La crise du FLN ou le fossé entre «légitimistes» et «redresseurs» qui n'en finit pas de se creuser est avant tout une crise de régime. En fait, le système qui gouverne l'Algérie depuis l'indépendance s'essouffle et montre ses limites, étalant au grand jour son incapacité à se renouveler et aussi à se régénérer. Cette régénération du système, voire sa re-fondation, s'est heurtée tout au long de ces décennies à une orthodoxie rentière - adossé à un ultraconservatisme, le FLN s'oppose à la revalorisation de la participation de la femme à la vie politique, refuse la démission des ministres candidats à des postes électifs, a manipulé le Code communal, notamment, ce qui fait de ce parti un opposant déclaré à toute avancée démocratique - qui a induit un immobilisme qui se traduit, aujourd'hui, par la crise aiguë de la Maison FLN. Un FLN courroie de transmission du système et pépinière des hommes de pouvoir. Aussi, il serait vain de vouloir comprendre la crise qui secoue le vieux parti nationaliste - un parti historique aujourd'hui dévalorisé par les luttes de clans - sans la replacer dans le contexte de lutte d'apparatchiks pour la conservation du pouvoir au carrefour duquel se trouve le FLN longtemps appareil de propagande et machine électorale, sans que lui ait été donnée l'opportunité de devenir un vrai parti s'engageant pour le développement de l'Algérie, à l'instar du FLN historique qui s'est engagé pour la libération du pays. La crise du FLN est donc davantage une crise du système, la nomenklatura s'étant plus souciée de conforter sa position que de réellement construire des institutions capables de survivre aux hommes. En fait, le dilemme du FLN est que le parti a été mis en «suspension d'animation», c'est-à-dire qu'il a été vidé de sa substance pour ne garder qu'un sigle porteur cher au coeur des Algériens. N'étant plus un mouvement combattant, le FLN n'a pu pour autant se convertir en parti politique apte à conduire le pays vers le développement et le progrès. De fait, le FLN postindépendance n'a pas su, pu, en réalité voulu, se remettre en question. En effet, cette transition de mouvement de libération vers un parti politique, dans toute l'acceptation du terme, n'a pu avoir lieu dès lors que le Front de libération nationale s'est mué en «appareil» dont la mission première a été, est de servir de marche-pied et de tremplin à l'accès au pouvoir. En 2011 et 49 ans après l'Indépendance, les choses ont-elles évolué? Le «coup d'Etat scientifique» qui a débarqué Abdelhamid Mehri du secrétariat général du FLN, les multiples redressements dont le parti est le théâtre, illustrent parfaitement le fait que le FLN reste l'otage de manoeuvres et manipulations politiciennes qui n'ont rien à voir avec la mission censée être celle du Front qui libéra le pays. En effet, malgré l'avènement du multipartisme, le FLN n'a pu faire sa mue et jouer le rôle de parti politique, se limitant à fournir des hommes au système. Majoritaire au gouvernement et au Parlement, le FLN joue sur tous les fronts, ses ministres approuvant les amendements du premier, quand ses députés s'y opposent au sein du second. Pour souligner l'une des incohérences relevées dans les comportements du vieux parti. En vérité, le FLN tel qu'il existe souffre de l'absence d'une véritable vision politique pour le parti, comme d'un projet de société pour l'Algérie. Dans la lutte sourde qui oppose «redresseurs» et «légitimistes» il est surtout question de sauvegarde de prérogatives qui permettent aux uns et aux autres d'interférer et de peser dans et sur les choix de gouvernance. La crise enfin, et ce n'est pas peu de le souligner, est le fait de sexagénaires et de septuagénaires qui n'ont pas su, sans doute voulu, s'effacer et passer le témoin à la génération postindépendance, aujourd'hui la plus qualifiée pour prendre la relève. En cela, plus qu'une erreur, le FLN aura commis une grave faute politique.