Les états-Unis d'Amérique ont perdu près de 200 milliards de dollars dans deux opérations militaires en Afghanistan et en Irak. Les objectifs de ces deux opérations d'envergure étaient définis clairement : renverser le régime des taliban et des baâthistes de Baghdad, capturer Ben Laden, le Mollah Omar et Saddam Hussein et remodeler le schéma géopolitique selon la nouvelle conception américaine. Pour les Etats-Unis et depuis un demi siècle, sa présence en Orient était motivée par deux choses : la protection d'Israël, son allié historique, largement soutenu par toute l'Amérique de l'Eglise protestante, et les enjeux liés au pétrole. Le souci de démocratisation des régimes de la région et l'alliance stratégique contractée avec un pays fort du coin, l'Arabie Saoudite, étaient ses deux chevaux de bataille. Or, aujourd'hui, l'Arabie Saoudite ne joue plus ce rôle - que convoite inutilement le Qatar - et c'est sur l'Irak que le choix des spin doctors de la politique de l'administration Bush est tombé pour remplacer l'Arabie, «offrir» son pétrole et atténuer ses humeurs vis-à-vis d'Israël. Politique d'anticipation par excellence s'il en est, mais qui ne se concrétise pas sur le terrain. En Afghanistan, comme en Irak, la résistance locale a la peau dure. 1000 soldats américains sont déjà morts depuis le début de la troisième guerre du Golfe et les taliban reviennent en force à Kaboul, sans que la capture de Ben Laden ou d'Ayman El Zawahiri ne viennent atténuer la sensation cuisante des échecs successifs. Bien, les Etats-Unis en ont connu d'autres, bien sûr, et beaucoup d'échecs ont été enregistrés depuis le début des années quatre-vingt. Le 24 avril 1980, «Désert One», opération antiterroriste (déjà !), menée par la Delta Force a été une catastrophe totale. En octobre 1983, l'opération «Urgent Fury» dans l'île de Grenade, avait accumulé une série de fiascos. Le 19 décembre 1989, l'opération «Juste Cause» qui devait aboutir à l'arrestation de Manuel Noriega (qui, en fait, s'est rendu de son plein gré), a débuté avec une série de bourdes rocambolesques et humiliantes pour 1300 rangers et 2700 paras. «Restore Hope», enfin, en octobre 1993, mission des forces spéciales lancée contre le général Aïdid à Mogadiscio se termine par un lamentable échec: 19 soldats d'élite sont tués et 84 rangers blessés et l'intervention prit soudainement fin. Les deux demi-guerres contre Bagdad et Kaboul sont d'autant plus ratées qu'elles font aujourd'hui le chemin inverse: le régime pro-américain d'Afghanistan tente d'amadouer les taliban modérés et les amener à participer aux prochaines élections, alors qu'en Irak, les anciens officiers baâthistes sont suppliés de prendre en main la police locale. La désintégration des forces locales en Irak et en Afghanistan a donné naissance à une multitude de groupes djihadistes plus hostiles encore aux Etats-Unis, très motivés, plus souples parce que composés de jeunes tentés par le radicalisme et surtout très peu connus, ce qui leur donne l'occasion de se mettre en valeur par rapport à leurs aînés et de rester encore quelque temps dans un état de sous-visibilité.