L'événement a pris fin la semaine dernière après avoir égrené moult activités artistiques et culturelles multidisciplinaires des plus originales. Leurs organisateurs semblaient bien satisfaits et heureux du travail abattu, lequel a pris deux ans de préparations pour le mettre en place. Contraction des termes Djazaïr et Art, une combinaison qui sonne «Jar» signifiant voisin en arabe. Cette aventure humaine englobant avant tout des amoureux passionnés d'art ainsi que des bénévoles d'ici et d'ailleurs a ainsi pu présenter au public algérois de la capitale et ce du 6 au 15 novembre une palette large d'activités. Conférences, ateliers, concerts, rencontres et riches échanges ont ponctué cet évènement organisé, pour rappel, par Trans-Cultural Dialogues. Une plate-forme constituée d'un groupe de jeunes gens professionnels, dynamiques, issus de différentes associations culturelles et artistiques euro-méditerranéennes et venant donc de pays divers comme l'Espagne, l'Italie, la France etc. Ainsi, jamais le mot altérité et pourquoi pas «mondialisation» n'ont aussi sonné et résonné juste et positif que dans le cadre de cet événement dont le principe consistait à aller vers l'Autre avant tout! Pour cela, des espaces ont été réaménagés comme la placette Benboulaïd qui a accueilli de nombreuses activités dont deux concerts qui ont drainé une foule de gens hétéroclites entre habitants du quartier, des enfants, familles et autres artistes et intellectuels. Des concerts en plein air, avec juste le volume de son qu'il fallait pour ne pas trop déranger le voisinage, le tout sous l'oeil vigilant de la flicaille qui laissait pour une fois faire... Les deux groupes qui se sont produits sont Yacine and oriental groove qui nous est venu d'Espagne et Democratoz, originaire d'Oran. Deux groupes sympathiques, même si le premier n'a pas trop fait l'unanimité et l'on s'est demandé pourquoi ne pas avoir ramené des groupes bien de chez nous qui méritaient justement bien de se faire découvrir, d'autant que ce n'est pas la scène musicale actuelle underground qui manque chez nous. Pas grave...Une performance artistique celle -là qui aura bien retenu l'attention du public, à la placette Benboulaïd, et aussi celle du performeur londonien, sous le regard attentif de la commissaire Yasmina Reggad. La première avait pour titre Please pay attention for your confort and safety, produite en anglais et en chinois. Ici elle a été réadaptée en arabe dialectal en partie. Elle consistait à mimer en quelque sorte les gestes ou démonstrations de l'hôtesse de l'air dans l'avion quand elle donne les directives de secours. Des gestes chorégraphiques redondants et ennuyeux ainsi que des bribes de paroles des plus comiques aux plus analytiques revisitées pour questionner «notre espace et l'éphémère de la performance qui ne se joue qu'une seule fois et se vit avec le corps de l'artiste et appelle l'attention d'un autre corps, celui d'un public présent et attentif. C'est grâce à ses ingrédients que l'art de la performance naît à ce moment-là», nous expliquera l'artiste londonien. Dans sa seconde performance, The popet paster était accompagné d'une vidéo où l'on apercevait juste l'arbitre lors du match qui opposa l'Algérie à l'Allemagne durant la Coupe du monde. L'artiste Adrian Lee a laissé simplement entrevoir l'arbitre du match laissant le public s'imaginer le reste à coup de renfort sonore et créer ainsi l'interactivité... De la visibilité dans l'espace public Louise Dib, petite-fille de l'écrivain Mohammed Dib, a rejoint tardivement la locomotive Djart. Prenant le train en marche, elle proposa une activité vite acceptée et introduite dans le programme. Il s'agira d'un «safari typo». En sillonnant les quartiers de la Casbah, Bab El Oued, Télémly et Meissonnier notamment, les participants devaient immortaliser sous leurs objectifs les enseignes des magasins, les noms des rues et autres tags comme témoignages visuelles déclinés sous forme d'action-documentaire racontant la ville. Aussi, autre activité des plus ludiques et attrayantes a été celle de sillonner également différents lieux cultes et historiques d'Alger et ce, hors d'un bus, en étant assis sur sa toiture ouverte. L'originalité de la chose aura été que ce bus, soit le même qui a servi à l'Equipe nationale de foot, de retour du Brésil. De la mobilité en action il y en aura ainsi, preuve à l'appui! Auparavant, de «la théorie» participative, a aussi marqué les journées Djart. Par théorie on entend bien évidemment les deux rencontres- débats qui ont émaillé les journées des 13 et 14 novembre derniers. La première ayant eu lieu à la salle Chabab, ex-Casino, à la rue Ben M'hidi, a porté sur l'art dans l'espace public. Plusieurs intervenants ont pris part, notamment Djalila Kadi Hanifi, auteure et dramaturge mais aussi commissaire des cinq installations sonores placées notamment au Musée des Beaux-Arts, à la grotte de Cervantes et à Dar Abdellatif... Réfléchissant sur la problématique du