L'acharnement des autorités locales a été le générateur de cette brusque poussée de tension dans la corporation. C'est contre une vingtaine d'accusations retenues contre lui par la cour de Djelfa, que le journaliste et militant des droits de l'Homme, Hafnaoui Ameur Ghoul, devrait se battre. En faisant sa comparution, aujourd'hui, pour répondre aux trois principaux chefs d'inculpation déposés contre lui par le wali de Djelfa, il représente aux yeux de la presse, présente en rangs serrés avec lui, le combat du droit de presse contre les restrictions et les abus des autorités. En fait, c'est l'acharnement sans pareil des autorités locales, et à leur tête le wali, qui a été à l'origine de cette brusque poussée de fièvre et cette levée de boucliers de la part de toute la presse. La présence des patrons d'El Watan, d'El Khabar et du Matin, Omar Belhouchet, Ali Djerri et Mohamed Benchicou, du caricaturiste Dilem, d'avocats comme Me Bourayou, de représentants d'ONG et de ligues des droits de l'homme, ainsi que celle annoncée de Belaïd Abrika, renseignent sur l'importance que revêt cette affaire pour la presse indépendante. Le zèle avec lequel les magistrats ont donné suite aux plaintes introduites par le wali dénote toute l'allégeance, trop ostentatoire pour être tue, de la justice. En deux jours, quarante-huit petites heures, les plaintes ont été introduites, reçues, l'instruction ficelée, l'inculpé menotté et mis «à l'ombre» dans sa cellule. Et pour que le crime soit presque parfait, car rien, jamais, ne l'est, des associations ont été impliqués, par connivence ou par complaisance, pour «charger» le journaliste et ainsi plus vite que l'éclair, une vingtaine d'accusations, jugées toutes recevables, noient le journaliste dans un labyrinthe de procédures judiciaires auxquelles il ne pourra faire face tout seul. Toute cette batterie de poursuites s'est faite en quarante-huit heures seulement. C'est dire tout le zèle qui a marqué et déformé cette affaire, pour en faire, en définitive, un concentré du bras de fer qui oppose depuis quelques années la presse aux autorités. A la veille de son procès, Hafnaoui est toujours en prison, où il passe son seizième jour. Aucune circonstance atténuante ne lui a été accordée, ni même la présomption d'innocence dont il était censé bénéficier. Pour le moment, la gêne des autorités locales est à son comble. La presse privée est interdite dans l'enceinte des institutions locales (APW, APC, wilaya, etc.) et tous les efforts deployés, hier, par les envoyés spéciaux de la presse privée n'ont pas abouti à leur faire rencontrer les responsables locaux : «Le président d'APC est sorti», «le président d'APW est absent», «le wali est en réunion», «son chef de cabinet aussi», articulent difficilement leurs collaborateurs. Alger de son côté, est tout aussi gêné par la tournure des choses et souhaite un dénouement rapide de l'affaire. Au moment où les institutions politiques et monétaires internationales font un effort envers l'Algérie, elles enregistrent avec dépit et désappointement que la démocratie, les droits de l'Homme et la justice peinent encore à s'exprimer. Mais, dans tous les cas de figure, le concerné ne sera pas relâché aujourd'hui, ont indiqué ses avocats lors d'une conférence de presse, pour la simple raison qu'il fait l'objet d'une d'un double mandat de dépôt.