Le nouvel organisme africain est entré en vigueur. Mais le plus difficile reste à faire. A Durban, l'Afrique s'est donné un nouveau challenge, celui de construire des bases solides permettant au continent d'effectuer enfin son décollage aux plans économique et politique. En effet, il n'est rien moins que question de changer les concepts sur lesquels a fonctionné l'Afrique depuis les indépendances, et dont les bilans sont plus que négatifs. De fait, l'Afrique a perdu quarante ans dans la mise en oeuvre de son développement. L'OUA, discréditée, longtemps considérée comme un syndicat ou un club fermé des «hommes en kaki» ou «hommes forts» de l'Afrique (à deux ou trois exceptions près, la plupart des pays africains avaient, ou ont encore, à leur tête des militaires) n'avait jamais réussi à impulser le développement que réclamait le continent. L'Union africaine, qui a pris depuis mardi la relève, ambitionne d'aller à contre courant de cet immobilisme et de construire en Afrique l'Etat de droit avec tout ce que cela peut induire comme principe de gouvernance. Cependant, beaucoup d'analystes africains demeurent sceptiques et demandent à voir. En effet, il est patent que d'aucuns doutent que ceux qui ont incarné ces dernières décennies le despotisme, (certains dirigeants africains sont aux «affaires» depuis pratiquement la création de l'OUA en 1963 et, à tout le moins, la majorité, sont à la tête de leur Etat depuis plus de 20 ans) soient aujourd'hui les plus, ou les mieux, indiqués pour conduire les transformations que nécessitera le passage à l'Etat de droit et, partant, à la bonne gouvernance. C'est dire que l'UA et les dirigeants africains doivent prouver qu'à Durban il ne s'est pas seulement agi d'un changement de nom, mais d'une mutation et d'un engagement qui donneront à terme à l'Afrique de se réaliser. Reste la question de savoir si les actuels «vieux» dirigeants soient ceux à même de mener le changement et de donner à l'Union africaine l'impulsion nécessaire à son décollage. De fait, c'est ce que, lucide, souligne le président sud-africain, Thabo Mbeki, nouveau président de l'UA, lorsqu'il avoue: «Nos peuples attendent de nous les changements auxquels nous nous sommes engagés» après avoir remarqué que le continent «commence un nouveau chapitre de (son) histoire.» L'Afrique - ses dirigeants notamment - doit changer de mentalité en s'ouvrant plus vers les peuples africains longtemps tenus pour quantité négligeable. Dès lors, faut-il voir dans la fermeté usitée envers Madagascar, privée du Sommet de l'OUA, le nouveau challenge de l'UA? Ainsi, un communiqué indique que la Conférence (de l'UA) «maintient la décision de l'organe central (de prévention des conflits) concernant Madagascar». Le président sortant de l'OUA, le Zambien Levy Mwanawasa, avait déjà, lundi, affirmé que la position de l'OUA «est une question de principes et une réaffirmation de l'attachement aux idéaux de gouvernance». Appuyant ces propos, le président nigérian, Olasegun Obasanjo, soulignait, hier, lors de la clôture de la Conférence africaine: «Si à ce stade de la vie de l'Union africaine, nous ne faisons pas les choses sur des questions de principe, nous allons échouer avant même d'avoir commencé.» Renvoyant dos à dos, le président sortant Didier Ratsiraka, aujourd'hui exilé en France, et le président «élu» Marc Ravalomanana, l'OUA, et maintenant l'UA, exigeait des élections conformes aux principes démocratiques. A l'évidence, Madagascar a été une première épreuve pour l'UA, les opinions des pays africains étant partagées entre ceux préconisant la fermeté et ceux demandant le retour d'Antananarivo au sein de l'Union. La fermeté a finalement triomphé, et Madagascar doit revoir sa copie. Par ailleurs, la Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement africains a pris la décision de maintenir le staff sortant du secrétariat général de l'OUA, pour une année intérimaire durant laquelle il aura à mettre en place les structures de la Commission nouvellement créée. Ainsi, le secrétaire général de l'OUA, l'Ivoirien Amara Essy, est maintenu à son poste pour cette période transitoire. De fait, un prébilan, dont le lieu de la tenue reste à désigner, déterminera la suite à donner à la construction de la nouvelle organisation africaine.