L'argent du pétrole est là pour garantir le crédit Chez nous, malheureusement, cinquante ans de rente pétrolière ont, semble-t-il, fini par ôter aux gouvernements qui se sont succédé jusqu'à la simple capacité de réflexion. Nul n'ignore que, pour se développer, un pays doit produire et entretenir une certaine croissance. Par ailleurs, dans un monde ouvert comme le nôtre, la loi naturelle de la compétitivité oblige à toujours améliorer son offre, en cherchant et en acquérant des avantages compétitifs de plus en plus durables aptes à donner des «coups de pouce» supplémentaires. Pour se développer, un pays doit être apte à créer de la valeur. Aussi, les efforts d'investissement doivent nécessairement prendre en considération cette création de valeur, condition sine qua non de toute croissance et de tout développement. Les gouvernements qui ont compris cela essaient, par tous les moyens, de valoriser l'effort humain, sachant que c'est cet effort qui constitue le véritable réservoir de la richesse des nations. Certes, la technologie a son poids dans le progrès et le développement et certes la finance aussi a un rôle à jouer mais de tous les ingrédients, l'homme est un facteur unique. Il est à part. Et son travail ne peut, ni ne doit être comparé à aucun autre intrant dans le processus de production ou celui du développement. Chez nous, malheureusement, cinquante ans de rente pétrolière ont, semble-t-il, fini par ôter aux gouvernements qui se sont succédé jusqu'à la simple capacité de réflexion. Les compétences ont été chassées du pays, du moins rien n'a été fait pour les retenir. les jeunes s'exercent chaque jour à la harga et rien n'a été fait pour les aider à rester chez eux au lieu d'aller à une mort certaine, en traversant la mer sur des embarcations incertaines. D'un autre côté, les conteneurs arrivent par centaines de milliers au point où les ports en sont encombrés, et rien n'a été fait pour protéger l'effort local des hommes. Pas même par respect à ces êtres qui triment comme des esclaves parfois pour un bout de pain, de plus en plus difficile à obtenir. Les milliards continuent à être jetés à tort et à travers dans les wilaya à l'occasion de visites fanfares, sans trop d'effets sur la vie des misérables gens. Pendant ce temps, le noeud coulant du pétrole se resserre, chaque jour un peu plus, autour du cou d'un peuple qui, trop occupé à fêter les victoires passagères d'une équipe nationale de football, non moins passagère, ne s'en rend même pas compte. Oui, la corde de la dépendance économique est en train de nous étrangler et s'il n'est pas encore aisé de la sentir, c'est surtout à cause du brouhaha des fêtards, si prompts à envahir la rue à chaque fin de match, et à cause de ces saltimbanques chargés, par on ne sait qui, de garder le peuple sous anesthésiants, tantôt par de longs et interminables feuilletons de partis et de partisans, tantôt par de longues et ennuyeuses «disputes en hauts lieux», parfois en lui balançant des «scandales» tout préparés, parfois en lui en dévoilant d'autres, déjà mille fois périmés etc... «Ne rien produire, tout importer et tout payer avec les hydrocarbures». Telle semble être la malheureuse devise de tous les gouvernements qui se sont relayés depuis la mort de Boumediene. On ne cite pas Boumediene pour le vénérer mais juste pour dire que, pendant sa période, il y avait beaucoup d'efforts de développement et une réelle stratégie était en place. Et ce ne sont pas les nouvelles analyses de salon des pseudo Algériens venus d'ailleurs, en jeans et en chemises à carreaux, souvent déboutonnées au niveau de la poitrine, qui pourraient prouver le contraire. On importe pour manger, on importe pour survivre, on importe même pour mourir. La terre, notre si fertile terre, est ravagée par le béton destructeur de parvenus sans foi ni valeurs qui s'adonnent à la construction de «ranchs» et de «farms». Cette terre si généreuse pourtant, que si l'on se hasarde à y planter des bouts de viande, on verrait certainement y pousser des veaux et des moutons, cette terre est abandonnée lorsqu'elle n'est pas défigurée et définitivement stérilisée par le béton. Pendant ce temps, la corde au cou se raidit de plus en plus et nous avec. L'addiction de nos gouvernants à la rente pétrolière est devenue une maladie, une catastrophe contre laquelle on ne peut rien faire, une folie que plus rien ne peut endiguer ni même contrôler. Exporter le pétrole, exporter le gaz, exporter les matières premières, encore exporter, toujours exporter, ne rien faire d'autre que d'exporter pour payer les importations de blé, de médicaments, de pantalons, de jupes, de lunettes, de voitures, de ciment, de cigarettes, de café, bref de tout ce dont on peut avoir besoin. Le développement? Difficile de croire qu'ils en sachent un bout. En tout cas, à voir comment les ressources du pays ont été dilapidées, avec acharnement et détermination, on jurerait presque qu'ils ne savent pas ce que développement veut dire et encore moins, comment s'y prendre pour y parvenir. Sous prétexte d'assurer