Il faut arriver à créer chez l'Algérien une culture assurantielle Créée en 1996, l'Union algérienne des sociétés d'assurance et de réassurance est venue pour défendre les intérêts de ses membres, c'est-à-dire les compagnies d'assurances qu'elles soient publiques ou privées. Cadre de concertation et de consultation, cette instance aspire aussi à devenir une vraie «force de proposition» pour apporter un nouveau souffle à un secteur dont bien de segments restent encore insuffisamment exploités. Dans cet entretien, Brahim Djamel Kassali, président de l'UAR, fait avec nous le tour du secteur sur lequel il porte un regard des plus réalistes. Même si l'arrivée des compagnies étrangères a stimulé la concurrence et permis de diversifier les offres et les produits, du chemin reste encore à faire pour moderniser les assurances en Algérie et amener les citoyens à vraiment y croire. Les premiers pas sont faits et des actions concrètes sont entreprises pour mettre le marché algérien des assurances dans la voie de la modernisation. L'important est selon le président de l'UAR, de persévérer dans l'amélioration et la valorisation des services pour créer une véritable culture assurantielle. L'Expression: L'Union algérienne des sociétés d'assurance et de réassurance est l'instance des professionnels du secteur des assurances. Quelles sont ses principales missions? Brahim Djamel Kassali: Les missions de l'Union algérienne des sociétés d'assurance et de réassurance, s'inscrivent dans le cadre du développement du marché assurantiel, par la mise en place d'une dynamique d'évolution basée sur la promotion des activités du secteur et l'amélioration constante des services offerts par les différentes entreprises d'assurance et de réassurance. Dans ce cadre, l'Union est chargée de défendre et représenter les intérêts collectifs de ses membres que sont toutes les sociétés d'assurances et de réassurance, publiques et privées qui activent sur le marché algérien. Elle doit également assurer à ses membres un cadre de concentration et d'échange sur toutes les questions d'intérêt commun, ce qui lui permet de remplir une autre mission importante qui est celle d'initier toutes propositions visant à améliorer le cadre juridique régissant le secteur des assurances. L'Union doit également veiller au respect de la déontologie tarifaire par les sociétés d'assurances, ce qui est un gage de leur sécurité et solvabilité. Nous accordons enfin un grand intérêt, à la sensibilisation des publics aux produits d'assurance, à travers notamment la mise en oeuvre de stratégies communes d'information sur les avantages de l'assurance dans la protection et la sécurité des biens et des personnes. On estime que les assurances représentent uniquement 0,7% du produit intérieur brut (PIB). Pouvez-vous nous en dire plus sur ce point? L'interprétation à donner à ce taux qui, lorsqu'il est pris isolément, donne une image quelque peu tronquée de l'importance réelle du secteur des assurances dans l'économie nationale, mérite à mon avis, d'être relativisée et ce, pour deux raisons principales. D'abord, le taux de pénétration des assurances qui est un indicateur pertinent d'appréciation du poids des assurances dans l'économie nationale, n'est pas me semble-t-il, le seul critère de jugement de l'importance économique du secteur des assurances. D'autres critères objectifs et pertinents sont en effet à prendre en considération. La contribution des sociétés d'assurances au développement économique s'apprécie également à travers les placements financiers et les prises de participations qu'elles effectuent. Les primes d'assurances collectées par les sociétés d'assurances sont pour une grande part canalisées et orientées dans les circuits de l'économie nationale par le biais de dépôts auprès des banques, de placements sur le marché financier en valeurs d'Etat et en obligations et actions d'entreprises, en investissements immobiliers, et en prises de participations dans des sociétés. Les fonds investis par les sociétés d'assurances sous forme de placements s'élèvent à plus de 180 milliards de DA à fin 2014, alors qu'ils n'étaient que de 39 milliards de DA en 2000. Les assurances jouent également un rôle économique et social important dans le cadre des prestations financières versées aux assurés au titre du règlement des sinistres, et en matière de création d'emplois. Les indemnisations versées aux assurés par les sociétés d'assurances se sont élevées à environ 500 milliards de DA au cours de la période 2000/2014. Ceci a permis de préserver les revenus des citoyens victimes d'un sinistre, et de reconstituer le patrimoine des entreprises également touchées par un sinistre. Les sociétés d'assurances ont par ailleurs créé de nombreux emplois. Les effectifs des sociétés d'assurances sont en effet passés de 7200 salariés en 2000 à 14600 salariés en 2014; ce dernier chiffre ne prend pas en considération, il faut le souligner, les effectifs des 1000 agents généraux d'assurances activant actuellement sur le marché. Ensuite, la deuxième raison est que le calcul du ratio du taux de pénétration des assurances mériterait d'être «déflaté» du secteur des hydrocarbures qui représente il faut le souligner, 30% du PIB. En prenant en considération le PIB hors hydrocarbures, le taux de pénétration des assurances dépasse les 1% et cela, même si nous «déflatons» également la part du chiffre d'affaires assurantiel relevant du secteur des hydrocarbures. Permettez-moi enfin de rappeler que le chiffre d'affaires du secteur des assurances a progressé de 19,5 milliards de DA en 2000 pour atteindre 122 milliards de DA en 2014, soit un taux de croissance de 525% sur la période; ce qui est particulièrement remarquable. Ceci étant dit, les compagnies d'assurances ne ménageront aucun effort pour accroitre encore davantage la production du secteur et améliorer le taux de pénétration des