«La loi n'autorise en aucune manière de traîner en justice un individu parce qu'il a dit des choses dans le contexte fictif d'un film.» Avocat d'Adel Imam au quotidien égyptien Al-Masry Al-Youm. La victoire de Ahmed Morsi, leader des islamistes à la présidence égyptienne aura des conséquences considérables sur l'avenir de l'audiovisuel et du cinéma en Egypte. Un 7e art qui a toujours été soutenu par les gouvernants laïcs qui se sont succédé à la présidence égyptienne. Si le président Nasser avait soutenu le cinéma égyptien en accordant l'aide et l'assistance pour notamment la production et la réalisation du symbole de la victoire de l'Islam contre les croisés: Salah-Eddine réalisé par Youcef Chahine, Anouar el-Sadat, avait verrouillé le cinéma aux réalisateurs égyptiens avant que Hosni Moubarak n'ouvre les vannes et accorde une aide et une ouverture au cinéma et aux télévisions privées. Le cinéma égyptien puis la télévision connaîtront une «nouvelle vague» à la fin des années 1980 avec l'apparition de jeunes, audacieux et talentueux réalisateurs, tels que Mohamed, Khan, Yousri Nasrallah, Khaled Youssef. Leurs films abordent ouvertement des thèmes tabous dans la société égyptienne: le sexe, la pédophilie, l'homosexualité, l'excision et même la pornographie. Le tout en critiquant l'islamisme et l'intégrisme religieux rompant dans la société égyptienne. Avec la montée des islamistes au pouvoir en Egypte, le cinéma et la télévision égyptienne changeront à coup sûr de visage. En 2010, les Egyptiens avaient découvert en plein Ramadhan, le feuilleton Al djamaa (Le groupe), qui racontait le parcours idyllique du chef du mouvement des Frères musulmans, Hassen Al Bana. Le feuilleton, qui avait été financé par des capitaux proches du président Moubarak, avait comme objectif de faire tomber dans l'opinion égyptienne les islamistes qui commençaient à prendre de plus en plus de place dans la société. Ce fut le résultat inverse. Même la justice s'est islamisée, puisque l'acteur égyptien, Adel Imam, a été condamné à trois mois de prison pour avoir ridiculisé l'Islam dans des films tournés... dans les années 1990. C'est à la suite d'une plainte déposée par Arsan Mansour, avocat lié aux islamistes, pour outrage à l'Islam, que Adel Imam a été condamné le 2 février 2012 par un tribunal du Caire, peine confirmée le 24 avril. Le juge l'accusait notamment d'avoir ridiculisé la barbe et le jilbab. Adel Imam paie surtout son audace d'avoir ridiculisé les islamistes dans le premier film réalisé sur la montée du terrorisme islamiste dans El Irhabi (Le terroriste), et dont l'Entv fut la première télévision arabe à avoir diffusé le film alors qu'il était encore en salles en Egypte. L'affaire Adel Imam avait pourtant éclaté avant que les islamistes ne gagnent les législatives et surtout que leur leader n'accède à la présidence. La liberté de création, d'expression et surtout de pensée sera plus que jamais réduite en Egypte avec la venue des islamistes. [email protected]