Après deux mois de répétition, elle refuse de tourner dans le nouveau film de Belkacem Hadjadj. Et pour cause ! Explication... Elle s'appelle Feryal Lamdjadani. Elle est mariée. Elle est l'un des visages angéliques de Canal Algérie. Elle est l'animatrice vedette de l'émission Bonjour Algérie. Architecte de formation, Feryal s'est toujours intéressée à tout ce qui est média et télé, tout ce qui relève du métier de l'image en général. En 3e année d'architecture, déjà, elle animait une émission qui s'appelait Espace Internet qui passait sur les trois chaînes. Elle était très appréciée par le public. Aimant le cinéma, c'est tout naturellement qu'elle se présente l'été dernier au casting d'un nouveau film de Belkacem Hadjadj. Elle est finalement retenue pour interpréter le rôle principal. Schématiquement, c'est une histoire d'amour entre une fille, Zohra, et deux garçons. Trois amis de Cherchell qui vont évoluer dans la période critique qu'a connue l'Algérie, entre 1988 et 1994. Cette fille de la «cité» comme on dit (universitaire) subira plusieurs traumatismes... L'un des garçons qui était médecin, devient terroriste. L'autre, journaliste qui était sur «la liste», veut rester en dehors de tout ça. Tous les deux sont amoureux de cette jeune fille. Cette dernière est partagée entre les deux. Quand l'un d'eux monte au maquis - au moment de la mort de Boudiaf - elle se lie avec l'autre, alias Khaled Benaïssa dans le film. Alors qu'elle est enceinte, elle tombe avec son ami dans un faux barrage. Elle est attrapée et violée par le terroriste. Jusque-là tout va bien quoique l'histoire est un peu tirée par les cheveux. Mais passons. Le hic, car il y en a bien un, le jour du tournage du film, Feryal décide finalement de se retirer du film. Elle n'a pas été renvoyée par le staff technique, tient-elle à préciser. Pourquoi le choix d'un tel acte vous demandez-vous certainement. Alors qu'elle s'était mise d'accord avec Hadjadj sur la manière de jouer certaines scènes et ce, bien avant le tournage, Hadjadj revient sur sa parole et fait volte-face. Il essaye de convaincre Feryal sur la nécessité de tourner certaines scènes telles qu'elles sont écrites dans le scénario. Outrée par cette réaction et refusant d'obtempérer, Feryal dit catégoriquement: «Non!» prend ses affaires et s'en va. La scène en question est un viol. Un aperçu du script : «Il lui déchire son corsage, malaxe ses seins..». «Qu'on le veuille ou non, on est dans une société qui a certains tabous. Sans cette société, moi-même, en tant que personne, j'ai mes limites comme chacun d'entre nous. Même à l'étranger, il y a certaines actrices qui refusent de jouer certaines scènes. Elles sont doublées pour certaines choses. Pour moi, c'était clair et net. Je lui avais dit que l'acteur ne peut s'allonger sur moi. Il peut à la limite me tenir, m'attacher les mains... On avait décidé que le film serait à l'algérienne. Sinon je ne me serais pas investie pendant deux mois de répétition sans prendre de vacances. J'ai dû même teindre mes cheveux pour les besoins du rôle», explique Feryal. Or, la veille du tournage, soit 48h avant, Belkacem Hadjadj réunit tout le staff technique, les comédiens et le scénariste. La suite, vous la connaissez. Le réalisateur donne à Feryal 24h pour réfléchir. Pour celle-ci, c'était tout vu ! «Il me demande alors 24h pour voir s'il me garde ou pas. En fait, c'était pour chercher s'il y avait à côté une remplaçante. Je lui dis: vous me donnez maintenant votre réponse. Il me répond, c'est fini... Il pensait vraiment qu'il allait m'intimider. Lors de la réunion, je lui ai dit : le jour où on tournera la scène, si vous me demandez de faire ceci ou cela, je vous dirai «non» devant tout le monde ! En plus de la scène du viol, il y avait aussi des scènes d'amour. C'est d'un ridicule parce qu'on avait pu travailler, s'adapter. Il y a d'autres moyens de montrer le viol. Je prends pour exemple le film de Yamina Bachir Chouikh : Rachida. Quand la fille descend avec la robe toute déchirée, elle frappe aux portes. Toute la douleur est comprise!», confie Feryal. Le film tâtonne, malgré tous les castings effectués, Belkacem se rabat en fin de compte sur la première qui lui tomba sous la main. Elle est depuis le départ l'assistante de ce film. Il s'agit de l'actrice Samia, la fille de la non moins talentueuse comédienne Sonia. Feryal se pose des questions sur les véritables motivations de Hadjadj. «peut-être avait-il d'autres ambitions, éventuellement vendre son film à l'étranger? C'est pourquoi il a cherché des amateurs. Pour pouvoir les modeler selon sa conception des choses. De plus ils ont voulu relater l'histoire d'une certaine catégorie d'Algériennes, la fille de la cité qui est souvent très mal vue. Ils ont cherché justement l'exception. C'est pour ça qu'ils ont voulu l'exception jusqu'au bout des scènes». Et de s'interroger encore: «Pour Hadjadj, cette scène est primordiale, capitale pour le film me disait-il. Alors, pourquoi ne pas m'en avoir parlé auparavant. Pourquoi ne pas l'avoir répétée? Je n'ai jamais essayé cette scène. Il me l'aurait essayée. Il aurait tout de suite vu que c'était non!». Aujourd'hui, cette expérience somme toute fâcheuse pour notre animatrice télé, lui sert de leçon. Elle, qui ne cherchait ni le prestige ni l'argent mais seulement booster sa carrière dans le domaine cinématographique. Malgré tout, elle dit avoir beaucoup appris avec Hadjadj mais se demande qui d'elle ou lui a perdu dans cette affaire. Enfin, un conseil qu'elle tient à adresser aux jeunes qui veulent se lancer dans cette voie: «Attention! Signez vos contrats avant. Le métier est très fermé. Il ne faut pas se salir. L'essentiel, c'est de rester soi-même. Cela ne sert à rien de se faire du mal. Quand on se fait attaquer il ne faut pas avoir peur de contre-attaquer. Je ne veux pas qu'on pense de moi que je m'immisce dans le scénario mais il faut faire attention au contrat et à ses répercussions». Ne désespérant pas de la voir un jour sur le grand écran, vous pouvez d'ores et déjà la retrouver tous les matins sur Canal Algérie de 10h à 12h avec toute sa joyeuse équipe de chroniqueurs.