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En ce mois fertile en points d'histoire...
PLEURE Ô PAYS BIEN-AIME D'ALAN PATON
Publié dans L'Expression le 11 - 12 - 2013

Le 11 DECEMBRE 1960, «La liberté d'être libres» (de Nelson Mandela, décédé le 5 décembre 2013) face à la réalité brutale de l'apartheid mis en place en 1948 en Afrique du Sud, et «Bouïra, carrefour du livre et du multimédia amazighs», sont semblablement les apparences les plus expressives qui appellent les saines consciences à dénoncer toutes les formes de discrimination.
En ce mercredi du Temps de lire, les événements historiques incitent, par-delà la pensée philosophique universelle, la pensée algérienne à saisir directement une réalité existante et récurrente de la vérité en histoire, la vérité en général ou ce qui nous intéresse en ces temps de course au progrès et à la sauvegarde de l'Humanité. N'allons pas plus loin dans la réflexion: le problème est trop profond et trop complexe pour oser l'aborder ici. Néanmoins, l'amour de la liberté, l'intérêt de (ou du) vivre en liberté, la notion de liberté - de fait, celle-ci seule, développe en nous une raison d'agir -, nous forcent à nous rappeler les actions libératrices et leurs bienfaits qu'elles assurent à l'être humain où qu'il vive.
La liberté d'être libres
Et d'abord, le 11 décembre 1960 dont, aujourd'hui même, nous commémorons le cinquante-troisième anniversaire. L'événement historique, pourtant souvent qualifié de «Diên Biên Phu politique de la guerre d'Algérie», est mal connu, car peu médiatisé, peu d'écrits d'historiens lui ont été consacrés et donc peu enseigné dans nos écoles. Or, il doit être saisi dans sa réalité spécifique et transmis à titre de dépôt sacré à la jeunesse algérienne: le 11 décembre 1960 a prédit la victoire du 19 mars 1962 et cette date même a librement fixé au 3 juillet 1962 l'indépendance nationale que l'on célèbre le 5 juillet 1962.
Rappelons brièvement ce drame qui a élevé haut la dignité de la conscience populaire. Nos populations des villes et des campagnes, en pleine guerre de Libération nationale, ont, du dimanche 11 décembre au dimanche 18 décembre 1960, manifesté avec courage, éclat et fermeté pour l'indépendance de l'Algérie à l'annonce d'une part, de la venue du général de Gaulle à Alger, d'autre part, de la délibération à l'ONU, le 19 décembre 1960, de la «question algérienne». Notamment, ces manifestations ont ainsi prouvé au monde l'adhésion des Algériens au FLN et à l'ALN, de même qu'elles ont été déterminantes dans la capitale Alger et ses quartiers à forte densité populaire totalement nationaliste: Belcourt, Clos Salembier (auj. El Madania), El Qaçba, Climat de France (auj. Oued Koriche), Kouba, El Harrâch, Birkhadem,... D'abord pacifiques, ces manifestations formées d'hommes et de femmes de tout âge, d'adolescents et de jeunes enfants criant des slogans de soutien à la politique d'indépendance de l'Algérie, puis, face aux ripostes meurtrières des Ultras de «l'Algérie française» et à la répression sanglante de l'armée et de la police de l'administration coloniale, elles se sont vite transformées en un soulèvement insurrectionnel, poitrines nues offertes au sacrifice suprême pour que vive l'Algérie libre et indépendante... «Cent trois martyrs et des centaines de blessés seront dénombrés parmi les manifestants, sauvagement réprimés par les forces coloniales.» rapporte la presse internationale en décembre 1960. On y a compté des civils, des personnes âgées, des femmes et des enfants, tel que Farid Maghraoui, 10 ans, premier chahid du Clos Salembier... Sans haine, voilà une leçon d'histoire d'un peuple paisible, trop longtemps victime et dont le courage a formidablement mûri pour sa Révolution...
«La liberté d'être libres» disait Nelson Mandela pour engager ses compatriotes à lutter contre la politique de ségrégation raciale conduite en Afrique du Sud par la minorité blanche du Parti national à l'encontre de la majorité noire. La réalité de l'apartheid a jailli en 1948, dès sa claire application officielle au quotidien. Elle a été inspirée par «les institutions d'une politique de ségrégation raciale empirique existant en Afrique du Sud depuis la création de la colonie du Cap en 1652.
Cette politique est la conséquence de l'angoisse historique des Afrikaners, blancs d'origine non anglophones, essentiellement néerlandais, d'être submergés par la multitude de la population noire environnante. La ségrégation portait sur les aspects économiques, géographiques (création des bantoustans) et sur le statut social en fonction des origines ethniques et raciales» et visant essentiellement la population ainsi répartie en quatre groupes raciaux distincts: «1- Les Blancs, environ 20% dont 3/5 d'Afrikaners et 2/5 d'anglophones. 2- Les Indiens (environ 3%), descendants des coolies recrutés à partir de 1860 pour les plantations de canne à sucre. 3- Les Coloured (ou métis), environ 9% de la population. 4- Les Noirs ou Bantous, près de 70% de la population, se répartissant entre différentes ethnies, les plus importantes étant les Xhosas et les Zoulous (Diverses sources).»
