Le châabi, cet art mythique, qui jadis enivrait les ruelles de la Casbah et encensait de ses envoûtantes mélodies les bourgs du Vieil Alger, où les enchanteresses notes du mandole mêlées à l'arôme des fleurs d'oranger offraient une sensation de plénitude et de saveur que seule cette citadelle pouvait procurer. Cet art donnait fière allure aux «goumens» lesquels dans leur attitude chevaleresque, débordent de «redjla» et dont l'évocation de leur seul nom force le respect et nous ramène à cette faste période, où l'ambiance des fêtes n'avait d'égale nulle part ailleurs. Mais depuis la disparition des maîtres du châabi, il s'est vu vider de sa substance, démembré, disloqué, démystifié, dénaturé, sa légendaire histoire violée est livrée aux affres d'une époque où la médiocrité fait loi et la débilité fait foi, laissant libre cours aux fantasmes de certains qui se sont autoproclamés «Cheikh» et qui en vérité, n'ont de leur «chouyoukhité» que l'outrage à la morale artistique, contribuant ainsi grandement au déclin de ce joyau lyrique. Ces piètres flatteurs insipides en mal d'égocentrisme, n'ont trouvé mieux, que de le sacrifier sur l'autel de la cupidité. Malheureusement, il n'a pas fini de broyer du noir en dépit de quelques tentatives de «réanimation» exercées par ceux qui le portent encore dans le tréfonds de leur coeur, mais hélas! La relève tant espérée se heurte à une impéritie, où l'amour de cet art a donné lieu à un mercantilisme étalant tout le démonisme de ses fossoyeurs, laissant place à un rêve éphémère au goût inachevé. Mais là où l'ironie touche à son comble, c'est la création du festival national du châabi institutionnalisé par arrêté ministériel (arrêté du 7 joumada Ethania 1426 correspondant au 13 juillet 2005) qui en est déjà à sa 6e édition, représente un art qui n'a jusqu'alors aucun statut reconnu, ni une école digne de le représenter. Le châabi est et reste ce patrimoine algérois, sans vouloir verser dans un quelconque régionalisme, mais uniquement dans le souci de préserver cet art qui est un maillon indissociable de la formidable diversité de nos genres lyriques, qui font la fierté de notre pays en particulier et notre culture en général. A ma question de vouloir mesurer l'importance d'un tel «événement» et son impact sur la scène artistique à moyen et long terme, lors de la finale d'une édition précédente, «le festival est en lui-même une école qui dispense, l'espace d'une programmation, les rudiments de cet art dans la forme et dans le fond», m'a-t-on laconiquement rétorqué... on ne peut plus clair! Pourquoi avoir choisi de «nationaliser» le châabi à l'instar d'autres genres sachant la diversité de leur style et la richesse de leur répertoire, nous citerons le malouf de Constantine, le gharnati de Tlemcen, l'achwiq de la Kabylie, le staifi, le tindi, etc. pour ne citer que ceux-là. La réponse est assurément pour sa large audience dépassant les frontières du territoire, ce qui nous rend libre de penser que le côté lucratif prime sur l'artistique. Les plateaux proposés lors de ces festivals sont pour la plupart de piètre qualité faisant fi des règles les plus élémentaires régissant cet art, violant sciemment ses préceptes les plus sacrés, mais peu importe pourvu qu'il reste ce filon à ne pas lâcher. Pourquoi se sont-ils arrogé le droit de disposer de cet art alors qu'il ne leur appartient pas? Le comble de l'ironie est que des textes sans aucune fibre poétique ont été remis au public lors d'une de ces éditions, sachant que leur auteur est de surcroît, un membre du jury (ah! copinerie quand tu nous tiens...) ce jury parlons-en! Au vu de sa composante, il ajoute une touche humoristique à cette «mascarade» et rend caduque ces soi-disant festivals sachant le manque de professionnalisme de la plupart de ses membres, et nous interpelle quant à la sincérité de leurs intentions. Quelle situation peuvent-ils rendre publique de toutes ces éditions et quels sont les «talents» qui ont émergé et acquis une notoriété, sinon quelques adeptes, crédules victimes d'une rhétorique aux relents démagogiques, menés tête baissée dans les dédales de l'ignorance. Qu'on nous le dise! Seb el klem wel bakhass aad iqoul cheikh Khessou edeq ledmaghou belkelkha Men bgha yed3i benefkha Idjibli men dounou neskha em3ah neskha Wen3oud m3ah belsane srakhi Nfeqhou fi nsakhi ma qra felmelhoun wala haq nskha Neqab sdjiyeterkhakh. C'est par ces vers du poète cheikh Gacem et sur lesquels ces personnes devraient méditer afin de rendre au châabi la place qui lui sied que l'on finira. C'est ainsi et pas autrement que ce patrimoine, si cher aux Algérois en particulier et aux Algériens en général, trouvera sa chaleur d'antan et cessera d'être une marchandise pour le respect de ceux qui nous l'ont fait aimer.