Longtemps ignorée, l'Afrique est devenue une destination politiquement correcte. Voilà un continent dont nombreux, et longtemps, sont les présidents des puissants Etats-Unis qui l'ont tenu pour quantité négligeable, qui se découvre à des hommes, dont le seul horizon palpable et compréhensible était le business. L'Afrique, subitement, est devenue un lieu politiquement correct, où ne déparerait pas la présence des puissants maîtres du monde, ceux-là mêmes qui l'ont dédaignée, alors même que le continent criait sa détresse. Mais à l'heure de la bonne gouvernance il était de bon ton de redécouvrir un continent à la dérive, une Afrique confrontée, outre aux violences et à la mal-vie auxquelles elle doit faire face, à une mortelle saignée de cerveaux qui aggrave ses crises et son état de sous-développement. Des cerveaux, qui font les beaux jours de multinationales, singulièrement américaines, aux frais du contribuable africain. George W.Bush, sera donc le second président américain, après Bill Clinton en 1998, à consacrer une tournée au continent noir. La visite du président républicain américain, dans une Afrique à la recherche de sa stabilité, suscite autant d'espoir, qu'avait pu provoquer, à l'époque, la venue du président démocratique, Bill Clinton. Une tournée «clintonienne» demeurée hélas sans lendemain. Pour dire qu'il faut encore que le président Bush, qui entame aujourd'hui au Sénégal sa tournée africaine, apporte avec lui plus que la bonne parole, du concret. Annonçant cette visite, la Maison-Blanche souligne «l'engagement du président Bush en faveur d'une Afrique libre, prospère et pacifique». Certes, mais à l'exception remarquable du Sénégal, qui se trouve être le seul pays francophone visité, et aussi l'un des pays promoteurs du Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, (Nepad, avec l'Algérie, l'Afrique du Sud, le Nigeria et l'Egypte), le président républicain, reprendra presque le même itinéraire défriché par son prédécesseur démocrate, par ses arrêts au Botswana, en Afrique du Sud, en Ouganda et au Nigeria. Ces pays ont, en fait, un point commun: celui de plier sous la pandémie du sida qui gangrène une grande partie de l'Afrique australe. Le président Bush promet l'aide des Etats-Unis, mais une aide conditionnelle que, de toute évidence, il faut mériter. Cette aide entre dans le cadre du «Fonds pour les défis du millénaire» (Millénium Challenge Account) dont l'objet, indique-t-on de source américaine, vise à «augmenter l'aide publique au développement (APD) américain» à condition insistent-ils, que les pays qui la reçoivent «respectent une série de critères». Autant dire que cette aide, si tant est qu'elle en soit une, dans les circonstances dans lesquelles se trouve l'Afrique, ne sera en tout état de cause, qu'un palliatif loin de réduire, et encore moins résoudre les innombrables manques auxquels est confronté le continent noir. Lors de la conférence des Nations unies pour le développement à Monterrey, au Mexique, le président Bush qui a évoqué cette aide a également développé sa vision des relations nouvelles entre les pays riches industriels et les pays sous-développés, présentant qu'il appela «un nouveau contrat» entre ces deux entités. Cependant, on ne voit pas comment les Etats-Unis, qui s'opposent à un moratoire sur la dette, énorme, des pays africains, accepterait des notions allant à l'encontre de la sacro-sainte devise du libéralisme. Bien sûr, il est affirmé dans l'entourage du président américain, que M.Bush est un partisan convaincu de l'African growth and opportunity act (Agoa, loi américaine sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique) qui, certes, favorisa un certain essor des exportations africaines vers les Etats-Unis. Mais cela reste relatif et ne représente pas, en valeur brute, une avancée économique et financière appréciable, même si un certain satisfecit transparaît dans les sphères économiques africaines. Ainsi, John Stremlau, professeur à l'université de Witwatersrand à Johannesburg, estime que «politiquement, George W.Bush n'est pas populaire en Afrique, spécialement après la guerre contre l'Irak, mais en raison de l'Agoa, les exportations en provenance d'Afrique vers les Etats-Unis ont connu un bond important ces 2 ou 3 dernières années». Toutefois, comme le remarque le sénateur Richard Lugar, président du Comité des relations extérieures du sénat américain, malgré des résultats, qui peuvent être estimés positifs de l'Agoa, l'Afrique estime-t-il «demeure très loin derrière les autres pays en développement», soulignant à raison que «l'Afrique n'attire pas les investissements étrangers nécessaires, et ses perspectives de croissance s'en trouvent sérieusement réduites». Nous sommes donc loin de l'euphorie dont d'aucuns semblent faire montre. Pour sortir de l'ornière où elle se trouve bloquée, l'Afrique a besoin d'un soutien et d'une aide massive, avec droit, certainement, aux donateurs de contrôler l'emploi qui serait fait de cette aide. L'une des conséquences de ces crises, jusqu'à en devenir une des plaies du continent, c'est encore la saignée de son élite recrutée à prix d'or par les multinationales et partant soustraite aux besoins du développement des pays africains qui consacrent d'énormes budgets à la formation de ces cadres que les pays occidentaux et industriels s'approprient grâce à leur argent. C'est là l'un des paradoxes récurrent qui maintient l'Afrique dans les rets du sous-développement. Aussi, le président Bush doit-il adresser aux Africains autre chose que les belles paroles pour les convaincre de la disponibilité de la puissante Amérique à contribuer effectivement au redressement du continent. L'Afrique ne demande pas l'aumône mais une aide qui soit mutuellement profitable aux Africains et aux Américains. Et c'est sans doute le discours que ses interlocuteurs africains ne manqueront pas de tenir à leur illustre hôte américain.