Le conseil d'administration n'a pas été consulté Beaucoup d'Algériens croyaient «naïvement» que l'Etat était là pour les protéger. Il l'a fait à hauteur de 5%. Si avant-hier, le procès EL Khalifa Bank en avait fini avec les prévenus et les témoins, où des sommes astronomiques revenaient dans les propos des uns et des autres, hier le tour était à la partie civile. C'est-à-dire à toutes ces entreprises et personnes à qui appartenaient ces milliards dépensés en achats de voitures de luxe, en financements en tout genre. Des entreprises et des personnes qui avaient été prises par l'enthousiasme de taux d'intérêt révolutionnaires et la «belle image» que dégageait le groupe El Khalifa et ses filiales. Toutes ces personnes et les entreprises représentées par leurs cadres seront entendues un à un. Ils ne sont pas moins de 132 à s'être constitués partie civile dans cette affaire. Le premier lot de 10 victimes a été entendu par le juge Antar Menouar dans la matinée d'hier. Toutes ces personnes qui ont attendu le 26ème jour du procès pour s'exprimer n'ont quasiment pas d'espoir de récupérer les avoirs déposés dans les coffres de la banque. Dans le meilleur des cas, les plus chanceux se sont fait rembourser de 5% de la valeur des placements par le liquidateur. La première personne à être entendue par le juge est Zinedine Benini. Il représente l'Opgi d'Oum El Bouaghi. Selon ses propos, l'Office a déposé chez la défunte El Khalifa Bank, la somme de 26 milliards de centimes entre 2001 et 2002 suite à la signature d'une convention avec l'agence de Blida. M.Benini révèle que «la convention n'a pas été renouvelée en 2002». Mais cela n'a pas empêché le fait que «l'argent déposé n'a pas été récupéré à ce jour». L'autre représentant de l'Opgi, de Djelfa, Azzedine Boubekeur, a affirmé que l'Office avait placé, en 2001, auprès de l'agence de Blida 13 milliards de centimes dont les intérêts ont été retirés en mars 2003. Le succès de cette première opération a encouragé les responsables de l'Opgi de la renouveler pour la seconde fois à travers le placement de 10 milliards de centimes. Cela s'est passé, indique M.Boubekeur, en date du 4 mars 2003. C'est l'agence de Laghouat qui a été destinataire de ces fonds. Mais la seconde tentative n'a pas été la bonne, puisque, avoue M.Boubekeur, seuls les 5% accordés en 2011 par le liquidateur ont pu être récupérés. De son côté, la représentante de l'Opgi de Aïn Témouchent a avancé la somme de15 milliards de centimes qui a été déposée en deux étapes entre 2001 et 2002. L'agence d'Oran a été choisie pour recevoir ses fonds, censés générer des intérêts à un taux de 11%. Sur toute cette somme, 5% seulement ont été récupérés après l'opération de liquidation. Le représentant de l'Opgi de Sétif, Bouguerra Hossam, a déclaré que «la somme déposée auprès d'El Khalifa, estimée à plus de 74 milliards de centimes, n'a pas été récupérée à ce jour». 5% du placement a été récupéré. Pour sa part, le représentant juridique de l'Opgi de Mostaganem, Fahem Mohamed, a affirmé que la décision du dépôt de l'argent auprès d'El Khalifa Bank avait été prise par le directeur général et que le conseil d'administration n'a pas été consulté. L'Opgi de Mostaganem, selon la même source, avait déposé deux fois la somme de 100 millions DA, le premier versement contre un taux d'intérêt de 7,75% alors que le second contre 11%. L'Opgi avait pu récupérer 5% auprès du liquidateur Moncef Badsi. Les 145 milliards de centimes Opgi, dont on devine où ils ont été dépensés à suivre les déclarations des prévenus et des témoins, ne constituent que la partie apparente de l'icebreg. Dans la même matinée d'hier, les représentants de la partie civile défilèrent, à l'image du cadre de la Société des moulins des Bibans, affiliée au groupe Eriad Sétif. Celui-ci affirme que 10 milliards de centimes ont été déposés dans l'agence de Tadjenant, dont 5% avaient été récupérés auprès du liquidateur. Le procureur ne laisse pas passer l'occasion pour interroger le représentant des Moulins des Bibans sur le fait d'avoir passé outre l'instruction du ministre de l'Agriculture de l'époque de ne déposer que chez la Badr. Naouri Anissa, chargée depuis 2013 de la liquidation du Groupe des boissons algériennes, a soutenu qu' «une somme de 168 millions DA avait été récupérée sur un dépôt global de 180 millions DA». De son côté, la représentante de l'Entreprise nationale des services des puits (filiale de Sonatrach), a dit que l'entreprise «n'avait rien récupéré» de la part du liquidateur, relevant avoir pu encaisser un milliard comme intérêts. Questionnée sur la procédure de dépôt, la même intervenante a déclaré que «la décision de dépôt avait été prise par le directeur général sans avoir l'avis du conseil d'administration». Dans cette «valse des milliards», l'assistance a eu droit à des moments d'émotion, non pas parce que les sommes étaient astronomiques, mais parce que les véritables victimes, étaient les personnes qui avaient mis toutes leurs économies dans El Khalifa Bank et qui passent à la barre. Le premier, Rachid Maouch, pharmacien de profession, dit avoir déposé 5 millions de DA en 2002 à l'agence de l'hôtel Saint-Georges (Alger). M. Maouch, dont le premier souci, on le comprend aisément est de récupérer sa mise, puisqu'il n'a commis aucun délit, raconte au juge son désarroi, lorsqu'il a été retirer son argent, en 2003. On lui a signifié: «Il n'y a pas suffisamment de liquidités.» Ses économies ont tout simplement disparu. Il a été remboursé à hauteur de 5% de la somme déposée. Notre pharmacien n'a pas été ménagé par le procureur général qui a précisé, qu' «il s'agissait de bons de caisse et non de placements à terme». Il reste que le juge Antar Menouar, n'a pas été insensible aux propos de M. Maouch. «L'Etat n'abandonnera pas les citoyens victimes d'El Khalifa Bank», estimant que «le remboursement doit se faire sur des bases juridiques». Abed Omar, une autre victime qui représente d'autres petits clients de la banque, a exprimé son «insatisfaction» quand son argent en devises lui avait été remboursé en monnaie nationale. Le même intervenant s'est interrogé pourquoi «la Banque d'Algérie n'avait pas fait de contrôle chez El Khalifa Bank». Les séquences «émotion» vont sans doute se répéter les prochains jours. Beaucoup d'Algériens, séduits par l'offre alléchante d'El Khalifa Bank y ont déposé leur argent, parce qu'ils croyaient «naïvement» que l'Etat était là pour les protéger. Il l'a fait à hauteur de 5%.