Ceux qui sont venus découvrir le dernier film de Merzak Allouache mercredi à la salle Ibn-Zeydoun sont restés sur leur faim et c'est plus par respect à l'ensemble de l'oeuvre cinématographique du réalisateur que le public a applaudi. L' autre monde, le film événement qui devait dénoncer la barbarie terroriste est délibérément sorti de sa ligne pour finir en crime passionnel d'un terroriste amoureux. Merzak Allouache, cinéaste incontrôlé, chantre de la liberté et de la tolérance, briseur de tabous et d'idées reçues, a déçu ses fans. Dans L'Autre monde qui se présente comme le bréviaire de son oeuvre, le cinéaste prend comme leitmotiv, l'inquiétude d'une jeune Française, d'origine algérienne, Yasmina, qui cherche à avoir des nouvelles de son fiancé Rachid, parti en Algérie faire son service militaire. Jusque-là l'histoire tient la route, mais là où le réalisateur dresse son premier faux barrage cinématographique, c'est quand Yasmina se met, sans raison apparente, à porter le djilbab noir corbeau sans pour autant être pratiquante ou destinataire d'une quelconque menace intégriste. Là, on sent vraiment qu'Allouache trompe son public algérien surtout en donnant de faux clichés. L'argument sécuritaire évoqué dans le film ne justifie pas cette optique presque personnelle d'un réalisateur qui n'a pas arrêté de mettre face à face les différents contrastes du pays. Mais, que sera l'affiche sans le voile noir de l'obscurantisme? On s'interroge, au fil de certaines scènes, où le réalisateur est allé chercher ces histoires. Comme cette scène qui montre un collaborateur islamiste, qui informe un émir terroriste avec un téléphone cellulaire ou celle-là où la police, commandée par un militaire en treillis, dresse un barrage en plein désert, ou enfin, cette radio RFI, en l'occurrence qui ne s'éteint jamais et qui balance à chaque détour de rue le décompte macabre des massacres et des morts victimes du terrorisme. En voulant bien cerner le thème, Allouache a involontairement brûlé sa pellicule. Car, comme tout créateur de l'image qui se respecte, sa vision particulière du sujet a visiblement heurté la sensibilité de certaines personnes parmi ses irréductibles fans. D'abord, il y a ce manque flagrant dans la mise en scène de certaines séquences, comme celle du faux barrage où le cinéaste s'est désintéressé du sort des autres, qui étaient avec Yasmina dans le taxi ou encore la scène de l'assassinat de l'officier de l'armée, exécuté avec la maladresse d'un réalisateur de série Z. Mais surtout la scène finale où le réalisateur rate totalement son «The end» en choisissant plus de focaliser sur l'expression visuelle du terroriste que sur la détresse et l'incompréhension des corps refroidis en pleine jouissance. En revanche, le réalisateur excelle dans la mise en boîte d'images « carte postale », se faisant plus passer pour un photographe de «chasseur d'images» en visite à Timimoun que pour un réalisateur qui veut faire un film sur la violence intégriste. Là encore, Allouache, pourtant sage et malin, fait dans le plagiat en copiant sans vergogne le film Cheb de Rachid Bouchareb, puisqu'on retrouve presque la même situation et dans le même lieu: une beurette et un déserteur. En retrouvant enfin son fiancé, dans un désert jaune et bleu, Yasmina coupe le fil conducteur de l'histoire et le spectateur est abandonné à son imagination. Le massacre des amoureux de la joie et de la vie témoigne de l'impossibilité du réalisateur de trouver une meilleure fin à cette fresque colorée et violente de notre histoire. Reste enfin la seule satisfaction à retenir de ce film controversé: c'est l'interprétation du jeune Karim Bouaïche qui a réussi à coller parfaitement au rôle, qu'on a bien voulu lui accorder, celui d'un terroriste cultivé par le Paysage audiovisuel français (PAF) et qui commet l'acte compréhensible d'un meurtre passionnel. L'Autre monde restera l'autre cinéma d'Allouache, dont on gardera le souvenir magnifique et indélébile du metteur en scène d'Omar Gatlato, de Salut cousin et des Aventures d'un héros.