Une vue de la conférence Le cinéma algérien est très présent au Festival méditerranéen d'Alexandrie, avec des films, mais aussi avec des cinéastes et des conférenciers venus défendre le 7e art algérien dans cet océan vaste et varié du cinéma arabe. Dimanche, les administrateurs du festival ont organisé une conférence de presse à laquelle ont assisté de nombreux critiques et professionnels du cinéma égyptien. La conférence a été animée par la doyenne de la critique égyptienne Neamet Allah Hussein qui a donné la parole à l'écrivain et critique Ahmed Bedjaoui et aux deux réalisateurs algériens en compétition à Alexandrie, Mohamed Zaoui et Lotfi Bouchouchi. C'est le président du festival, Alamir Abaza, qui a eu l'honneur d'ouvrir le débat en évoquant le rôle important du cinéma algérien pour parler de la révolution. A ce propos, Alamir Abaza a tenu à rappeler les liens politiques très forts qui existaient entre l'Algérie et l'Egypte, avant et après la révolution. Il se souvient notamment quand le président Boumediene avait offert du pétrole gratuitement à l'Egypte afin de s'armer pour faire la guerre contre Israël. Il a rappelé aussi le sacrifice des militaires algériens dans les années soixante-dix, dans la guerre contre l'Etat hébreu. M. Abaza a insisté sur l'importance du cinéma algérien et de ses nombreux prix qu'il a décrochés à travers le monde. Le Monsieur cinéma algérien, Ahmed Bedjaoui, toujours aussi éloquent a rappelé l'impact de son émission Ciné-club, qu'il a animée durant plusieurs années en Algérie, sur les professionnels arabes. Il se souvient que plusieurs réalisateurs égyptiens sont passés par son émission pour parler de cinéma et surtout des rapports entre les peuples: Ali Badr Khan, Salah Abou Seif et surtout Youssef Chahine. Bedjaoui se souvient bien de son passage dans son émission, lorsqu'il est venu en 1969. Il se souvient surtout que l'émission qui était diffusée tardivement, devait être coupée à minuit pour la diffusion du flash d'information. Vu l'importance et le succès du débat, le directeur général de la RTA à l'époque, Cheriet, avait appelé de son domicile pour demander au concerné de la programmation à ce qu'il ne coupe pas l'émission. Chahine qui était très bavard et très anecdotique, avait beaucoup parlé du film Gamila, l'Algérienne, en terminant l'émission à 3 heures du matin, au grand bonheur des cinéphiles. C'est ainsi que le cinéma égyptien a pénétré dans un premier temps le foyer et le coeur des Algériens. Les liens entre le cinéma algérien et le cinéma égyptien étaient très forts se souvient Chafik Sobhi, l'un des plus anciens conseillers au ministère égyptien de la Culture et qui a témoigné avec ferveur et passion sur l'Algérie. Même les Marocains ont salué le rôle important de l'émission Ciné-club dans le paysage cinématographique maghrébin. Le réalisateur et critique marocain Abdillah Djawhari se souvient par exemple que durant les années 1980 et en l'absence des chaînes satellitaires arabes, à l'époque, les Marocains, à la frontière, regardent avec intérêt l'émission d'Ahmed Bedjaoui. C'était le cas du réalisateur Kamel Kamel qui habitait Oujda et qui avait beaucoup appris de l'émission Ciné-club, considérant Ahmed Bedjaoui comme son père spirituel. Le critique et écrivain algérien a longuement parlé aussi de son livre consacré au cinéma algérien durant la révolution, mais en évoquant le prochain ouvrage qui sortira prochainement et qui retracera tous les films réalisés sur la Révolution algérienne dans le monde. Il indiquera notamment qu'il a trouvé 370 documents américains sur la guerre d'Algérie et notamment un documentaire qui a été commandé par la CIA sur De Gaulle où celui-ci affirmait que la Révolution algérienne était une révolution commandée par les communistes et qu'il ne fallait pas la soutenir. La réaction française voulait surtout dénoncer le soutien du président Kennedy à la Révolution algérienne. Interrogé par un critique de cinéma du quotidien Al Ahram, sur l'absence du cinéma algérien dans le Monde arabe et sa forte présence en Europe, M.Ahmed Bedjaoui a indiqué que le cinéma algérien était ouvert à toutes les tendances cinématographiques. Il a expliqué à ce sujet que la majorité des cinéastes étaient formés dans des écoles de cinéma des pays communistes et qu'à l'indépendance, ils se sont tournés vers l'Europe et les fastes du festival de Cannes. L'autre point soulevé par la critique égyptienne, c'est l'absence des films algériens en Egypte. Dans ce contexte, l'intervenant algérien a renvoyé la question aux distributeurs égyptiens et surtout au manque d'échanges culturels entre l'Algérie et l'Egypte. L'un des critiques égyptiens a expliqué aussi que le problème de la distribution est présent en tout lieu, même le cinéma égyptien, n'est pas aussi présent en tout lieu, partout comme avant. Le cas du dialecte algérien, chargé d'expressions françaises a été également soulevé par les critiques égyptiens, comme l'un des barrages à la présence du cinéma algérien en Egypte. Bedjaoui a rappelé que la longue présence française en Algérie a beaucoup influé sur la linguistique locale et que l'Egypte à travers ses enseignants et ses feuilletons ont aussi beaucoup contribué à arabiser les Algériens. De son côté, le critique et cinéaste marocain, a indiqué que la langue n'est pas un barrage pour la présence d'un film, donnant l'exemple de la forte présence du cinéma américain, hindou ou encore chinois dans le Monde arabe. Enfin, l'autre point abordé dans cette conférence qui a duré plus d'une heure et demie, c'est l'absence de coproduction entre l'Egypte et l'Algérie. Bedjaoui a répondu que la seule coproduction qui a existé entre les deux pays était du temps de Youssef Chahine. L'Algérie avait coproduit Le Moineau et Le Retour de l'enfant prodigue et plusieurs comédiens, comme Ezat El Alayli, avaient travaillé avec des cinéastes algériens, mais depuis la mort de Chahine il n'y a eu aucun échange ou coproduction. La conférence consacrée au cinéma algérien s'est achevée par les interventions des deux réalisateurs algériens Lotfi Bouchouchi et Mohamed Zaoui qui ont insisté sur l'importance des festivals arabes pour montrer les films algériens et les manifestations comme le festival d'Alexandrie étaient une occasion inespérée pour le public et la critique égyptienne pour découvrir les films algériens.