La pièce «El Khalaf», est plus qu'une pièce de théâtre, ce sont les confessions d'un artiste, appelé désormais à contribuer au renouveau de notre théâtre. Du haut de ses 70 ans, le terrible enfant du théâtre et du cinéma algérien, Sid Ali Kouiret, demeure toujours égal à lui-même, aussi terrible, aussi mythique et aussi extraordinaire qu'autrefois. Ainsi, en se produisant jeudi dernier sur les planches du théâtre national algérien, pour présenter la pièce de théâtre «El Khalaf» (La relève), Sid Ali Kouiret a défié encore une fois son âge avancé pour confirmer ainsi que l'art quand il s'implante dans les gènes, nul ne pourra le déraciner. Ali Mout Wakef est donc revenu sur scène pour retrouver son public en soif de ses prestations, mais aussi pour mener à terme sa mission : celle de remettre le flambeau à la nouvelle génération de comédiens, en manque de repères. Ecrite et mise en scène par Bouhayek Abd El Hamid, la pièce aborde la problématique inhérente au statut de l'artiste, sa mal vie ainsi que le renouveau du théâtre algérien. La situation se passe tour à tour dans une salle de théâtre et au bord de la mer. Amel (Lamya Bousekine), étudiante, prépare, avec l'aide de Khalifa (Berkane Mahfoud) comédien de formation et électricien de profession, son mémoire de fin d'études et dont le thème est La mise en scène. Pour ce faire, les deux personnages ont eu recours à Ami Ali (Sid Ali Kouiret), comédien retraité qui, pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, travaille dans une salle de théâtre et ce, en qualité de gardien. Les jeunes comédiens n'arrêtent pas de courir derrière ce vieux comédien et devant son obstination à ne pas répondre à leur demande, ils le traitent de tous les noms. Ceci ne tarde pas à plonger cet artiste, en retraite malgré lui, dans le tourbillon des souvenirs qui commencent à refaire surface presque avec insistance. Et c'est là que commence le véritable travail de deuil de ce comédien «écarté» des planches en dépit de toutes ces années qu'il a consacrées au 4e art qui est en passe de devenir ingrat (?). Il est ainsi venu le temps, pour lui, de se souvenir de toutes ces années passées sur la scène du théâtre. Toutes ces pièces présentées, ce public d'antan qui achetait les billets au marché noir. «Où sont ces années où les camions chargés de décor stationnaient devant l'opéra d'Alger? Où est tout ce public qui, malgré le chômage, le quotidien difficile...venait pour voir une pièce théâtrale? Où sont tous ces comédiens, toutes ces pièces qui ont raflé les plus prestigieux prix internationaux?» Toutes ces questions et tant d'autres ont été posées par le géant du théâtre algérien, Sid Ali Kouiret, qui a brossé, non sans amertume, un tableau noir de la situation du quatrième art en Algérie. Toutefois, les tergiversations de notre acteur et comédien, affichées dans «La relève», ont fini par se dissiper, pour qu'il revienne à de meilleurs sentiments et contribuer à la formation de cette jeune relève. Le public, de son côté, charmé par les prestations de Kouiret, n'a pas manqué d'applaudir, chacune de ses mimiques et toutes ses expressions faciales qui ont marqué plusieurs passages dramatiques de cette pièce. Quant aux deux autres comédiens, Lamya Boussekine et Mahfoud Berkane, malgré leur jeune âge, et le rythme un peu lent avec lequel ils ont mené les jeux théâtraux, ils ont néanmoins fait preuve de bravoure, notamment en tenant tête au rythme infernal de Sid Ali Kouiret qui a marqué son nom en lettres d'or dans les annales du théâtre algérien. Bravo l'artiste !