Fâché par l'injustice rencontrée à la barre, Maître Djediat devient farouche sans trop s'emporter. L'inculpé-détenu commence de suite à se défendre d'une manière plus qu'expéditive. Il cherche visiblement à se débarrasser de l'inculpation qu'il refuse avec beaucoup de conviction. Il explique comment il entrait dans les bureaux des services. «A chaque fois, j'étais accompagné de collègues de la boîte. Jamais, en aucune façon, je ne m'étais aventuré à entrer dans la caisse sans subir les contrôles de rigueur.Le chef de service et le caissier sont seuls habilités à ouvrir la caisse. Parfois un agent et le caissier aussi pouvaient entrer, mais jamais une seule personne», a-t-il articulé avant d'entrer dans les détails du retrait d'agrément annoncé à la TV nationale et donc de la cessation d'activité et de l'inventaire effectué et pour cause. «Toutes les agences à travers le territoire national avaient reçu l'ordre de stopper les opérations sans autres précisions utiles pour l'opinion publique dont les clients», a ajouté l'inculpé qui a alors évoqué le liquidateur qui l'avait poursuivi à Sidi M'hamed, à Bir Mourad Raïs sans jamais se déplacer dans les salles d'audience pour prouver ses accusations. «Il n'a jamais eu l'honnêteté intellectuelle et le courage d'assumer ses poursuites basées sur du vent!» a encore craché, dépité, démoralisé, ruminant des gros regrets l'inculpé qui refuse d'être poursuivi sur des allégations émanant de jaloux et même de pseudo-collègues radoteurs à souhait. Il le dira très fort au magistrat qui écoutait avec beaucoup d'attention qui fait honneur à la justice. Son avocat, Maître Mohammed Djediat était debout à la droite du justiciable, muet comme une carpe, attendant probablement le bon moment pour entrer dans l'arène et forcer l'admiration du tribunal. Le juge du siège sera heureusement...heureux de suivre les cinq questions-posées par l'avocat de Patrice Lumumba, soucieux d'abattre l'inculpation de vol de documents de la société où Djamel L. exerce avec beaucoup de brio, et surtout de zèle qui lui a créé des adversaires pour ne pas dire d'ennemis, car il est détenu et est jugé pour flagrant délit de vol. La première question est relative à la clé du tiroir: «A part l'inculpé, qui possède la clé?» articule l'avocat brun qui obtient: «Trois: le chef de service, la secrétaire et moi!», répond, sans paniquer Djamel qui suit la deuxième question posée par le défenseur qui s'adressait au tribunal: «A quelle heure entrez-vous au bureau?» L'inculpé répond: «8h20» «Et pourquoi pas 8 heures?» insiste le conseil qui écoute avec bonheur expliquer qu'il faut attendre la secrétaire qui vient de...Zéralda et son infernal «Grands Vents» de Chéraga qu'on regagne avec beaucoup de stress.» La quatrième et avant-dernière question est relative à l'emplacement du document volatilisé. L'inculpé trouve vite la parade: «Tous les documents sont enfermés dans le coffre dont la clé, remise tous les matins à la secrétaire, est dans la poche du chef de service.» Le juge prend des notes alors que Maître Djediat pose la dernière question, le sourire en coin: «Est-ce que le chef de service est ponctuel tous les matins? dit-il entre les dents. -C'est le chef de service. Il a des privilèges et donc pas de contraintes de ponctualité. Il est plus libre que le Directeur général.» Le tout dit avec une grimace plus qu'éloquente, une grimace qui voulait probablement signifier que lui, le pauvre Djamel inculpé de vol, fait prévu et puni par l'article 350 du Code pénal, était en train d'être traité pire qu'un accusé de meurtre avec préméditation et guet-apens! Mais le regard d'un renard de retour de la chasse aux poulets de son avocat le rassura quelques instants avant que le représentant du ministère public qui n'avait pourtant aucune question à poser avant le conseil, ait décidé de répliquer, conformément à la loi et aux us et coutumes des juridictions: «Monsieur le président, l'honorable avocat vient de faire une démonstration juste de quoi disculper son client que le ministère public a jeté dans la «fosse aux lions» pour être dévoré cru! Est-ce que l'honorable avocat voudrait que l'on poursuive le chef de service, la secrétaire et même le directeur général en demandant des excuses à Djamel après l'avoir libéré?» Cette longue question fit bondir l'avocat d'Alger qui protestera contre cette réplique «parquetésienne» et donc insignifiante: «Monsieur le président, mon client n'a jamais été pris la main dans le tiroir ou avec le document bien caché chez lui. C'est une méprise qui ne doit pas finir sur une erreur judiciaire. Vous n'avez rien sous les yeux et personne devant vous pour témoigner que Djamel a volé! C'est inadmissible. C'est une honte que cette poursuite. Vous êtes une juridiction à preuves, pas une composition du tribunal criminel. C'est pourquoi, vous ne pouvez pas suivre le procureur qui a requis une peine d'emprisonnement ferme de deux ans pour vol! La relaxe est l'unique verdict de ce dossier vide, absolument vide, surtout que l'inculpation n'a jamais donné la nature du document volé ou...égaré. Le doute plane...» Un long silence enveloppa la salle à moitié vide, car il était dix-sept heures et la pluie régnait dans la localité. Après avoir pris acte du dernier mot de l'inculpé qui a réclamé la relaxe, le président transcrit sur le siège le dispositif du verdict où la relaxe venait d'être énoncée par un juge attentif et droit, car il avait pris la précaution de relaxer Djamel au bénéficie du doute. Ce qui a ravi le désormais ex-détenu et son conseil, Maître Mohammed Djediat, qui quittera le tribunal pour le home où attend une famille nombreuse jamais rassasiée par la présence du chef, le père, le mari et le tonton. Quant au procureur, il était assis et très mal assis. Ce n'est pas grave, car c'est un magistrat «debout» et aucune loi ne peut l'obliger à se lever, sauf que la déontologie le veut. On requiert debout comme l'avocat qui peut plaider des heures sans crier sa fatigue ni même sa douleur