Les ministres russes de la Défense et des Affaires étrangères lors de leur réunion avec leurs homologues égyptiens Les ministres russes de la Défense et des Affaires étrangères ont discuté jeudi dernier de coopération au Caire, une visite inédite à ce niveau alors que l'allié américain a gelé en partie de son aide militaire à l'Egypte. La visite de Sergueï Choïgou et de Sergueï Lavrov à leurs homologues égyptiens est, selon Moscou, la «première de l'histoire» des relations entre les deux pays dans ce format 2+2, signe de l'importance de ces discussions au moment où les relations entre Washington et le nouveau gouvernement dirigé de facto par les militaires au Caire se sont refroidies. Ces discussions interviennent aussi en pleine crise politique, quatre mois après la destitution et l'arrestation par l'armée du seul président élu démocratiquement en Egypte, l'islamiste Mohamed Morsi, aujourd'hui emprisonné et jugé. Le nouveau gouvernement a déclenché l'ire de l'allié historique américain en lançant une répression très sanglante des partisans de M.Morsi. Les responsables russes ont rencontré leurs homologues, le ministre des Affaires étrangères Nabil Fahmy et le général Abdel Fattah al-Sissi, ministre de la Défense, vice-Premier ministre, commandant en chef de l'armée et véritable homme fort du pays depuis qu'il a lui-même annoncé la destitution de M. Morsi le 3 juillet. MM. Choïgou et Sissi «ont discuté de coopération militaire», a affirmé M. Lavrov. M. Fahmy a insisté sur le fait que cette coopération existait «de longue date», mais rien n'a filtré du contenu des entretiens. Au même moment, un navire de guerre russe est arrivé dans une base militaire égyptienne sur la mer Rouge, ont indiqué des sources militaires, précisant qu'il s'agissait du second bateau russe à accoster en Egypte cette semaine. Cette escale vise à «renforcer les liens entres les marines des deux pays». «Le poids de la Russie dans la région est tel qu'elle ne peut être considérée comme le remplaçant d'un autre» pays, a estimé M. Fahmy qui avait récemment affirmé vouloir offrir de nouvelles «options» à l'Egypte après le gel partiel par Washington, premier pourvoyeur de l'armée égyptienne, de son aide militaire de 1,3 milliard de dollars par an, en rétorsion à la répression visant les pro-Morsi. Depuis la mi-août, près d'un millier de manifestants pro-Morsi ont été tués et plus de 2.000 Frères musulmans arrêtés, dont la quasi-totalité des dirigeants de cette confrérie à laquelle appartient le président déchu. Les Etats-Unis ont fourni des milliards de dollars d'aide à l'Egypte depuis que le pays a signé en 1979 un accord de paix avec Israël, un moyen entre autre d'assurer le respect de ce traité. Mais après des mois d'atermoiement, ils ont gelé le 10 octobre une partie de leur aide à l'Egypte, à qui ils ne livreront plus d'hélicoptères d'attaque, de chasseurs et de missiles. Shadi Hamid, directeur de recherche au Brookings Doha Center, estime que se tourner vers Moscou est «une bonne tactique» qui peut «servir d'outil de négociation pour empêcher les Américains de faire pression». Cependant, «le système d'armement égyptien est entièrement américain, un changement radical vers un système russe prendrait longtemps et rien n'indique que cela est prévu. Les Etats-Unis resteront le principal fournisseur de l'armée égyptienne». Le 3 novembre, le secrétaire d'Etat américain John Kerry était venu au Caire pour relancer les relations bilatérales. Mais M. Fahmy a prévenu que si cette visite avait «fait bonne impression», les relations bilatérales n'étaient pas à l'abri de «soubresauts». M. Lavrov a souligné que «la Russie (était) contre toute ingérence dans les affaires intérieures et (respectait) la souveraineté de l'Egypte». MM. Lavrov et Fahmy ont aussi affirmé avoir discuté des difficiles négociations israélo-palestiniennes et de la situation en Syrie. Evoquant le conflit qui oppose partisans et opposants au régime de Bachar al-Assad - et a déjà fait plus de 120.000 morts - les ministres ont appelé à une «solution politique» via un «dialogue» qui pourrait s'ouvrir au sein de la conférence dite Genève 2 que M. Lavrov a espère «le plus rapidement possible». Avant de clore leur visite, les ministres russes ont été reçus par le président intérimaire Adly Mansour, auquel M. Lavrov a fait part de «l'appui de la Russie au peuple égyptien pendant la difficile période transitoire», a rapporté l'agence gouvernementale Mena.