Un très jeune couple va droit dans le mur. Le divorce est-il une solution? Voire. Nesrine.S., vingt-sept ans arrive au tribunal flanquée de Maître Mohammed Djediat, son conseil dans son histoire de divorce à l´amiable. «Ecoutez, Monsieur. Je ne crains ni la presse ni les journalistes. J´ai peur du mensonge. J´en ai horreur, à telle enseigne que je l´ai appelé en aparté chez sa mère pour lui imposer la séparation à l´amiable. Nous avons trois ans de mariage. Je n´ai pas enfanté. Je suis en soins. Je suis bien prise en charge par le professeur qui s´en est remis à Allah, pour que je puisse tomber enceinte dans les délais, les meilleurs. Je me suis mariée à vingt ans. Je pratique le droit et j´ai épousé un jeune gauche. Un jeune dans le quotidien mais vieux dans la pratique. Figurez-vous qu´il m´a avertie qu´à la première grossesse, je quitte le cabinet où j´exerce! C´est un criminel! C´est malheureux qu´à son âge (vingt cinq étés) il pense vieux. Ses projets relèvent de la psychiatrie. Il n´a aucun sens dans sa vie quotidienne. Il a sa mère, divorcée au passage, et mise à la porte par son gendre qui n´a pas supporté la voir en mini à son âge! Que voulez-vous que je fasse? Simple. Partir, me soigner, car c´est vrai que j´ai un problème gynécologique et le professeur m´a rassuré en m´imposant des soins étudiés et une hygiène à toute épreuve. Nesrine souffle cinq secondes. Elle s´asseoit sur le ban réservé aux justiciables, que Madame la présidente va recevoir en son cabinet à huis clos. Maître Djediat arrive à son tour. Il chuchote quelque chose à l´oreille, nous salue d´un large sourire et quitte le tribunal. Nesrine affiche alors son plus beau sourire et nous informe que l´époux ne viendra pas, qu´elle sera alors obligée de partir elle aussi, «car, dit-elle, pour divorcer, il faut être deux, comme le mariage, quoi?», siffle la très jeune dame, ravissante à souhait et surtout courageuse. Ecoutez-moi SVP, vous pouvez mettre mon prénom. Je veux que mon divorce apparaisse au grand jour. Ne mettez surtout pas les coordonnées de mon, déjà, ex-mari. Je veux que dans vingt ans, j´ouvre mon journal personnel et j´y trouve votre chronique, juste pour ne pas oublier l´escroquerie morale dont j´ai été l´objet en acceptant d´épouser un beau gosse plus jeune que moi de vingt-deux mois!» Et à ce moment-là, elle éclate en sanglots. Elle semble revivre les beaux moments passés ensemble. Les voyages en Turquie, Oran, Annaba, Bou Saâda. Le nouvel An. Les Aïds passés chez ses parents à l´ouest de Tipasa. A ce moment-là, Maître Djediat revient. Il s´assoit et dit: «Votre époux vient de arriver. Ce sera le moment d´entrer pour signer le document commun qui va mettre un terme à votre union», chuchote presque l´avocat de Patrice-Lumumba qui balancera dans notre direction: «C´est dommage que le huis clos va vous empêcher d´écouter le tsunami qui a détruit ce nid douillet où tout marchait bien jusqu´au jour où un mauvais pressentiment avait mis la puce à l´oreille de madame...», puis, le défenseur se tait comme si une vague salée haute de quatre mètres venait de le sortir de sa torpeur née du mini-récit qu´il venait de débuter. Qu´à cela ne tienne. Nesrine prit alors la relève pour nous inviter à changer de place pour vider ses tripes, son coeur, son palais, son gosier, son ventre, bref son cerveau, qu´une poignée de cheveux avait percé afin de créer une brume où elle doit dire adieu à un faux amour, à un mariage monté sur une botte de foin, à défaut de... béton et de briques rouges. Oui, car disons-le tout net, la dame qui court derrière le divorce, nous a certes édifiés, mais beaucoup de non-dits nous échappent. Oui, madame qui veut se séparer de sa moitié, a dit des choses, mais n´a pas tout dit. Et puis pourquoi nous a-t-elle «conseillé de ne pas aller à la rencontre de Monsieur?» De deux choses l´une, où elle craint des révélations qui pourraient changer la version débitée sur le banc de la greffière pour le huis clos, ou bien, elle cherche que le papier ne contienne que ses paroles puisque, ne n´oublions pas, n´avait-elle pas promis de le classer dans son cahier personnel pour les vieux jours. sacrée Nesrine! C´est le spécimen type d´une femme jamais soumise, libre, modérée qui pèse ses mots en vue de rester égale à elle-même. Ce qui est sans doute certain, nous avons encore une fois un drame, un foyer brisé, une famille éclatée, un couple scié en deux. L´unique satisfaction, c´est qu´il n´y a aucune autre victime à déplorer. Oui, Nesrine et son futur ex-époux sont deux victimes d´un quotidien qui ne pardonne pas. Et donc, il n´y a pas d´enfants à écarteler. C´est l´essentiel. Et pour terminer, c´est Maître Djediat qui clôturera par «que voulez-vous, le divorce est une chose de la vie!» O.K., Maître.