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Les «Abracadabrances» d'un éternel enfant
MASSEN EXPOSE À LA GALERIE ARTS EN LIBERTE
Publié dans L'Expression le 28 - 11 - 2004

Le plasticien expose une moisson d'oeuvres qui étonnent, séduisent et interpellent...
C'est sa première exposition personnelle après une dizaine d'années riche en activités artistiques.
Mohamed Massen expose depuis jeudi, à la galerie Arts en liberté, un ensemble d'oeuvres constitué de tableaux mais surtout de sculptures qui étonnent, séduisent et interpellent. Un travail qui s'est fait sur 3 ou 4 ans et qui ne reflète en fait que 10 à 15% de ses oeuvres, nous apprend-il. Mohamed Massen qui n'est plus à présenter décline sous de nombreuses facettes et matériaux une vision surréaliste de la société qu'il aime dépeindre de façon humoristique et drôle avec une forte dose de dérision, la touche grotesque égale à celle de l'autre talentueux artiste-peintre Jaoudet Gassouma est aisément discernable.
Ce que l'un réussit à faire sur la toile, l'autre (Massen) le suggère en trois D.C'est cela aussi la force de la sculpture. Le plasticien Mohamed Massen expose près de 90 oeuvres, toutes conçues à partir de matériaux récupérés qu'il a pris soin de travailler chez lui, après les avoir nettoyés, soudés, rafistolés, assemblés avec âme et harmonie. Car c'est avec beaucoup de délicatesse et d'amour que l'artiste a dû se pencher sur ses créations insolites. «Je caricature la société dans laquelle je vis. C'est tout à fait normal car elle est en pleine évolution, en pleine ébullition...»
Adepte du surréalisme, Mohamed Massen a un goût prononcé pour le jeu, celui de l'oeil, qui s'offre une distraction, plutôt une lecture assez caustique du monde qui nous entoure. Trois sujets le taraudent et le touchent, la faune, la beauté de la femme et les sportifs - il a été footballeur pendant 15 ans. «Sans liberté de scier, il n'est point d'éloge flatteur», lit-on dans une fresque accrochée à la cimaise de la galerie. Une phrase qui dit à l'origine: «Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur». Une transformation sémantique voulue pour dire une situation sociale qui prévaut chez nous: le «t'menchir». A ce titre, le plasticien a choisi de mettre en exergue cette phrase en y exposant une scie de bûcheron qui illustre cette fameuse expression populaire, et d'ajouter : «El âar est facile et l'art c'est difficile».
Résolument moderne dans sa pratique et sa technique artistique l'artiste impose sa façon presque «puérile» pour faire parler ses oeuvres. «L'oeuvre de l'artiste dépasse l'ouvrage de l'artisan par les dimensions esthétique, spirituelle et surtout médiatique qu'elle recèle. C'est souvent pour moi, une invite au dialogue. L'oeuvre qui ne suscite pas de questions manque de consistance, elle devient un décor artificiel dépourvu de sens. Le but de l'ardeur que je consacre à mes oeuvres est d'arriver à une sorte de sublimation de l'objet et du signifiant qu'il doit exhaler. Tout acte d'artiste est par ailleurs et de toutes parts (pas seulement quelque part) un exercice d'exorcisme au bout duquel on se sent libéré, et en libérant l'oeuvre, on se libère soi-même. En livrant mes travaux au verdict du public, je ne peux m'empêcher de leur dire avec Brancusi : Regardez mes oeuvres jusqu'à ce que vous les voyiez», explique le plasticien.
Aussi, tout objet est susceptible chez Massen de recevoir un traitement qui le transformera en une forme pure puis une oeuvre d'art. Plaques, tôles, bassines, essieux, rond à béton ou bien électrodes, pelles... Mohamed Massen fait feu de tout... fer. «Je suis oecuménique dans ma manière de procéder. J'imite tout le monde et je n'imite personne, ma culture est faite d'une sédimentation telle que je ne peux m'en dépêtrer. Je ne peux me dégager de certains référents qui deviennent des réminiscences contre lesquelles on ne peut rien», dit-il ; et de renchérir: «Sauf pour certains, où par honnêteté intellectuelle, je cite le nom, notamment en rendant hommage à travers un de mes objets à Gaston Chessac, un artiste du XXe siècle qui me touche profondément».
Artiste-peintre tout aussi surprenant et incroyablement contemporain, Sergoua des Sebaghine a tenu à nous faire cette confidence sur son compère Massen: «Je l'adore. On l'adore ! Il a une énergie incroyable. C'est un autodidacte. Il nous démontre à nous qui avons fait les écoles, que l'art peut se faire avec n'importe quoi, ce que nous essayons de faire comprendre à nos étudiants. Il y a une âme qui se dégage. C'est beaucoup d'émotion. On ne peut rester insensible devant n'importe laquelle de ses oeuvres. On sent qu'il est heureux quand il fait ça. C'est une production artistique qui peut aujourd'hui être installée dans n'importe quel musée dans le monde. C'est une personne qui vit vraiment dans son temps. Il a prouvé qu'avec seulement nos mains et notre esprit, on peut faire des merveilles». Mohamed Massen, qui a participé jadis à de nombreuses manifestations ou expositions collectives, laisse pour une fois planer son aura dans toute la salle d'exposition avec des sculptures qui témoignent du caractère décidément non conformiste de l'artiste, loin des clichés, abstraits au semi-abstraits courants...
Ses deux prochaines expositions, il les consacrera aux footballeurs et aux «scieurs».
Donc avis aux personnes qui veulent se débarrasser de leurs vieilles scies... «Rien ne se jette, tout se recycle», dont acte ! En attendant, l'exposition «Abracadabrances» vaut le détour. Elle est maintenue jusqu'au 9 décembre.


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