jour, Djalila Kadi Hanifi se demandera si déployer son art dans la rue ne relèverait pas finalement de «la subversion», car argue-t-elle «il s'agit d'une agression subie et imposée», ajoutant que cette opération n'a pas trop fonctionné du moins en partie car a-t-elle constaté «les gens ne prennent pas le temps. Nous sommes dans une société basée sur le rapide. Se faire conforter à un lieu qui raconte une histoire aussi charriant un passé invisible convoque une certaine compréhension et patience». Pour sa part, Mustapha Benfodil, auteur, dramaturge aussi, nonobstant le fait d'être journaliste, se désolera d'abord que ses activités et écrits ne soient pas visibles dans son pays pour ne pas dire totalement méconnus. Il touchera du doigt cette notion de «visibilité» dans l'espace public auquel il a été déjà un des vecteurs principaux dans le groupe Bezzaf, suivra après le mouvement politique Barakat. J'ai basculé dans l'action politique car l'espace public est extrêmement policé et fermé. Je suis amené à me demander encore aujourd'hui si mes textes (littéraires et dramatiques) servent encore à quelque chose...», avouera-t-il à demi-mot avec dépit. Sentiment lâché après avoir raconté ses péripéties avec les flics pendant ses fameuses «lectures sauvages» qui ont connu à un moment un certain succès avant de s'être arrêtés et dont le nom de «agit-auteur» lui colle à la peau. Dans la même lancée Djalila Kadi Hanifi a fait savoir à l'assistance le travail remarquable entrepris par la comédienne Adila Bendimerad qui a fait beaucoup pour la promotion du théâtre de rue ou en plein air tandis que Mustapha Benfodil évoquera quant à lui le travail du Clac (initié par la fille de Alloula, Rehab et le chanteur Amazigh Kateb). Des performances et des idées Karim Ouaras de l'université de Mostaganem expliquera à l'assistance les différents genres de graffitis que l'on peut trouver dans les rues, à travers une classification minutieuse et recherchée. Lorena Cosimi du théâtre Vallé à Roma confiera pour sa part, son expérience d'occupation de ce théâtre étatique pendant quelques années et le bonheur qu'il lui a procuré à elle, au public et aussi aux nombreux artistes jusqu'à ce qu 'il soit à nouveau confisqué... Souad Douibi, artiste et performeuse algérienne, a quant à elle, parlé de son travail artistique conceptualisé du hayek et sa nouvelle passion initiée tous les samedis à la Madrague, à savoir «un samedi en couleur» qui connaît un succès grandissant chez les petits et les grands. A propos du hayek elle dira: «Je considère que je suis la toile et le hayek mon pinceau. C'est comme ça que je crée. Je choisis souvent des endroits fréquentés par les hommes pour exécuter mes performances. J'offre aussi de la matière aux photographes...». La seconde table ronde organisée, le lendemain, à l'espace Artissimo s'est porté sur la mobilité artistique. Elle nous fera découvrir en préambule le précieux travail de la fondation Delfina basé en Angleterre. Suivra Sandrine Pichet de l'association Gertrude II qui évoquera ses nouveaux projets d'avenir, après avoir passé dix ans de partenariat avec d'autres associations notamment Chrysalide d'Algérie. Aujourd'hui, Gertrude II aspire ainsi à s'ouvrir davantage sur le monde et ce, en se tournant cette fois vers les pays du pourtour de la Méditerranée. Il s'agira d'organiser chaque année ou deux, voire trois résidences d'artistes avec des créateurs de différents pays. Yasmina Reggad pour sa part, basée à Londres, racontera la belle expérience de la Résidence Aria dont l'instigatrice revient à l'artiste plasticienne Zineb Sedira. Cette résidence basée à Alger a permis nous apprend-elle, à de nombreux artistes, notamment algériens, de bénéficier d'un temps suffisant long pour faire des recherches et de créer. «L'idée est basée sur la flexibilité. Nous sommes à l'écoute des artistes en Algérie mais aussi à l'extérieur. On communique avec le monde entier car on est basés à Londres», a fait savoir Yasmina Reggad qui donnera la parole à Atef Berdjam pour faire partager au public son expérience dans Aria. Ce dernier se félicitera de sa propre «visibilité» et «mobilité» grâce à Aria qui lui a permis de voyager et puis de poursuivre son aventure dans d'autres résidences à l'étranger. Et pour le reste? Djart ne compte pas s'arrêter là mais compte d'autres projets dans sa besace. Il y aura d'abord l'illumination du tunnel des Facultés grâce aux merveilles visuelles de Youcef Crache puis cette résidence reportée au 24 novembre jusqu'au 30 du mois à Dar Abdellatif et qui comprendra de nombreux artistes algériens. Walid Bouchouchi compte poursuivre son «invasion» collage de stikers. Après, de l'avis des organisateurs, Djart poursuivra son petit bonhomme de chemin en Méditerranée, en espérant plus tard trouver des relais, ici, à Alger pour continuer l'aventure. En effet, capitaliser les acquis serait le meilleur que puisse faire Djart, même si une première étape a été bel et bien franchie...