A Baaqouba, des accrochages ont laissé hier treize morts et 34 blessés sur le terrain. Encore des attentats qui continuent d'ensanglanter un pays qui est loin de voir le bout du tunnel. A dix jours du transfert de la souveraineté à un gouvernement irakien (intérimaire), la situation semble empirer face aux surenchères des uns, aux coups de boutoir des autres, entre guérilla irakienne et force d'occupation de la coalition. De fait, hier, d'aucuns se demandaient le pourquoi du raid de samedi de l'aviation américaine contre la ville «rebelle» de Falloujah. Raid qui s'est traduit par la mort de 26 Irakiens, tous des civils, et une dizaine de blessés. Le questionnement s'imposait d'autant plus qu'il est apparu, selon un officier de la police irakienne, qu'il n'y «avait aucune présence armée».Ce policier affirme en effet : «Nous n'avons trouvé aucune trace d'une présence armée» indiquant : «Ce raid a visé un quartier pauvre du sud de Falloujah et plus précisément la maison d'un citoyen du nom de Jassem Mohamed Fayed faisant plusieurs morts et blessés parmi sa famille et ses voisins.» Une nouvelle bavure de l'armée américaine qui n'en est pas à sa première? Tout porte à le croire d'autant plus que le calme qui règne sur cette ville après un mois de combats, en avril et mai derniers, ne justifiait pas le raid entrepris par l'armée américaine sur le bastion sunnite de Falloujah. Certes, dans un communiqué, l'armée américaine a affirmé avoir lancé un raid contre une cellule terroriste d'Abou Mossab Al Zarqaoui à Falloujah, mais à l'arrivée, il n'y avait pas plus de Zarqaoui que d'hommes armés affiliés à cette nébuleuse islamique et c'est encore le civil irakien qui trinque. Alors qu'un chef tribal a été tué hier à Tikrit, ancien fief de Saddam Hussein, l'attentat de jeudi à Bagdad a vu son bilan revu à la hausse avec 35 morts et 141 blessés. A Baaqouba, au nord-est de Bagdad, des accrochages ont laissé hier treize morts et 34 blessés sur le terrain. Ces morts brutales, qui se succèdent au quotidien, sont une nouvelle hécatombe pour un pays qui baigne chaque jour un peu plus dans le sang. En réalité, le problème de la sécurité post-transfert du pouvoir aux Irakiens se pose d'ores et déjà avec acuité aux autorités intérimaires irakiennes qui devront parer au plus pressé en essayant de réduire les nuisances de la guérilla et celles des terroristes de la mouvance d'Al Qaîda qui semble avoir pris date avec l'équipe du cabinet du président Ghazi Ajil Al-Yaouar. La gageure de maîtriser rapidement la spirale de violence n'est guère en fait évidente, même si le Premier ministre désigné, Iyad Allaoui, qui a centralisé à son niveau les services de sécurité, se dit convaincu de venir à bout de cette nouvelle plaie qui défigure l'Irak. Faisant le point sur la situation sécuritaire, M. Allaoui a affirmé hier qu'il allait «mobiliser tous les services de sécurité» du pays, indiquant : «J'ai fixé comme priorité immédiate la mise en place d'un système de contrôle et de commandement irakien efficace afin d'intégrer toutes les forces, tandis que j'aurais la responsabilité ultime de la sécurité nationale.» Se voulant confiant, Iyad Allaoui, a indiqué d'autre part : «J'ai ordonné que l'armée soit composée (aussi) de notre nouvelle garde nationale irakienne et placée sous le commandement de l'armée», précisant : «Notre principale priorité en matière d'entraînement et d'équipement sera ces forces spéciales qui peuvent frapper les terroristes et les rebelles avant que ces derniers n'aient la possibilité de nuire à des gens innocents.» Toutefois une armée, faut-il le souligner, encore en phase de formation, et qui n'a aucune chance d'être opérationnelle dans les dix prochains jours - échéance du transfert du pouvoir à l'autorité provisoire irakienne - peut-elle raisonnablement prendre en charge les opérations antiviolence et contenir une guérilla que les forces armées de la coalition mieux structurées et mieux rodées à la lutte antiterroriste n'ont réussi ni à en faire douter, ni à en contenir la violence. Bien au contraire, malgré leurs moyens supérieurs, les forces armées d'occupation américaines et britanniques ont, en fait, échoué à sécuriser l'Irak et à remettre le pays au travail. Malgré la prise en charge totale de la sécurité des installations pétrolières par les services de sécurité militaires et civils américains, les sabotages des oléoducs et des gazoducs se sont poursuivis, comme ceux de lundi et mardi derniers, paralysant totalement les exportations de brut irakien. M.Allaoui fait-il montre d'une confiance, à tout le moins, excessive dans des services de sécurité qui sont encore à créer et qui, partant, auront à faire d'abord leurs preuves, de même que d'une sérénité injustifiée quand tout en Irak est aujourd'hui à construire ou à reconstruire ? Tout le laisse croire de la part d'un homme qui, manifestement, n'a pas l'expérience du vrai terrorisme et des nuisances dont il est capable. L'après- coalition apparaît de fait incertain pour un pays dont les responsables ont tout à apprendre et à ré-inventer, y compris la pondération et la discrétion.