La monarchie saoudienne a livré La Mecque aux spéculateurs immobiliers «Mon père chevauchait un chameau, je roule en cadillac, mon fils vole en jet, son fils chevauchera un chameau.» Proverbe saoudien Encore une fois la gabegie saoudienne est à l'honneur.Une grue s'est effondrée vendredi, jour de repos et de prière chez les musulmans, sur la Grande mosquée de La Mecque, en Arabie saoudite. Au moins 107 personnes ont été tuées dont un hadji algérien L'accident a également fait près de 240 blessés Le mauvais temps pourrait avoir causé la chute de l'engin. L'Arabie saoudite s'apprête à accueillir des centaines de milliers de pèlerins pour le Hadj, L'an dernier, le royaume avait limité le nombre de fidèles autorisés à faire le Hadj, pour des raisons de sécurité, en raison du chantier engagé pour agrandir l'édifice qui fait déjà 400 000 mètres carrés et dont la partie la plus ancienne date du XVIe siècle. L'objectif: accueillir à terme jusqu'à 2,2 millions de personnes à la fois. Le porte-parole des deux saintes mosquées (La Mecque et Médine), Ahmed Ben Mohamed Al-Mansouri, a indiqué que la grue était tombée) «en raison de vents violents et de fortes pluies». Gouverner, c'est prévoir. Une fois de plus, le pouvoir saoudien a failli. Les précédents accidents Les autorités ont fait preuve de négligence face au danger que représentaient ces grues estime Irfan al-Alawi, co-créateur de la Fondation pour la recherche du patrimoine islamique, «Ils ne se préoccupent pas du patrimoine et ils se moquent de la santé et de la sécurité». Pour l'histoire, en janvier 2006, 364 pèlerins étaient morts piétinés lors d'un mouvement de panique, et 251 deux ans auparavant. En juillet 1990, 1426 pèlerins avaient péri, la plupart étouffés lors d'un mouvement de panique dans un tunnel. Le 09 avril 1998: 107 pèlerins sont morts dans une bousculade à Mina, à 10 km de La Mecque, où se déroulait le rite de la lapidation. On doit y ajouter les appréhensions causées par le stras (le coronavirus) Il ne faut pas oublier non plus l'attaque le 20 novembre 1979, premier jour de l'an 1400 (1er Mouharram) un groupe d'environ 200 fondamentalistes islamistes, composé de Saoudiens et d'Egyptiens étudiants à l'université islamique de Médine, lourdement armé prend par la force le contrôle de la mosquée Al-Masjid al-Haram à La Mecque. À la tête de cette prise d'otages, qui implique aussi bien des hommes que des femmes, se trouve Juhaiman ibn Muhammad ibn Saif al Utaibi, caporal retraité de la Garde nationale saoudienne (en). En premier lieu, il souhaite la reconnaissance de son beau-frère Mohammed Ben Abdallah Al Qahtani, présent avec eux, comme le Mahdi censé apporter la justice sur terre. Il justifie ses actions par le fait que la dynastie des Al Saoud a perdu sa légitimité, puisqu'elle est corrompue, qu'elle vit dans le luxe et qu'elle a détruit la culture saoudienne par sa politique d'ouverture à l'Occident. L'aide des commandos français permettra de sauver le trône. La Mecque: entre la cité de Dieu et la cité des hommes Pour éviter l'intervention de non-musulmans dans le périmètre sacré, les gendarmes du Gign ont dû se soumettre à une rapide cérémonie de conversion à l'islam. Au soir du 4 décembre, les forces françaises et saoudiennes reprennent le contrôle du lieu saint, après une bataille qui a fait selon le bilan officiel 304 morts (177 terroristes, 127 Saoudiens).» (1) Selon la tradition musulmane, La Mecque est une cité choisie par Dieu comme «bénédiction et direction pour les mondes». En cela, elle est la «mère des cités» et le «nombril de la terre». Mais elle est aussi une création des hommes, qui ont fait d'elle, au fil des siècles, ce qu'elle est aujourd'hui. Restait à en écrire l'histoire. C'est à quoi s'est attaqué Ziauddin Sardar, intellectuel britannique, et musulman d'origine pakistanaise, dans son Histoire de La Mecque, de la naissance d'Abraham au XXIe siècle, publiée aux