M.Craner a fait état de l'intérêt que porte la Maison-Blanche à l'évolution de la situation en Algérie. C'est à la demande de L.W.Craner, sous-secrétaire d'Etat américain à la démocratie, aux droits de l'homme et au travail que le groupe des onze a reçu ce dernier, hier, à la permanence d'Ahmed Benbitour. La rencontre a duré une heure et demie. Saïd Sadi, en déplacement à l'étranger, est rentré à la hâte pour ne pas rater une si importante victoire du groupe, dont l'activité n'a pas laissé indifférente la communauté internationale, avec à sa tête la première puissance planétaire. A leur sortie de cette rencontre, l'ensemble des participants arboraient une mine des plus détendues. Mokdad Sifi, délégué par ses pairs pour s'exprimer devant la presse, a indiqué que «le responsable américain, qui a tenu à rencontrer personnellement le groupe, s'est montré attentif aux préoccupations qui lui ont été soumises et qui figurent dans les trois déclarations initialement rendues publiques». Sifi, qui reprend à son compte une opinion exprimée par le groupe, s'est déclaré satisfait que ce responsable ait assuré que «Washington ne soutient aucun candidat», car «la solution ne peut qu'être algérienne, du fait des seuls Algériens». M.Craner s'est néanmoins montré fort attentif à l'évolution de la situation en Algérie, un pays partenaire de choix, dont la position géostratégique en rend la stabilité primordiale aussi bien pour les USA que pour la communauté européenne. Nul doute, de ce fait, que le rapport que dressera ce responsable, et qui sera transmis au président Bush, poussera la diplomatie américaine à agir dans le sens de la démocratie, la transparence et le respect des droits de l'homme. M.Craner a, également, été reçu la veille par le chef de la diplomatie algérienne, lequel se trouve au centre d'une grande polémique depuis qu'il a pris la tête du mouvement de redressement du FLN et qu'il a présidé un «congrès» ne reposant sur aucune base légale dans le seul but de cautionner un second mandat du président Bouteflika. Le responsable américain, nous disent des membres du groupe des onze, avait souhaité rencontrer ces gens au niveau de l'ambassade US à Alger. Le sujet, débattu ce samedi au niveau de la permanence de Benbitour, avait fini par déboucher sur l'acceptation du principe de cette rencontre, mais avec la ferme condition que cela se passe dans une des permanences des candidats concernés. Ce que le responsable américain a fini par accepter. Selon nos sources, cette demande, ainsi que les concessions qui en ont résultées, témoigne de l'intérêt international que suscite la démarche de ce groupe, mais aussi des chances de plus en plus fortes qu'il a de pousser les pouvoirs publics à faire montre de plus d'équité dans le traitement de ce scrutin présidentiel. La déclaration de ce samedi, dont nous avons reçu copie hier, les signataires, au grand complet, «déplorent la persistance de l'administration à mettre des obstacles et exercer des pressions, la terreur et le chantage sur les citoyens désireux d'accorder leur signature en toute liberté». Le Conseil constitutionnel est, de la sorte, stigmatisé aussi bien à cause de cette affaire que pour ce qui est de la radiation des indus élus: «Les présents dénoncent l'accaparement par l'administration des attributions du Conseil constitutionnel concernant le contrôle de l'aptitude des citoyens signataires, de même qu'ils déplorent la perte, par le Conseil constitutionnel, de sa crédibilité s'agissant des élections, à la suite notamment de la mainmise du ministère de l'Intérieur sur les prérogatives de ce conseil liées aux mécanismes de candidatures, ainsi que l'annulation partielle par le pouvoir exécutif des résultats des élections législatives que le Conseil constitutionnel lui-même avait validés...» Un constat aussi alarmant renforce la revendication consistant en la mise en place d'une commission souveraine et indépendante chargée de surveiller les élections. Dépassant le stade des constats et des paroles, le passage à l'acte s'est fait à travers deux mesures précises : «Informer l'opinion publique quant aux violations par le chef de l'Etat de la Constitution et élaborer un mémorandum détaillé qui sera adressé aux présidents des deux chambres du parlement (mais aussi) ester en justice le ministre de l'Intérieur quant à la privation des citoyens de l'exercice de leurs droits constitutionnels en vue du libre choix de leur candidat». Le document, qui se rattrape par rapport à l'omission relative aux atteintes aux droits de la presse, se clot sur un constat des plus alarmants qui soient : «Les signataires qui ont déjà alerté l'opinion publique nationale et internationale quant à la gravité de l'étape que traverse le pays du fait de l'instrumentalisation des institutions de l'Etat, la dilapidation des deniers publics, la vassalisation de l'administration, la domestication de la justice et l'atteinte à la liberté d'expression et de l'information, appellent les forces vives de la société et les institutions de l'Etat à prendre conscience de la gravité de cette étape décisive.» Comme rapporté dans notre édition d'hier, l'appel aux institutions n'exclut pas l'armée. Un appel plus direct et plus pressant sera lancé, indiquent nos sources, dans le cas où les pouvoirs publics ne reviennent pas à de meilleurs sentiments.