assurances, eu égard au potentiel assurable dans notre pays. L'on dit souvent que la culture assurantielle est loin d'être suffisamment ancrée chez-nous. Jusqu'à quel point cette allégation est-elle vraie? Et que fait-on pour changer cette mentalité? En effet, tout le monde s'accorde à dire que la culture assurantielle constitue l'un des principaux défis pour le développement du secteur des assurances dans notre pays. La culture d'assurance est le fruit d'une communication étudiée, qui vise à une meilleure compréhension du rôle de l'assurance pour faire de l'acte de souscription, un réflexe: les multiples campagnes de communication réalisées par les entreprises d'assurances, à travers les différents médias oeuvrent dans ce sens. Il faut maintenir et renforcer cet effort de conseil et d'information sur les produits et services offerts. Mais au-delà de l'aspect communication qui est très important, le principal levier susceptible de contribuer à améliorer la culture assurantielle dans notre pays, me parait être celui de l'amélioration de la qualité de services. Il faut que nous arrivions à améliorer nettement celle-ci pour que le client soit, d'abord, bien reçu dans nos agences, qu'il trouve l'écoute et l'attention voulues dans les conditions requises, et ensuite, qu'il soit indemnisé dans des délais rapides et raisonnables en cas de sinistres. Nous pensons que la situation devrait s'améliorer, grâce à la mise en place de dispositifs qui permettent de réduire considérablement les délais de règlement des sinistres. À ce titre, les sociétés d'assurances ont mis en place, par le biais de l'UAR, la convention interentreprises «Irsam» qui permettra une plus grande célérité dans le règlement des sinistres automobiles matériels au titre de recours. D'autres actions sont entreprises par les sociétés d'assurances, comme l'intensification des campagnes de communication/marketing pour sensibiliser davantage le public sur l'utilité de l'assurance en matière de protection des biens et des personnes. Enfin, et dans le but de s'adapter au développement des nouvelles technologies, nous travaillons sur la mise en place de nouveaux canaux de distribution et ce, pour assurer la promotion de la vente à distance et d'une manière générale encourager une dynamique commerciale variée, réactive et orientée sur les futures attentes de la clientèle. Tout ceci devrait contribuer à améliorer la culture assurantielle dans notre pays. Le marché des assurances attire de plus en plus de compagnies étrangères. Cette affluence est-elle intéressante pour les compagnies nationales? Ne risque-t-elle pas de réduire leurs parts de marché? La libéralisation du marché des assurances aux sociétés privées et étrangères est une action bénéfique, car elle permet de créer et favoriser la concurrence dans le métier et promeut ainsi l'innovation et la diversification de l'offre au profit du client. La concurrence est toujours porteuse en matière notamment d'amélioration de la qualité de services et des produits. Et, il est clair qu'en dehors du volet tarifaire, c'est justement la qualité des prestations des services qui distinguera les différentes sociétés d'assurances vis-à-vis du client. Alors, il faut savoir se remettre en question en permanence et apporter les améliorations dans tous les segments qui concourent au rehaussement de la qualité de service. Je pense que les compagnies nationales d'assurances ont fait de gros efforts en ce sens et s'améliorent sans cesse. En tant qu'instance des professionnels du secteur, que propose l'UAR pour un meilleur développement du secteur et sa modernisation? En plus d'être un cadre de concertation, de consultation et d'échanges pour tout ce qui concerne le secteur des assurances, et comme je l'ai souligné précédemment, l'UAR se place comme une force de proposition, elle réalise des actions concrètes pour améliorer les activités et services des sociétés d'assurances. Le plan d'action de l'Union pour la période 2015/2018, déjà opérationnel, en est la meilleure preuve. Il s'articule sur des axes majeurs, à savoir l'amélioration continue des prestations, le renforcement de la communication du secteur, la consolidation de l'Union en tant que «force de proposition» vis-à-vis de l'Autorité de régulation, et enfin donner au marché algérien des assurances une place de choix sur le plan international. Comme je l'ai précisé auparavant, nous allons vers la modernisation du secteur, le premier pas a été fait avec la signature par les sociétés d'assurances de la convention Irsam pour réduire les délais d'indemnisation des sinistres automobiles au titre des recours. Nous avons aussi suggéré à l'Autorité de régulation, des actions à même d'améliorer le dispositif de bancassurance pour le rendre plus flexible, tout comme nous avons proposé l'allégement de certaines dispositions de la fiscalité en vigueur pour développer et soutenir davantage les assurances des personnes. Je tiens également à souligner qu'à la demande de l'Autorité de régulation, une étude a été lancée, et qui concerne l'organisation et le fonctionnement de l'intermédiation en assurances. Cette étude nous permettra de proposer la révision de certaines dispositions réglementaires. En outre, l'UAR a préparé la mise en place prochaine d'un fichier national des assurés automobiles qui devrait permettre de lutter contre la fraude à l'assurance et mettre en oeuvre de manière effective le système du bonus/malus. L'UAR projette aussi l'intensification des actions de communication et d'information en direction du grand public et des PMI/PME, pour promouvoir les produits d'assurance, ce qui permettra de consolider les efforts des acteurs du marché assurantiel. Enfin, l'UAR contribuera à favoriser le développement de l'innovation en termes de produits et de services, et l'utilisation plus intensive du numérique dans les relations assureurs/assurés.