éditions Payot. Pour ériger ce «clinquant architectural», il aura fallu détruire quelque 400 édifices, soit 95% de l'héritage millénaire de la ville. La Mecque est, depuis plus de 80 ans, la chasse gardée de la dynastie saoudiennne qui en a fait l'instrument de sa légitimité politique et religieuse, et a choisi, écrit l'auteur, d'agir comme si cette ville «n'avait ni préhistoire ni histoire avant Mahomet, ni histoire après lui». En 1973, cette volonté d'effacer toute trace du passé a conduit l'Etat saoudien à raser au bulldozer des quartiers entiers qui abritaient des sites historiques, anéantissant du coup un irremplaçable patrimoine culturel. Et ce n'était pas fini: en 2005, la mosquée Bilâl, probablement édifiée à l'époque du prophète Mahomet, est démolie sous un prétexte purement sécuritaire: elle jouxtait le palais du roi Fahd; en 2010, la maison supposée de Khadija, première épouse du prophète, se voit recycler en un bloc sanitaire, au sein d'un luxueux complexe résidentiel, Makkah Clock Royal Tower.» (2) «Sardar entreprend de démythifier une telle représentation: «Ce livre n'est donc pas consacré à La Mecque telle qu'elle a été idéalisée. Son propos est d'évoquer cette Mecque périphérique et négligée, ce lieu où des vies ont été vécues, où des héros mais aussi des gredins ont prospéré, ou des atrocités ont été commises, et où cupidité et intolérance étaient la norme.» (...) A cet enfermement dans un mode de pensée unique s'est ajoutée l'instauration par le pouvoir en place d'une hiérarchie raciale, pour ne pas dire raciste, au sein des musulmans, en fonction de leur origine ethnique ou nationale. A en croire Sardar, les plus mal lotis seraient les Africains. De nos jours encore, «il ne fait pas bon être noir dans la ville sainte». Paradoxe surprenant s'agissant de ce lieu censé symboliser l'unité fraternelle de la Oumma et l'égalité de chacun de ses membres devant Dieu. Ne parlons pas des juifs et des chrétiens: ils en sont carrément exclus, en dépit de leur filiation abrahamique revendiquée aussi par le Coran. La tradition islamique n'assure-t-elle pas qu'Abraham et son fils Ismaël ont construit la Kaâba, et que l'islam est la religion d'Abraham restaurée dans sa vérité?»(2) La Mecque d'aujourd'hui: une Las Vegas des sables «La Mecque d'aujourd'hui, poursuit Sadr, est la quasi-propriété privée de la monarchie saoudienne originaire du Najd (région centre de l'Arabie). A partir des années 1970, celle-ci livrera la «mère des cités» à des spéculateurs immobiliers et à des entrepreneurs avides, dont le fameux clan Ben Laden. La mosquée sacrée elle-même est atteinte par ce gigantisme: «La cité comptait un nouveau Dieu: l'argent. La manne pétrolière semblait consumer La Mecque», déplore Sardar en comparant ce développement débridé à celui de Houston et de Las Vegas. (...) La Mecque connaîtra des crises tout aussi déchirantes, dues notamment à l'hostilité entre l'Arabie saoudite sunnite et l'Iran chiite. Et rien n'exclut que Daesh la prenne pour cible un jour. Ce qui amène l'auteur à conclure que les événements qui s'y produisent sont un concentré de la condition des musulmans du monde entier et des difficultés qui sont les leurs: «Quand la ville sainte, coeur de l'islam, est souillée, polluée, culturellement aride et envahie par la corruption, le reste du monde islamique ne s'en sort guère mieux.» (2) Du point de vue architectural et patrimoine, on s'étonne et on est scandalisé par les destructions archéologiques de Daesh. L'exemple vient de la famille saoudienne. «Les villes saintes de La Mecque et de Médine n'ont pas échappé au puritanisme wahhabite. Iconoclaste au point de se méfier des vieilles pierres, ce courant religieux s'est appliqué à détruire la majeure partie de leur patrimoine architectural. ´´Quand les talibans avaient détruit les statues des deux bouddhas à Bamiyan en Afghanistan, le monde entier s'en était ému´´, rappelle Al-Quds