un meilleur quotidien aux citoyens, on importe des véhicules et l'on procède de ce fait à écouler la production des entreprises françaises, allemandes, coréennes, japonaises etc. Et si le citoyen n'a pas de quoi payer alors, pas de problème, l'argent du pétrole est là pour garantir le crédit. Sous prétexte de favoriser l'initiative, on donne des crédits à fonds perdus et on encourage l'importation de téléphones portables, de micro-ordinateurs, mais aussi de chaussures, de robes, de costumes... La Turquie et la Chine, maintenant, mais aussi la Syrie avant, ont vu notre argent prendre les chemins de l'importation non contrôlée. L'importation de tout et de n'importe quoi. Est-ce ainsi que l'on s'y prend pour développer un pays? Allons, allons, soyons sérieux! Les étudiants en première année de sciences économiques savent que le commerce international, qui repose essentiellement sur les avantages comparatifs, est une exigence de la nature humaine. Cependant, ils vous diront que nul ne peut être contre l'importation mais, convenons-en, recourir à l'importation pour le moindre mal de tête ou, pour la satisfaction du premier besoin élémentaire est une absurdité qui ne peut être ni comprise ni justifiée et encore moins acceptée. Il en est de même pour l'exportation car, s'il est impossible de ne pas recourir aux exportations, il n'en demeure pas moins que tout vouloir lier à l'exportation des hydrocarbures est une autre aberration, que ni le bon sens ni le minima d'intelligence se sauraient accepter. Malheureusement, c'est ce qui a été fait chez nous. Lier l'économie nationale à ces gouttes de pétrole qu'on sait ne pas être durables. Qui a oublié les années 1980? Qui a oublié les chaînes matinales devant les boulangeries desquelles on n'était même pas sûr de revenir avec une baguette? Qui a oublié que nous mendions presque? Les fameuses grèves, les sit-in de l'époque, octobre 1988...? Et qui a oublié que la cause de tout cela était justement une chute du prix du pétrole, chute décidée aveuglément et méchamment par ceux qui se font passer aujourd'hui pour nos meilleurs amis? Sommes-nous certains qu'il n'y aura pas d'autres chutes ou bien, et c'est ce qui est plus logique, avons-nous plutôt la certitude inverse? Va-t-on continuer, tête basse, à foncer vers notre perte en poursuivant ce comportement de rentier peinard, inconscient et irresponsable? C'est en tout cas ce que laisse comprendre cette uniformisation de l'impôt sur les bénéfices des sociétés (IBS), rapportée par beaucoup de médias qui sera porté à 23% et «s'appliquera indistinctement à toutes les entreprises productives et de services». Une telle mesure, il ne faut pas se leurrer, est à même de détruire tout ce qui reste comme bonne volonté du côté de l'activité économique. Elle vise simplement à casser ce qui reste d'un effort de travail algérien car, parmi les entreprises de services, il faut compter d'abord et surtout ces officines d'importation qui nous déversent sur les quais les milliers de conteneurs, dont les seules conséquences visibles est la destruction du tissu industriel national, la décapitation des PME algériennes et la dissolution de l'effort jusque-là consenti par ceux qui oeuvrent encore, parce qu'ils ont simplement honte que le pays se nourrisse à 100% de l'importation. Cette mesure risque d'être le coup fatal à l'économie nationale et surtout aux entreprises nationales, publiques et privées et il demeure très étrange que le ministre de l'Industrie n'ait pas réagi à cette mesure qui va à l'encontre de tout effort de mobilisation des investisseurs algériens. Est-ce un bâton de plus dans les roues des entreprises nationales? L'argent n'a certes pas d'états d'âme mais, tout de même, à ce point? Faut-il effacer définitivement toute entreprise de production de notre pays? Les lois d'aujourd'hui conditionnent les lendemains du pays et la vie des générations à venir. Si nous mettons sur le même pied d'égalité ceux qui suent pour investir afin de créer de la richesse pour le pays et ceux qui, d'un coup de fil, nous inondent sous les pétards chinois, les bougies turques du Mawlid, la fripe aux odeurs nauséabondes, les chaussures irritantes chinoises et autres gadgets, nous ne sommes pas sortis du tunnel et nous ne sommes pas prêts d'en sortir. Oui, si une telle mesure est retenue, c'est qu'on ne veut pas le bien de ce pays et que, quelque part, on fait n'importe quoi! Au moment où la Banque européenne se débat comme dix mille diables pour encourager l'effort en Europe en encourageant l'exportation des valeurs créées, au moment où les Américains, les Chinois, les Japonais et le reste du monde essaient par tous les moyens de favoriser l'effort, nous, de notre côté, nous nous faisons un point d'honneur à le casser, le détruire et de quelle manière! Avec une loi! De cette manière, au moins, on est sûr que, non seulement, le pays n'arrivera plus à sortir la tête de la corde qui l'entoure mais que, dans les plus brefs délais, nous allons tous finir pendus, pendus par ceux qui étaient censés nous sauver.