Quel est le parquetier de permanence qui a inculpé Karim B.qui avait sur lui la facture de son portable? Karim B. Vingt-trois ans, chauffeur dans une société privée, a des ennuis avec une jeune fille, Sabrina M. à qui on avait volé son sac à main chez une coiffeuse (donc le voleur ne pouvait être qu'une femme!?!). Et dans le sac, il y avait outre tout le nécessaire pour une femme, un mobile de qualité quelconque. Et cette jeune fille était présente mardi à la barre face à Mourad Belalta, le jeune président de la section correctionnelle du tribunal de Bir Mourad Raïs, alors que l'autre Mourad Hellal était affalé dans le massif siège du ministère public. Elle était présente au cours des débats, car en sa qualité et son statut de victime, elle n'avait pas grand-chose à dire sauf qu'elle avait répété qu'on lui avait subtilisé son portable. Plus tard, avant qu'elle ne soit remerciée, elle avait réclamé les dommages et intérêts, car le mobile était définitivement perdu. Karim B. lui, avait bénéficié du doute du procureur, lequel n'avait pas avalé la version du voleur qui avait affirmé que Karim était le receleur. Maître Farida Djellad, elle, avait dès son entrée dans la salle d'audience mis en place un stratagème infaillible. Elle a mis dans son escarcelle un poids de...poids: c'est le fait que son client Karim B. avait acheté son portable avec une facture qui n'avait rien de faux. D'ailleurs, durant sa percutante plaidoirie, elle remettra, sans sourire, le document à Belalta, le jeune juge qui a lancé un regard furtif que l'on pourrait traduire ainsi: «Alors, messieurs-dames du parquet, on joue au croc-en-jambe? On cherche à embarrasser le siège, voire à le pousser vers un verdict nocif pour l'aura d'un jeune poursuivi pour recel sur du vent?» Mourad Hellal, le procureur de l'audience, dévia son regard vers le fond de la salle et son regard tombera précisément sur un confrère debout qu'il invitera, par un mouvement des yeux, à s'asseoir, vainement, la salle étant comble. Et lorsque ce procureur détourne son regard du tribunal, c'est pour signifier, là aussi, probablement au magistrat assis qu'il n'y est pour rien dans les bévues du parquet local, mais que, indivisibilité du ministère public oblige, il n'avait qu'à suivre le mouvement sans protester, ni battre des cils. Maître Djellad, elle, allait continuer à battre la charge contre l'injuste inculpation et à sonner le hallalli, histoire de faire baisser la tension et pourquoi pas éviter les longs six mois d'emprisonnement réclamés par le parquetier. Sûre d'elle, l'avocate d'El Harrach s'était étalée sur le malentendu d'une manière générale et les ratés (qui ont tendance à se perpétuer) des éléments de l'indispensable police judiciaire. Elle tentera aussi d'émouvoir le jeune et solide Mourad Belalta qui l'a suivie de bout en bout sans perdre patience outre mesure. L'inculpé lui était plutôt debout raide, la pensée lointaine, ne pouvant certainement pas imaginer une détention de 180 jours et autant de nuits, voire une seule nuit. Il ne soufflera qu'après après prononcé le traditionnel dernier mot et pris connaissance de la date du prononcé de la sentence, une sentence souhaitée par son avocate qui était déjà au parking, en route pour le Ruisseau et la cour d'Alger.