Al-Arabi. Or le fondamentalisme islamique ne s'en est pas seulement pris aux symboles d'autres religions, mais également aux vestiges de l'histoire musulmane elle-même: ´´En Arabie saoudite, on peut estimer que près de 90% des vestiges islamiques ont été détruits par le courant wahhabite, y compris des mosquées, des écoles et des tombes. Quand, en 1924, le roi Abdelaziz ben-Saoud a occupé la ville de La Mecque, l'une des premières choses qu'il ait faite fut de détruire le tombeau de Khadidja (...)» (3) La demeure d'Abou Bakr a fait place à un... hôtel Hilton.. La marchandisation de Dieu L'islam, à l'instar des autres religions, n'échappe pas à la marchandisation du sacré. Le néolibéralisme y voit une autre manne inépuisable, l'essentiel est de donner au pèlerin ce qu'il veut avec en plus un supplément d'âme pourvu qu'il ait les espèces sonnantes et trébuchantes «Pour Lionel Obadia: auteur de l'ouvrage La marchandisation de Dieu. (Edit du Cnrs). L'approche économique du fait religieux est un domaine émergent (...) On peut considérer Adam Smith comme le précurseur en la matière, notamment sa Théorie des sentiments moraux, où il étudie l'influence de la religion et des croyances sur l'économie. Mais la figure tutélaire de l'économie des religions, c'est évidemment Max Weber, pour son Introduction à l'éthique économique des religions universelles, où il tente de reconstituer les liens que chaque grande religion a entretenus avec l'économie, ouvrant la voie à une modélisation économique des comportements religieux. C'est la Mondialisation qui est aujourd'hui le facteur déterminant. Rien d'étonnant à cela car c'est à la fois au capitalisme et à l'expansion religieuse que la mondialisation a le plus massivement profité. mondialisation et expansion du religieux se sont vite rencontrées, par exemple dans la montée en puissance de la finance islamique ou l'apparition d'une «finance chrétienne». Pour la petite histoire, en guise d'illustration du pouvoir de développement économique des religions, la dernière mode est un tapis de prière électrique qui s'oriente automatiquement vers La Mecque».(4) La manne religieuse Une première tranche de travaux, de 2002 à 2012, a donné naissance à un complexe de gratte-ciel, dominé par une tour de 601 mètres abritant un hôtel et surmontée d'une horloge six fois plus grande que celle de Big Ben. «Selon les prévisions de l'Institut du Serviteur des Lieux Saints pour les Etudes sur le pèlerinage, le total des flux financiers qui seront générés en Arabie saoudite par le Hadj à l'horizon 2015 s'élèveraient à plus de 34 milliards de dollars, soit le double des profits tirés de cette opération durant ces deux dernières années. L'estimation en question est faite à base d'un calcul, la dépense moyenne par haj s'élèverait à 1906 dollars, tout compris. Officiellement le nombre total des pèlerins «autorisés» a atteint l'an dernier 3 millions. Mais il faudrait y ajouter de nombreux autres croyants venus des différents coins d'Arabie saoudite et d'ailleurs portant ainsi les effectifs totaux à pas moins de 4 millions de hajs, selon certaines estimations. Alors qu'entre Hadj et Omra, le nombre total des visiteurs peut dépasser annuellement les 12 millions et devrait atteindre les 17 millions à l'horizon 2025. Par ailleurs, il est noté que l'industrie du pèlerinage représenterait 50 milliards de dollars pour le royaume saoudien, soit le deuxième pôle de recettes financières après le pétrole.» (5) Il existe 276 hôtels à La Mecque. Le site propose même des circuits touristiques. On annonce aussi que le site de La Mecque, en Arabie saoudite, verra l'ouverture en 2017 du plus grand hôtel du monde. Le complexe hôtelier, dénommé Abraj Kudai, proposera 10 000 chambres et suites sur 60.000 m². L'édifice, d'un coût de 3,5 milliards de dollars, sera bâti à 2,2 km du plus grand lieu de culte musulman du monde, la mosquée Masjid al-Haram, et battra le record