Se basant exclusivement sur son parcours de jeune militant et intellectuel du mouvement nationaliste, Mohamed Harbi livre une rétrospective saisissante d'une époque qui n'a pas encore fini de susciter des interrogations. C'est non sans pincement au coeur que l'historien - mais aussi et surtout en tant qu'acteur - Mohamed Harbi raconte le parcours saisissant du parti FLN auquel il a consacré des années de sa jeunesse. Un parti construit hâtivement, mais par nécessité impérieuse sur les décombres d'un mouvement national alors longtemps miné par des luttes intestines. L'auteur de Vie debout, qui est paru en librairie le 25 octobre, apporte un autre éclairage sur une époque qui n'a pas encore livré tous ses secrets. En retraçant pas à pas son propre parcours de militant et responsable, Mohamed Harbi fait ressortir les clichés d'un parti indépendantiste où «le consensus était culturel et religieux avant d'être politique». Aussi, n'hésite-t-il pas à évoquer avec rationalité le communautarisme traditionnel à soubassements religieux du FLN. Il posera son regard sur l'étape 54-62 où les méthodes employées par son parti étaient pour le moins choquantes, quand il s'agissait d'effacer les partisans de Messali ou encore les esprits contestataires. Et c'est à juste titre qu'il évoquera, malgré son attachement à Krim Belkacem après son passage au cabinet du ministère des Forces armées, l'épisode Abane Ramdane encore aujourd'hui d'actualité. Son acuité ira tout particulièrement scruter en profondeur ces moments où les chefs de la Révolution se livraient sournoisement à un duel sans merci pour la conquête du pouvoir. C'est ainsi qu'il mènera, à travers des situations vécues, notre regard au coeur des rivalités qui secouaient notre passé récent. Des rivalités qui continuent encore aujourd'hui à provoquer des spasmes de réticences dans ce que nous entreprenons et nous tentons d'être. Et c'est tout naturellement que le parti FLN épuisé par de longues années d'intrigues et de luttes claniques - considérées à juste titre comme étant la quadrature du cercle par les spécialistes de la question algérienne - sera en 1962, malgré lui, le théâtre d'alliances contre nature. Un livre à lire et à relire. Certes, il porte en lui les déchirements de l'auteur, mais également tous les indices qui éclairent notre présent et notre avenir immédiat.