arabes où l´important n´est pas l´intérêt du pays et des citoyens, mais le confort et les humeurs du potentat arabe qui voit les choses à l´aune de son caprice. Il s´agit bien de caprices, eu égard aux thèmes qui seront débattus par le Sommet arabe, qui requerraient la présence indispensable de tous les dirigeants arabes. Aussi, que dire de dirigeants, qui veulent être pris pour des personnes conséquentes, mais trouvent le moyen de «sécher» un rendez-vous ponctuel, dont la date est connue plusieurs mois à l´avance, si ce n´est que ces dirigeants illustrent, et confirment à leurs dépens, les raisons de la stagnation du monde arabe ; son retard incommensurable dans tous les secteurs d´activités sociales, politiques et économiques, explique pourquoi le monde arabe n´arrive pas à se faire prendre au sérieux et à se faire entendre dans les forums internationaux où la voix des Arabes est fort tenue; pourquoi le dossier palestinien est en suspension de règlement depuis 58 ans; pourquoi des Etats tiers veulent, et peuvent, imposer des réformes à un monde arabe dont, à l´évidence, les dirigeants sont incapables d´en comprendre l´importance et l´opportunité. Aussi, les absences du roi de Jordanie, du prince héritier saoudien, du roi de Bahreïn, des émirs des Emirats arabes, du Qatar, du Koweït, du président yéménite, ne s´expliquent pas et ne peuvent se justifier quelles qu´en soient les raisons avancées car, trêve de faux-fuyants, aujourd´hui, la situation du monde arabe est grave, menacé qu´il est de se voir imposer des réformes concoctées à l´extérieur et faites sur mesure pour les Arabes. Or, c´est en connaissance de cause, car cela fait un an - au moins depuis le Sommet arabe de Tunis - que la question des réformes dans le monde arabe et de la Ligue arabe est sur la table des dirigeants arabes. Aussi, ces absences de dirigeants arabes à Alger, répétons-le injustifiées et injustifiables, portent un coup sévère aux recommandations que la 17e session du Sommet arabe sera amenée à prendre concernant singulièrement les modalités des réformes à engager tant au niveau du monde arabe que de son organisation, la Ligue des Etats arabes. De fait, la réussite d´un sommet, a fortiori, celui d´une organisation à caractère international, comme la Ligue arabe, - regroupant l´ensemble des Etats de cette région du monde -, c´est aussi la ponctualité et la discipline de ses dirigeants qui se doivent, à défaut de respecter les règles, se respecter eux-mêmes pour espérer, en retour, être pris au sérieux par leurs interlocuteurs internationaux. Comme on le soulignait plus haut, s´il y a aujourd´hui une réforme urgente à faire, c´est bien celle de corriger les moeurs archaïques des potentats arabes.