Une opération kamikaze meurtrière a eu pour théâtre, mardi soir, cette ville. L'attentat contre un bus à Jérusalem-Ouest dans la soirée de mardi a occasionné la mort de 18 personnes, dont le kamikaze, et plus de 120 blessés. Cet attentat est un autre mauvais coup porté au processus de paix. Le Premier ministre palestinien, Mahmoud Abbas, a immédiatement réagi condamnant fermement cette action. Une action qui vient fort à propos pour des Israéliens en vérité peu empressés à mettre en oeuvre la «feuille de route». Aussi peut-on se demander: a qui profite le crime? Cela, d'autant plus que le chef du gouvernement israélien, Ariel Sharon, dans sa première réaction a décidé de «geler» tout contact avec les Palestiniens, annulant de facto la rencontre qu'il devait avoir, demain, avec son homologue palestinien, Mahmoud Abbas. Dans une déclaration, le directeur général adjoint du ministère israélien des Affaires étrangères, indique «après l'attaque terroriste horrible de ce soir (mardi) et l'inaction des Palestiniens, M.Sharon a décidé de geler pour le moment tout contact avec les Palestiniens». Le moins qui puisse être relevé, c'est que cet attentat, non revendiqué au moment où nous écrivons ces lignes, fait plutôt le jeu de Sharon et des extrémistes israéliens opposés à une application pleine et entière de la «feuille de route». Ainsi, le transfert des villes palestiniennes de Kalkiliya et de Jéricho (Ariha) qui devait intervenir dans la nuit de mardi à mercredi, après de longues négociations, a-t-il été remis sine die. L'armée israélienne a même annoncé «le strict bouclage des territoires occupés ainsi qu'un blocus interne des villes palestiniennes en Cisjordanie, sauf pour les cas humanitaires». Un euphémisme lorsqu'on sait que les villes palestiniennes réoccupées au début de l'Intifada se trouvent depuis sous un «strict bouclage» de l'armée d'occupation israélienne, affamant tout un peuple, interdisant le travail à des milliers de pères de famille. Dans l'hystérie qui gagna hier Israël, des voix responsables, telle celle du ministre israélien des Infrastructures, Avigdor Lieberman -qui a la haute main sur les colonies de peuplement dans les territoires occupés- a ainsi appelé au meurtre du président Arafat, déclarant «Nous savons que les enquêtes sur tous les attentats mènent à la Moukataâ (le QG de Yasser Arafat) qu'il faut effacer avec tout ceux qui l'habitent.» Les mouvements palestiniens, partie de la trêve, tels Hamas et le Jihad islamique, ont réitéré, après l'attentat de mardi, qu'ils sont toujours tenus par le cessez-le-feu décrété unilatéralement le 29 juin. Trêve dont, rappelle-t-on, Israël a fait peu cas, Tel-Aviv s'en tenant à sa propre vision de la paix dans la région. Les Israéliens ont, en réalité, peu fait jusqu'ici, pour consolider le processus de paix, se faisant en revanche remarquer par leur tergiversation dans la mise en oeuvre du processus de paix. Aujourd'hui, l'attentat de mardi semble avoir induit un tournant dangereux, plongeant toute la région proche-orientale dans l'inconnu. La précipitation avec laquelle les Israéliens ont mis un terme à leur «bonne volonté», laquelle s'est, pour le moment, traduite par la libération de quelques dizaines de détenus de droit commun, alors que les Palestiniens réclamaient l'élargissement de milliers de prisonniers politiques, indique a contrario que les responsables israéliens ont saisi au vol ce prétexte pour pratiquement mettre en berne l'application de la «feuille de route». Aussi, l'attentat de mardi, conforte-t-il plus les desseins d'Israël à ne pas aller au fond dans l'épuration du contentieux israélo-arabe, que les Palestiniens, mis dans une situation fausse.