«Se voiler la face, vivre d´illusions, refuser le temps qui passe ou de voir les inégalités, c´est vivre moins qu´une pierre.» Hafid Aggoune "Extrait d´une interview sur Evene.fr - Septembre 2005" Décidément, la burqa est à la mode sur les écrans du paysage audiovisuel français. Toutes les télévisions françaises ou presque sont à la recherche d´un angle pour attaquer le sujet. BFM-TV a été la première à interviewer une femme avec le voile intégral. Mais Canal+ est sans doute la chaîne qui a offert le plus l´espace d´expression (en direct et sans censure) pour ces femmes voilées indésirables en France depuis quelques semaines. Mardi soir, le grand journal de Canal+ a accueilli la réalisatrice Agnès De Féo, qui a réalisé un documentaire qui donne la parole à ces femmes françaises qui portent la burqa. Le plateau du Grand Journal était plongé dans un silence de mort pour écouter Oum El Kheir parler un français parfait, revendiquant son statut de femme musulmane et demandant à se faire comprendre. Quand les deux femmes se sont assises, les journalistes et chroniqueurs de Canal+, à l´image d´Ariane Massenet et surtout Jean-Michel Aphatie, étaient sous le choc. Ils ont demandé que soient dévoilés au moins les yeux des deux femmes. Un débat qui a duré 20 minutes, a levé le voile sur une question d´actualité très difficile à régler visiblement. La réalisatrice, Agnès De Féo, qui a eu le courage de donner la parole à ses femmes très voilées, n´a trouvé aucun acquéreur pour diffuser son documentaire. Seul l´Institut des cultures d´Islam a accepté de le diffuser hier à 20h. Car depuis le déclenchement de la polémique autour d´une loi visant à interdire le voile intégral, des femmes, pourtant revendiquant le droit de porter la burqa sont mal comprises. Elles confient leur vie privée, leur perception de la société et la place qu´elles aimeraient y tenir dans ce documentaire à Raphaël Liogier (sociologue, directeur de l´Observatoire du religieux) et Bérengère Lefranc (artiste plasticienne). Tous deux impliqués dans leur travail par le voile intégral. Ce film évite d´entrer dans la polémique et laisse place à des expériences individuelles. Il révèle un autre rapport à la féminité, au corps et au regard de l´autre. Surtout, il offre à ces femmes un espace d´expression qui n´est pas celui de la tribune d´accusation et l´occasion de se réapproprier le discours sur leur choix. La projection du film a été suivie d´une table ronde, en présence de Zoulikha et Asma, deux jeunes femmes portant le niqab, de Raphaël Liogier et Samir Amghar, sociologue Ehess, spécialiste du salafisme en France. De son côté, TF1, qui investit beaucoup dans les sujets qui touchent à l´islamisme politique, a programmé un reportage d´Amandine Chambelland et Marie Kro, intitulé Une vie sous la burqa. Le petit film montre Caroline, 26 ans, qui habite une petite ville de Picardie. Kenza, 32 ans, réside dans un immeuble à Avignon. Toutes les deux sont Françaises, musulmanes et entièrement voilées. Le documentaire met l´accent sur près de 2 000 femmes en France, portant le niqab et qui risquent, en cas de promulgation de la loi, d´être mises en prison ou dévoilées. A cela s´ajoute des reportages dans la presse écrite comme celui du Parisien, Un mois sous la burqa réalisé déjà par Gilles Klein le 25 janvier dernier. Seule France 2 n´a pas voulu entrer dans cette polémique, critiquant surtout les membres du gouvernement et surtout le président Sarkozy sur cette affaire de burqa. [email protected]