Il vit en France, mais c´est un habitué de Bab El Oued et plus précisément de l´association SOS Bab El Oued où depuis quelques années déjà, il y vient régulièrement pour encadrer des ateliers de cinéma pour des jeunes de ces quartiers. Il est un formateur bouillonnant d´idées. Il évoque avec nous son travail pédagogique aussi mais, ses projets personnels sans oublier ses racines algériennes... L´Expression: Hakim Zouhani, on vous connaît surtout en tant qu´animateur d´ateliers ciné pour le compte de l´Association SOS Bab El Oued, un mot d´abord sur ce travail que vous effectuez dans le cadre du jumelage entre l´association Omja d´Aubervilliers et Bab El Oued? Hakim Zouhani: Depuis 2008, on collabore régulièrement avec cette association pour initier des jeunes d´Alger et d´Aubervilliers aux outils de l´audiovisuel... C´est un peu notre manière à nous de rendre plus accessible la culture à ces jeunes des quartiers populaires. Une culture qui est souvent (trop) élitiste. Mais c´est avant tout un moyen pédagogique et ludique de confronter leurs regards sur le monde, et aussi de se servir de la vidéo en mode d´expression comme un autre. Les jeunes de l´Omja que l´on accompagne sont Français, mais sont pour la plupart d´origines algérienne, marocaine, malienne... Et ce qui est intéressant dans ces rencontres avec les jeunes Algérois, c´est que malgré les différences de culture entre les deux pays, tous ces jeunes ont les mêmes envies, les mêmes rêves... Ensemble, nous avons quand même produit, en trois ans, une dizaine de films courts de qualité. Où en êtes-vous dans votre collaboration algérienne? J´ai fait mon dernier séjour dans ce cadre en juillet 2011, nous avons fait un film d´atelier BEO 16007. Car pour ma part, j´ai quitté l´Omja depuis peu pour me consacrer entièrement à mes envies de produire et de réaliser. J´ai monté une structure de production à Aubervilliers avec un ami, Nouvelle Toile. Je souhaite toujours collaborer avec l´Algérie dans mes projets, mais différemment maintenant. Cependant, les échanges entre les jeunes d´Aubervilliers et les jeunes Algériens continuent toujours. Avec Carine May vous avez aussi entrepris de réaliser, avec le concours d´une trentaine de jeunes d´Aubervilliers, un film qui s´appelle Rue des cités. Pourquoi le choix d´un tel film? C´est toujours dans mes envies de transmettre aux jeunes. L´idée de ce film a débuté en 2004. Un reportage d´une grande chaîne nationale montrait un vol de moto en direct. Le sujet a été repris et diffusé sur d´autres chaînes et l´action se déroulait en bas de chez moi, à Aubervilliers... Avec Carine on trouvait cette histoire bizarre, donc, après avoir mené notre enquête, on a vite compris que c´était un reportage bidonné et que les jeunes avaient été payés pour faire les voyous devant les caméras. Cette histoire avait marqué la ville d´Aubervilliers à l´époque, car on nous stigmatisait une fois de plus dans les grands médias. On est donc partis de cet événement pour broder une histoire autour de ça, on voulait montrer une image plus juste et réaliste des quartiers populaires en France. Il fallait éviter l´angélisme bien sûr, mais aussi la caricature. Le processus d´écriture a été très long, mais on avait envie de tourner. Dès qu´on a eu un peu de sous, on s´est tout de suite lancé dans la production du film. J´ai donc fait appel à tous les jeunes motivés que j´ai rencontrés durant les ateliers vidéo que j´animais à l´Omja pour jouer dans le film. On a aussi associé aux professionnels certains jeunes qui voulaient découvrir plus sur les métiers du cinéma. En dehors de ce qui apparait dans le film, on a tous vécu une aventure collective très enrichissante. Cannes, c´était la cerise sur le gâteau pour le film. Quel a été l´écho du public récemment au Festival de Cannes où le film a été projeté? Ce qui nous inquiétait, c´est que notre film Rue des cités, parle de banlieue, de territoire, de codes, d´un langage... On avait donc peur que le public «hors-banlieue» n´adhère pas au film. Et lors des projections, il y avait des retraités et des collégiens de Cannes. Un autre univers pour nous. On s´est dit, si eux apprécient, on peut dire qu´on a réussi notre pari... Et c´était le cas, on a eu un super retour du public, et un super retour de la profession. Mais c´était risqué, car la forme du film est très spéciale, on mélange de la fiction et du documentaire, le film fait 70 minutes... Donc, ce n´était pas évident. On croit savoir que vous préparez actuellement un projet à Alger en vue de l´événement culturel, «Marseille 2013», en quoi consiste-t-il? En fait, avec Carine May, Camille Millerand (photographe qui avait animé un atelier photo en juillet dernier à BEO) et Nadir Dendoune (écrivain et journaliste), on souhaite réaliser un web-docu pour les 50 ans de l´Indépendance (et pas pour «Marseille 2013»). C´est une nouvelle forme de narration destinée pour le Net. C´est très en vogue actuellement, mais c´est vraiment une écriture spécifique qui prend du temps. On souhaite regrouper des témoignages des deux côtés de la Méditerranée... Est-ce vos origines algériennes qui vous poussent à revenir en Algérie et être en contact permanent avec les jeunes de la banlieue d´ici? Je suis attaché à Aubervilliers, car c´est la ville qui m´a vu naître, qui m´a vu grandir... Et, bien évidemment, à l´Algérie, le pays de mes parents. Les similitudes entre les deux, c´est bien sûr la place des jeunes dans la société actuelle. On ne les écoute pas. Les quartiers populaires sont souvent délaissés par les pouvoirs publics (des deux côtés de la Méditerranée) Essayer de sensibiliser les jeunes, de les accompagner dans un projet pour qu´ils puissent transmettre à leur tour... On peut dire que c´est un peu ma contribution (même si elle est très minime) à l´épanouissement de ces jeunes comme j´ai pu en bénéficier à Aubervilliers, quand j´avais cet âge. Comment évaluez-vous la situation du cinéma en Algérie, eu égard à votre présence répétée en Algérie? Je rencontre souvent des jeunes cinéastes algériens dans des festivals de cinéma en France. Ça veut dire qu´il y a quand même une production qui existe. Mais elle reste minime. Je pense que ces jeunes cinéastes algériens avancent comme nous. Car en France, lorsque tu es d´origine étrangère et que tu vis en banlieue... Tu peux oublier les aides de l´Etat pour faire ton film. Je pense donc qu´on est un peu dans le même cadre de production. On fait tout nous-mêmes avec très peu de moyens. C´est pour la diffusion des oeuvres, après c´est plus compliqué. L´état des salles de cinéma en Algérie est inquiétant. Parce que c´est une chaîne... Il peut y avoir beaucoup de productions, mais pour quelle diffusion? Les meilleurs films iront s´exiler à l´étranger pour exister, mais les autres... Alors qu´en France, après la production, on peut faire vivre le film correctement. Mais je ne sais pas si on doit comparer entre les deux pays, car en France, c´est quand même un système de financement du cinéma le mieux loti du monde.