Pleure, ô pays bien-aimé
Nelson Rolihlahla Mandela («Madiba», de son nom tribal) est né le 18 juillet 1918 dans le village de Mvezo, en Afrique du Sud. Il est le fils d'un chef de tribu, membre de la famille royale des Thembus. Nelson Mandela s'appelle en réalité Rolihlahla, mais une institutrice comme le voulait la coutume et influencée par la langue anglaise lui donne le nom de Nelson. En 1944, à 26 ans, avocat, il s'engage dans la lutte contre l'apartheid en fondant la Ligue des jeunes pour le parti de l'ANC (Afrique National Congress), prônant une opposition pacifique et l'abolition des lois d'apartheid. Il accède à la tête de l'ANC du Transvaal en 1952 et ouvre le premier cabinet d'avocats Noirs. Il est arrêté en 1962, à 44 ans. Il ne sera libéré que 27 ans plus tard, en 1990. En 1993, il reçoit le prix Nobel de la Paix et devient, l'année suivante, à 77 ans, le premier président démocratiquement élu de l'Histoire de l'Afrique du Sud. Son mandat est marqué par la volonté de redresser une ́ ́nation arc-en-ciel ́ ́, c'est-à-dire une nouvelle société sud-africaine après la fin de l'apartheid. Hospitalisé à quatre reprises, il décède à l'âge de 95 ans à son domicile de Johannesburg, le 5 décembre 2013. Il a laissé de nombreux ouvrages dont une autobiographie, publiée en 1994: «Un long chemin vers la liberté.» Cette oeuvre a inspiré un film sur la vie de Nelson Mandela.
C'est à la rentrée scolaire de 1954, au lycée Bugeaud (auj. lycée Emir Abdelkader) que j'ai découvert Pleure, ô pays bien-aimé d'Alan Paton. Nous étions quelques Algériens camarades de différentes classes à disposer du seul exemplaire de ce roman dont le récit nous avait bouleversés et que nous lisions à tour de rôle. Parfois en cachette des regards de nos camarades Européens. Notre passion, notre enchantement et les promesses que nous laissait imaginer le personnage du courageux et sage Révérend Stephen Koumalo pour notre avenir d'Algériens, nous faisait oublier l'existence des guetteurs et des curieux qui, par-dessus nos épaules, essayaient de nous voler notre moment de joie et d'espoir, et de liberté de vivre une vie avec «ceux qui luttent». Quel souvenir indicible me vient à l'instant que je feuillette encore le même exemplaire. Alan Paton (1903-1988) était un écrivain et un homme politique sud-africain, fondateur du parti libéral. Sa famille descendait des colons anglais en Afrique du Sud. Ses parents appartenaient à la communauté religieuse protestante des christadelphes, autrement dit «Frères en Christ», un mouvement chrétien du XIXe siècle, à peine 50.000 croyants répandus dans 120 pays, surtout au Royaume-Uni et au Nord des Etats-Unis.
L'auteur raconte les débuts de l'apartheid en Afrique du Sud, dénonçant la ségrégation raciale dont sont alors victimes les Noirs. En voici un rapide résumé: «Le Révérend Stephen Koumalo, pasteur noir d'un petit village d'Afrique du Sud, a plusieurs parents à Johannesburg: son frère John, le menuisier, sa soeur cadette, Gertrude, partie avec son petit garçon à la recherche de son mari, et son fils unique, Absalon. Sur la foi d'une lettre qui l'appelle auprès de Gertrude, Koumalo se rend à Johannesburg et découvre la réalité brutale de l'apartheid, de la misère et de la déchéance qui règnent parmi les Noirs transplantés dans la grande ville, notamment dans le bidonville appelé «Soweto». Son frère John est devenu un homme politique en vue, luttant pour la libération de ses compagnons de race. Gertrude mène une vie dissolue, à la limite de la prostitution. De longues et pénibles recherches conduisent enfin Koumalo jusqu'à son fils Absalon. Pour avoir tué, lors d'un cambriolage, celui-ci attend son jugement dans un pénitencier. Au terme d'un pèlerinage aux sources de la détresse et de l'injustice, le pasteur rentrera au village, n'emmenant ni John, ni Gertrude mais seulement la femme de son fils, dont l'exécution est imminente.» On peut penser que le sujet de ce roman «la ségrégation raciale» est, hélas, toujours d'actualité, car des «Soweto» dispersés existent encore dans de nombreux pays...
Dans le prochain Temps de lire, j'évoquerai l'importance du Symposium organisé par le Haut Commissariat à l'Amazighité en partenariat avec le Centre National du Livre (CNL) et sous l'égide de M.le Wali de Bouïra. Il s'est tenu les 7 et 8 décembre 2013 dans le chef-lieu de cette Wilaya. Des «tables rondes de consultations» ont permis à des auteurs, éditeurs et diffuseurs de débattre sur la promotion du livre amazigh.
(*) PLEURE, Ô PAYS BIEN-AIME (Cry, The Beloved Country) d'Alan Paton, 1948. (Trad. par Denise Van Poppès), Editions Albin Michel, Paris, 1950, Livre de Poche, 430 pages.


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