Les consommateurs d'alcool se tournent vers le haschisch Certains jeunes puisent la spiritualité du Ramadhan dans les joints. Le Ramadhan est un mois béni tant pour les croyants que pour les dealers. Ces derniers apprécient particulièrement ce mois sacré vu le profit qui en découle. Pour eux le mois sacré est celui des bonnes affaires, car la consommation de drogue augmente. La spiritualité de ce mois de piété, les jeunes la puisent dans les joints... Deux cuillerées de chorba et un demi-bourek plus tard, les jeunes se précipitent vers les ruelles de leur quartier pour commencer leur «sahra» (soirée). Toutes sortes d'excitants sont au menu! Tels que le thé, le café, la cigarette et le narguilé. Mais cette dernière est malheureusement accompagnée par le kif! Pour en savoir plus sur cette tendance qui prend de plus en plus d'ampleur, nous avons suivi pendant toute une soirée Samir un consommateur invétéré de drogue. Dans cette histoire, il y a deux sortes de personnages. Il y a ceux qui se font du «fric» sans aucun effort, et ceux qui perdent cet argent dans leur quête de «khalwa» (état psychique et physique après la consommation du haschich). Il est à peine 21h, cela ne fait même pas une heure que l'appel à l'Iftar a été prononcé par le muezzin et Samir en est déjà à son deuxième joint. «Contrairement à l'alcool, la drogue est halal!» Assis tout seul derrière un arbre, nous allons le rejoindre pour le voir à l' «oeuvre». Tout heureux en nous voyant, il se lève pour nous faire la bise avant de rouler un joint et de nous le proposer. Samir qui semble être au 7e ciel commence alors à nous parler de ses soirées hallucinogènes... «Pour moi, le kif pendant le Ramadhan est quelque chose de sacré», assure-t-il. «C'est devenu une tradition bien ancrée comme le bourek, la chorba, la zlabia ou encore le kalbelouzze», ajoute-t-il, avec un long rire qui prouve que la «zatla» commençait à faire son effet. Samir qui se drogue en soirée n'a pas dû jeûner pendant la journée. «Si, si je fais et j'ai toujours fait carême», affirme-t-il. Alors, comment se fait-il qu'il se drogue? N' y a-t-il pas un paradoxe dans l'histoire? Le Ramadhan n'est-il pas, annulé par la drogue? «Non, non le kif est une «djanaba qui part après une douche et n'annule pas le Ramadhan contrairement à l'alcool qui ne doit plus être consommé 40 jours avant le mois sacré, car l'alcool reste dans le sang pendant 40 jours. Ces 40 jours sont ainsi considérés comme étant la durée minimale pour éliminer toute trace d'alcool dans le sang, le corps est après purifié», répond cet «apprenti imam» qui préparait «religieusement» un autre joint. Mais, c'est sans doute cette ambiguïté d'une interdiction non explicite qui pousse à la substitution de l'alcool par du haschisch, vu qu'il n'y a pas de verset clair sur le sujet. Ce qui pousse certains, comme Samir, à se faire des «autofetwas». Partant de cette idée, les habituels consommateurs d'alcool se tournent vers le haschisch, ce qui pourrait expliquer que la vente de produits stupéfiants augmente pendant le Ramadhan. Chose que confirme Samir. «Les jeûneurs se tournent vers ces produits hallal pour compenser l'absence d'alcool, ce qui fait que la consommation de haschisch et de psychotropes augmente au cours du mois de jeûne», rapporte-t-il. Mais ce n'est pas seulement par respect au Ramadhan et pour ne pas échapper au Ramadhan. «Déjà pendant la semaine qui précède le Ramadhan, trouver de l'alcool en vente relève d'une mission impossible. En revanche, les vendeurs de kif et de psychotropes fleurissent dans la rue pendant le mois du jeûne. L'alcool manquant, la demande de drogues augmente», souligne Samir. Il est presque minuit, après presque trois heures de discussion non-stop où Samir a «grillé» six joints, les réserves sont finies! Il fouille ses poches, ne trouvant aucun sou. Mais l'envie est trop forte. Que faire alors? Il va quémander chez ses amis comme un véritable clochard. Grillades en... «kif» Il a fini par se procurer 400 dinars. «200 dinars pour la «kemia» (dose) et 200 dinars pour se remplir l'estomac», fait-il savoir. «Le kif donne faim», dit-il pour expliquer sa halte chez le rôtisseur du coin. Le ventre plein, Samir est prêt pour la guerre... Direction donc son dealer que il l'on nommera Amine. Dès son arrivée, Samir serre la main de son ami pour lui faire passer l'argent en toute discrétion. Ensuite c'est au tour d'Amine de serrer la main de Samir pour lui faire passer sa dose de kif avec autant de discrétion. Comme ils sont de bons amis, Amine accepte non sans insistance de nous raconter ces soirées ramadhanesques des plus «épicées». Amine nous confirme que ses rentrées doublaient durant le mois sacré. Il explique que la hausse des ventes est évidente, mais n'est pas seulement dû aux fumeurs habituels qui ne dépassent leur dose quotidienne que rarement. «Il y a ceux qui fument pendant le Ramadhan par tradition et pour pouvoir passer les longues soirées au 7e ciel», atteste Amine. «Et il y a ceux qui fument pour compenser le manque d'alcool», ajoute-t-il en avouant que le business est très juteux. «En plus on n'hésite pas à faire monter les prix. Les consommateurs sont capables de payer rubis sur l'ongle pour avoir leur dose», poursuit-il. En somme, les dealers sont de véritables hommes d'affaires qui s'y connaissent en économie. Ils appliquent ainsi l'une des règles élémentaires de la macroéconomie: la loi de l'offre et de la demande. Quand la demande augmente, les prix suivent. «On fait même dans la spéculation en jurant qu'il y a un manque sur le marché», garantit-il avec un clin d'oeil qui en dit long. D'autre part, Amine tient à souligner le fait que les psychotropes et l'héroïne avaient également du succès pendant le Ramadhan, même si ce n'est pas autant que le kif. Avant de le laisser vaquer à ses «occupations», nous l'interrogeons comment il explique cette nouvelle tendance qui est la consommation du kif pendant le Ramdhan. Amine éclate de rire: «Nouvelle tendance. Vous me faites rire. Çela a toujours existé», atteste-t-il. «Je me souviens, mon grand-père passait ses soirées chaâbi à la Casbah avec son petit joint de kif», se remémore-t-il. «C'est juste que c'est tabou. En plus, avant ils consommaient discrètement et avec modération contrairement aux jeunes de maintenant», conclut Amine que nous laissons en train de vendre son poison à un adolescent. Cette soirée avec ces deux jeunes nous a permis de constater que le Ramadhan est le mois des «bonnes affaires» au sens large du terme. Le Ramadhan se la joue donc à «la Dr Jekyll et Mr Hyde». Officiellement mois de prière, de piété et charité, officieusement celui de la zetla...