Un fait curieux, que des milliers de téléspectateurs ont pu suivre en direct, a marqué la dernière journée du championnat de football de Ligue 1 opposant l'USM Alger (nouveau champion d'Algérie) à l'ES Sétif. Les 22 joueurs ont observé - sur le terrain de Bologhine, sous les regards du ministre des Sports et du président de la FAF (respectivement MM. Tahmi et Raouraoua) - cinq minutes d'arrêt à la 65e minute. Cet arrêt de «travail» se voulait être une «contestation» du plafonnement de salaire décidé par les instances en charge du football professionnel. Ce fait, sans précédent, n'aurait pas suscité d'autres commentaires, s'il n'y avait pas cette incongruité de la part de «travailleurs» qui trouvent naturel - dans un pays où le Snmg est à 18.000 dinars - de percevoir des salaires équivalents de 100 à 150 fois le Snmg. Ce fait, que nous avons eu à dénoncer dans ces colonnes, outre d'être avilissant, est en réalité une insulte pour les Algériens, pour les travailleurs en général et les cadres du pays (professeurs, ingénieurs, docteurs, hauts commis de l'Etat...) qui sont loin de bénéficier d'un tel pactole mensuel. Or, le salaire fixé par les instances du football (1.200.000 DA pour les internationaux et 800.000 DA pour les autres joueurs) est encore choquant, représentant au moins trois fois le salaire d'un haut commis de l'Etat. On peut, à la limite, comprendre de telles rémunérations si, au moins, leurs heureux bénéficiaires les justifiaient par des prouesses extraordinaires sur le terrain. Ce qui n'est pas le cas, comme en atteste l'absence de joueurs locaux dans l'équipe représentante de l'Algérie au Mondial 2014 au Brésil. Or, ces milliardaires du football, incapables de gagner leurs places parmi les Fennecs, ont été tout aussi inaptes à qualifier l'Algérie aux championnats africains des locaux (Chan) où nous avons toujours échoué à accéder à la phase finale de cette compétition. Plutôt que de faire profil bas, ces messieurs parlent haut et fort et exigent des salaires tout simplement ahurissants et incompatibles avec la morale, contraires aux convenances et sans relation avec les réalités économiques et sociales du pays. Dans cette triste histoire qui perdure depuis l'avènement du professionnalisme, personne n'a respecté les règles du jeu ou pris ses responsabilités pour induire une saine pratique professionnelle du football, tant vis-à-vis des salariés du monde du travail que par rapport à eux-mêmes. Or, les joueurs «professionnels» sont contre le plafonnement des salaires. Un ex-international est allé jusqu'à dire que c'est là une première mondiale que de plafonner les salaires. Le revers de la médaille, est que c'est aussi en Algérie où l'on observe que la masse salariale des footballeurs est de trois à cinq fois supérieure au budget du club. En d'autres termes, le club propose des salaires qu'il est incapable d'honorer. Un déficit que l'Etat - incapable par ailleurs de reconsidérer la valeur du Snmg - comble sous forme de subventions allouées par les APC, les wilayas et les DJS. C'est là ou le bât blesse dès lors que l'Etat (les ministères des Sports et des Finances) en plus de ne pas jouer son rôle de régulateur en imposant des garde-fous et des règles strictes en conformité avec une bonne gestion entrepreneuriale, fait perdurer cette dérive en donnant sans compter pour des clubs devenus de véritables tonneaux des Danaïdes. En Europe où les footballeurs sont très bien payés, il n'existe pas ces écarts abyssaux entre leurs salaires et ceux pratiqués en général dans les autres catégories de travail. Les footballeurs algériens s'estiment-ils mieux que les Espagnols, les Argentins et autres Allemands pour exiger des émoluments qui n'ont tout simplement pas de sens? Si nous sommes arrivés à ces extrémités - des footballeurs ne respectant aucune éthique - c'est aussi dû aux dérobades des instances concernées (sports, finances, FAF, LPF) qui n'ont pas su, pu ou voulu prendre leurs responsabilités en imposant, comme cela se fait dans les pays où se pratique le sport professionnel, des règles de gestion strictes, au même titre que le fair-play financier, condition sine qua non pour une bonne administration des entreprises sportives qui gèrent les clubs sportifs professionnels. Mais, peut-il y avoir fair-play financier dans cette course à l'abîme, si l'Etat ne s'implique pas et ne met pas le holà aux désordres induits par le fonctionnement anarchique et anti-économique du football professionnel dans notre pays? Certes, non!