L'attentat qui a coûté la vie au président tchétchène Akhmad Kadyrov marque un nouveau tournant. La mort, dimanche, de plusieurs membres du cabinet pro-russe tchétchène, dont le président Akhmad Kadyrov, dans une explosion au stade de Grozny, la capitale de la République autonome de Tchétchénie, est un coup très dur pour Moscou et singulièrement pour le président Vladimir Poutine qui a mis beaucoup d'espoirs en le président Kadyrov pour ramener la stabilité dans la petite République rebelle du Caucase. Outre le président Kadyrov, le président du Conseil d'Etat (organe consultatif), Hussein Issaïev a également trouvé la mort dans cet attentat alors que le général Valéry Baranov, commandant en chef des forces russes pour la Tchétchénie, amputé d'une jambe, était, hier, toujours entre la vie et la mort. L'attentat qui a eu lieu au stade de Grozny, encore en construction, a totalement pris en défaut des services de sécurité pourtant très renforcés. De fait, selon les premières estimations, la bombe, qui n'a pas été détectée par la sécurité présidentielle omniprésente, était encastrée dans le béton même de la tribune d'honneur. Ce qui laisserait entendre que cet attentat était préparé de longue main et que ceux qui l'avaient préparé n'attendaient que l'opportunité de passer à l'action. Pour Moscou, la mort de Kadyrov, et de son staff pro-russe, qui était la pièce maîtresse dans l'effort de «normalisation» de la Tchétchénie induit une véritable catastrophe pour le Kremlin qui fondait beaucoup d'espoirs sur ce cabinet totalement acquis au président Poutine. En fait, c'est toute la politique mise oeuvre par le chef du Kremlin, qui consiste à confier progressivement aux «Tchétchènes» la réalité des affaires avec, en parallèle, le désengagement graduel des forces fédérales actuellement mobilisées en Tchéchénie, qui est ainsi prise en défaut. Dans l'esprit de Vladimir Poutine, maître d'oeuvre de cette politique de «tchétchénisation» de la crise tchétchène, -à l'époque où il était encore Premier ministre en 1998-, il s'agissait alors, pour le pouvoir fédéral, d'un pari, certes audacieux, celui d'arriver à une issue de la crise en y intéressant les Tchétchènes eux-mêmes dont les agents de sécurité se seraient peu à peu substitués aux forces fédérales mal vues par la population. Le chef du Kremlin a dès lors trouvé en Akhmad Kadyrov, un homme totalement dévoué, le responsable à poigne à même de stabiliser la petite République caucasienne et de mettre en application son projet. Aussi, la disparition brutale de Kadyrov remet-elle en cause des années de travail en vue de faire revenir la République rebelle dans le giron de la Fédération. Mais les choses ne semblaient pas aussi évidentes que l'espérait Moscou, d'autant plus que la Tchétchénie est devenue ces dernières années, à l'ombre de la guerre qui y sévit, le lieu de toutes les corruptions, en fait un véritable panier à crabes, où tout se vend et s'achète et où, peu ou prou, des officiels ne dédaignent pas de mettre la main. De fait, les trafics de tout genre se font quasiment à l'ombre de la protection intéressée de certains officiers qui y ont édifié de véritables fiefs, souvent intouchables et loin du contrôle de Moscou. Aussi, la crise tchétchène si, officiellement, elle est le fait des séparatistes du président Aslan Maskhadov et du chef de guerre Chamil Bassaïev, côté jardin, ce sont plutôt les forces d'inertie, trouvant leurs bénéfices dans l'entretien de la crise, qui font obstacle à une véritable solution négociée. De fait, en refusant catégoriquement tant de négocier avec les séparatistes tchétchènes, qu'une médiation internationale, le président Poutine a quelque peu fait perpétuer une situation dont tirent profit ceux peu pressés de voir l'issue d'une guerre qui dure depuis plus de cinq ans. L'état major russe a accusé hier le président séparatiste Aslan Maskhadov et le chef de guerre Chamil Bassaïev, d'être derrière l'attentat qui a coûté la vie au président Kadyrov, et également mis en cause certains gouvernements, sans les citer, indiquant : «Cet acte terroriste a été rendu possible grâce au soutien financier actif offert aux bandits par des organisations extrémistes internationales, ainsi qu'à la complaisance des gouvernements de certains pays où les anciens leaders de la prétendue Itchkérie (nom que les séparatistes donnent à la Tchétchénie) vivent à visage découvert et d'où ils transmettent en Tchétchénie des moyens financiers et des mercenaires nouvellement recrutés». Jusqu'à hier, aucune revendication n'a été faite de l'attentat qui a coûté la vie au président tchétchène Akhmad Kadyrov.