Etait-ce la montée en puissance d´un parti politique nommé FIS qui avait été interrompue ou le cadre d´organisation que celui-ci allait donner aux groupes armés? Ceux qui avaient interrompu le processus électoral s´étaient appuyés sur l´affaire Guemar, sur la déclaration du FIS durant ce qu´on devrait appeler « l´entre deux tours » pour se persuader qu´ils s´étaient d´abord situés par rapport au deuxième cas, à savoir stopper la montée en puissance du cadre d´organisation qui devait fournir ses réseaux maillés de terroristes. Mais c´était déjà trop tard. Les communes conquises, les mosquées prises en otage du fait que la religion avait servi de phénomène d´investissement politique, avaient créé un fait accompli. Le concept de «guerre préventive» n´était pas encore à l´honneur. «Guemar» avait été intégré dans une stratégie à double option, préparer l´insurrection armée en cas de défaite aux législatives, préparer la violence étatique en cas d´accès au pouvoir. La «violence étatique» sous le pouvoir du FIS était déjà annoncée explicitement dans le discours, ce qui d´ailleurs avait inspiré une forte inquiétude dans les rangs aussi bien des démocrates que dans ceux qui n´avaient pas de certitudes idéologiquement ancrées. Quelques phrases prononcées à dessein pouvaient s´inscrire dans une telle lecture. Durant ce qu´on avait qualifié de grève insurrectionnelle, le porte-parole du FIS avait promis la dissolution du corps de la police tandis que d´autres militants de ce parti annonçaient qu´ils créeraient des milices destinées au contrôle de la conformité des comportements à la charia. Dans la foulée, étaient également promis la mise en place de tribunaux populaires, le changement des comportements alimentaires et vestimentaires et la venue d´un bateau de cadres musulmans. C´était bien le seul parti à avoir annoncé de telles intentions. D´autre part, en ce qui concerne l´acquisition de capacités opérationnelles pour pouvoir éventuellement mener une insurrection armée, là encore, il y avait des prémices contenues dans le discours et dans les actes. Des armes ont été réclamées pour mener le «djihad» en Irak, des entraînements à la guérilla ont été opérés, sans armes réelles cependant, une opération grandeur nature à cibles réelles et à tirs réels a été menée à Guemar contre des gardes frontières, une marche manifestation a été effectuée le premier Novembre 1991 aux pas et cris de commandos. Sur le plan des discours, en juin 1991, le porte-parole du FIS avait déclaré: «nos jeunes sont capables d´avaler les chars, si on leur en donne l´ordre.» Là encore, c´était le seul parti à déclarer pouvoir s´engager dans cette voie. Sur le plan du système politique que le FIS préparait pour le pays, ne retenons que trois phrases prononcées par les anciens leaders du FIS. «La démocratie est kofr» , pour le n°2 du FIS qui ajoute qu´il ne comprendrait pas que le «peuple vote contre l´Islam», c´est-à-dire contre le FIS. Quant à la question de procéder à la dissolution du RCD si le FIS parvenait au pouvoir, le porte-parole de ce dernier répondit que la parole reviendrait au peuple. Or, le FIS était considéré par ses leaders comme le parti du peuple...musulman. Elire le FIS équivaudrait à vouloir la dissolution des partis démocrates qualifiés de laïcs. Le FIS ne doit donc s´en prendre qu´à lui-même. Il s´est fait lui-même hara-kiri.