Malheureusement, des invités surprises, les casseurs Récit d'un après-midi de manifestation à l'origine pacifique, qui a dégénéré en affrontements. Tous les chemins menaient au centre d'Alger, hier, après la prière d'El Djoumouaâ. Hommes, femmes avec ou sans hidjab, enfants, jeunes, vieux, religieux, modérés... Ils étaient des milliers à avoir pris la direction de la capitale pour participer à la marche «On est tous Mohammed (Qsssl)». Une marche qu'ils voulaient pacifique pour dénoncer les atteintes, sous le couvert de la liberté d'expression, répétées contre l'islam et le Prophète Mohammed (Qsssl). Les autorités qui interdisent les marches au niveau d'Alger depuis 2001, ont préféré que ce soit plutôt un rassemblement. Les forces antiémeute ont alors quadrillé les artères principales de la capitale pour contenir les manifestants. Ce qui a créé plusieurs poches de rassemblement dans différents quartiers d'Alger. D'abord, le plus important et le plus pacifique au niveau de la place de la Concorde civile(ex-1er-Mai). Les manifestants ont commencé à se rassembler, scandant au début des slogans tels «Tous avec Mohammed» et «Oui à la liberté d'expression, non au blasphème», ou encore «Assa, Azeka, l'islam yela, yela» (aujourd'hui et demain, l'islam restera présent Ndlr). Les fameuses affiches «On est tous Mohammed (Qsssl)», qui sont distribuées depuis quelques jours, étaient brandies par des manifestants. Ceux qui n'en avaient pas encore, ont pu en avoir sur place. Un enfant de six ans et son père s'occupaient de la distribution. On pouvait également voir des banderoles à la gloire dAllah et son prophète (Qsssl). Certaines étaient dans les mains des manifestants, alors que d'autres étaient accrochées sur les balcons. On pouvait lire: «N'insultez pas notre prophète, c'est grâce à lui que l'on vous respecte», «Je suis algérien, les gens qui ont marché à Paris ne me représentent pas», ou encore la fameuse «Ne touche pas à mon prophète». Mais très vite ces manifestants chauffés à blanc ne voulaient plus rester sur place. Ils sont venus marcher et ils étaient déterminés à le faire. Des chaussures comme projectiles Ce qui n'était pas de l'avis des policiers qui ont reçu comme consigne stricte de ne laisser personne dépasser le cordon de sécurité. On essayait de forcer le cordon de sécurité, mais la police réussissait toujours à bloquer les manifestants. C'était l'occasion pour les islamistes radicaux de récupérer la marche. Profitant de la colère des manifestants, ils les ont poussés à scander des slogans hostiles au pouvoir avant de ressortir les «chansonnettes» des années 1990 telles que «Alliha nahia, alliha namout», «Palestine chouhada» ou les «Daoula islamia». De nouvelles adaptées à l'actualité «terroriste» actuelle ont même été créées par ces radicaux. On cite les «Kouachi chouhada» ou pire encore «Djaich, chaab maâk ya Daesh, ou daoula gaâ irhabe». L'ambiance est très électrique, certains manifestants présents la comparent même à celle des années 1990 après l'arrêt du processus électoral. Les esprits s'échauffent et la police entame les arrestations. Vite repérés, les meneurs sont embarqués illico presto dans un fourgon qui s'avère trop petit pour contenir tous les manifestants arrêtés. Ils font appel à des renforts. Toutefois, les manifestants aussi ont droit à leurs renforts. D'autres jeunes sont venus à pied des quartiers de la banlieue Est d'Alger (Kouba, Hussien Dey, Bachdjarah, El Harrach, Rouiba Réghaïa...). La police est prise à revers. C'est la pagaille! Elle commence à charger. Elle arrive tant bien que mal à contenir la foule et pousser les nouveaux arrivés au centre de la placette. Les manifestants qui savent qu'ils ne pourront visiblement pas pouvoir marcher, lancent leurs chaussures sur les forces de l'ordre. C'est l'insulte ultime chez les musulmans! Les voitures qui passent font preuve de solidarité avec les manifestants, klaxonnent et allument leurs feux de détresse. Alors que les habitants des immeubles avoisinants approvisionnent en eau potable les protestataires en leur envoyant des bouteilles d'eau de leurs balcons. Ces bouteilles finissent majoritairement en direction de la police, après quelques gorgées. Malgré ce petit dépassement, qui n'avait pas lieu d'être dans ce genre de manifestation, ça n'a pas dégénéré à la place du 1er-Mai! Ce n'est malheureusement pas le cas du côté du boulevard Zirout Youcef qui s'est vite transformé en arène de «guerre». Des manifestants très nombreux ont réussi à contourner le barrage de la police au niveau de la place du 1er Mai pour emprunter la rue Hassiba Ben Bouali. De nom-breux islamistes y étaient présents. Affrontements au boulevard Zirout Youcef La marche s'est dirigée vers la Grande Poste en scandant «Les Kouachi chouhada», «Le peuple veut un Etat islamique». Les forces antiémeute, fortement déployées, se contentent d'encadrer la marche qui est arrivée au niveau du boulevard Amirouche, noir de monde. Les manifestants sont bloqués par les policiers au niveau du Commissariat central d'Alger. Des camions et des policiers empêchent les manifestants de poursuivre leur marche. Ils ont crée la deuxième zone de rassemblement. Les escarmouches ont vite commencé à éclater. Bloqués au niveau du Commissariat central, des groupes de manifestants ont fait demi-tour et emprunté des ruelles pour se diriger vers la rue Larbi Ben M'hidi, toujours dans le centre de la capitale. Ils scandent les mêmes slogans. «Je suis Mohamed», «Kouachi chouhada», «Alliha nahia, alliha namout». Aux environs de 15 heures, les manifestants ont forcé le cordon de sécurité du Commissariat central, boulevard Amirouche. Ils marchent vers l'APN. Arrivés sur place, la police réussit à les bloquer et commence les arrestations. Il n'en fallait pas plus pour mettre le feu aux poudres. Ça dégénère très vite! La manifestation pacifique que l'on a tenté de transformer en rassemblement prend les allures d'une émeute! Du côté du square Port Saïd, la situation devient très tendue. Les manifestants jettent des pierres sur les passants. La police utilise les camions à eau pour les disperser. Un photographe a même été blessé par un jet de pierres. Les manifestants deviennent de plus en plus violents. Ils attaquent les policiers avec des blocs de pierre. Les affrontements gagnent en intensité. Aux alentours de l'APN, l'anarchie est totale. Les fourgons de police quittent les lieux sous une pluie de pierres jetées par les manifestants en colère. La police revient très vite avec des renforts et surtout son gaz lacrymogène. C'est l'anarchie totale. L'émeute est à son comble. Les manifestants commencent à saccager les voitures et les magasins qu'ils trouvent devant eux. Des abribus et les vitres de l'hôtel Safir (ex-Aletti) ont subi la foudre des manifestants qui sont en majorité des jeunes, même très jeunes... L'agence Air Algérie rue Zirout Youcef a, elle, été complètement saccagée. Deux heures d'affrontements et plusieurs arrestations plus tard, la police réussit à mettre fin aux hostilités. Il est presque 18 heures, la nuit tombe sur la capitale, les Algérois rentrent chez eux après un après-midi de manifestations qui ont connu des fortunes diverses...