détenu par The Venetian à Las Vegas. Les familles musulmanes les plus fortunées seront invitées à réserver dans l'établissement, où elles pourront se rendre via notamment les 12 héliports présents sur les douze tours de l'hôtel, dont dix abriteront des chambres quatre étoiles et deux, des suites cinq étoiles. Plusieurs étages seront réservés à la nombreuse famille royale saoudienne. Parmi les équipements, on comptera 70 restaurants, un centre commercial, une salle de congrès, des lieux de prière. (6) Le big brother saoudien À leur arrivée à l'aéroport de Djeddah, les pèlerins confient leurs passeports à leurs guides en échange d'un bracelet d'identification. Cette logistique impressionnante est désormais informatisée, un formidable dispositif de sécurité est mobilisé, qui ne compte pas moins de 100 000 policiers et 1500 caméras de surveillance sont braquées vers les divers recoins des lieux. Il sera bientôt obligatoire de porter un bracelet électronique à La Mecque. Selon les autorités, cet outil offrira des services aux pèlerins et facilitera la gestion des flux. Mais il permettra aussi de mieux surveiller le public. ´´Le ministère du Pèlerinage [Hadj, en arabe] saoudien demandera à tous les pèlerins de porter un bracelet électronique´´, rapporte le site de la télévision saoudienne Al-Arabiya. ´´Le bracelet offrira, dans plusieurs langues, des services tels qu'un GPS, des alertes pour les horaires de prière, une boussole pour indiquer la direction dans laquelle il faut prier, des instructions sur le rite à suivre et les préceptes à prononcer.´´ (...) au détriment de variantes apportées par des pèlerins en provenance par exemple du Maghreb ou d'Afrique.» (7) Pour l'histoire, au début du XXe siècle le roi Ibn Saoud se plaignait à la France de la suppression de la «zakat» des Algériens qui n'étaient plus envoyée aux Lieux Saints aux pauvres de La Mecque et de Médine. Tout changea dans les années 1930 avec la découverte de l'immense gisement de Gawhar et la concession- qui recouvre pratiquement tout le territoire saoudien- donnée aux Américains qui ont créé une société, l'Aramco, Si ces flux gigantesques posent des problèmes de logistique aux autorités saoudiennes, ils doivent aussi être gérés en amont par les pays émetteurs. La règle des mille pour un million n'a bien sûr pas les mêmes répercussions dans chacun des pays concernés. Les pays non- musulmans, mais qui comptent sur leur sol des populations musulmanes, ne sont pas soumis à la règle des mille pour un million. La France, 5 millions de musulmans dont une bonne partie non pratiquant, a un quota équivalent a celui du Maroc 30 millions. Nous trouvons toujours le même atavisme des Arabes installés dans les temps morts, plus égoïstes que jamais, nous l'avons vu avec la crise des migrants où aucun pays du Golfe ne s'est senti concerné par la démolition de la Syrie qu'ils ont réalisée et par les cohortes d'épaves humaines jetées sur les routes, bravant la mer à l'instar de Aylan. Ce qu'ils savent faire c'est «écraser leurs coreligionnaires et s'aplatir devant l'Occidental». 1.https://fr.wikipedia.org/wiki/Prise_de_la_Grande_Mosqu%C3%A9e_de_La_Mecque 2.Ruth Grosrichard http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/08/28/la-mecque-entre-la-cite-de-dieu-et-la-cite-des-hommes_4739160_3212.html#S2xcyI1rRmq2CGXW.99 3.http://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/2006/05/19/les-wahhabites-se-heurtent-aux-vieilles-pierres-de-la-mecque 4.http://www.franceculture.fr/emission-l-essai-et-la-revue-du-jour-la-marchandisation-de-dieu-revue-socio-anthropologie-2014-03-12 5http://www.algerie1.com/actualite/le-hadj-rapportera-plus-de-34-milliards-de-dollars-par-an/ 6.http://www.egaliteetreconciliation.fr/Le-plus-grand-hotel-du-monde-ouvrira-a-La-Mecque-en-2017-33137.html 7.http://www.courrierinternational.com/article/arabie-saoudite-un-bracelet-electronique-pour-les-pelerins-de-la-mecque