Défilé à Syrte de Junud el Khalifa, filiale libyenne de Daesh La conjonction des groupes terroristes en Libye avec les groupes rebelles du Tchad constitue une étape avant une conjugaison des attaques entre l'EI et Boko Haram qui a exprimé, il y a plusieurs mois, son ralliement à El Qaîda. En Libye, la perspective d'un gouvernement d'union nationale est de plus en plus incertaine. Comme nous l'avions déjà écrit, les conditions posées par Tripoli et donc son refus de souscrire au texte proposé par Bernardino Leon, représentant du secrétaire général de l'Onu et chef de la Minusma (Mission pour la Libye), ne pouvaient qu'engendrer un repli tactique de la partie adverse. C'est ce qui est arrivé hier, le Parlement de Tobrouk, reconnu par la communauté internationale, ayant «rejeté» le gouvernement d'union proposé par l'ONU. Ses émissaires en avaient pourtant accepté le principe, au début du mois d'octobre. Quatre ans, jour pour jour, après la mort d'El Gueddafi, aucune solution à la crise ne se profile en Libye, pays que se disputent les deux entités politiques rivales, tandis que les jihadistes de Junud El Khalifa affilié au groupe Etat islamique et ceux d' El Qaîda au Maghreb, prospèrent du côté de Syrte, sur une partie de la Cyrénaïque, à l'Est du pays. Le Parlement de Tripoli avait déjà, voilà deux semaines, contesté la composante du gouvernement d'union, mais la ratification par Tobrouk restait fortement espérée afin de légitimer l'organisation d'une ultime phase de négociations, avec même, en cas de besoin, quelques concessions exigées par l'imposante milice de Misrata et surtout Fadjr Libya. Le niet de Tobrouk enterre tristement cet espoir, au grand dam de la communauté internationale. Lundi 19 octobre, les Etats-Unis, l'Algérie et plusieurs membres de l'Union européenne avaient exhorté, dans un communiqué conjoint, les parties libyennes à appliquer l'accord âprement négocié, depuis des mois et au prix de plusieurs déceptions par Bernardino Leon. Avec cette décision, le Parlement de Tobrouk prend le risque de dilapider ses rares soutiens armés, dans l'ouest du pays, d'autant qu'il a récemment voté une loi pour prolonger unilatéralement son mandat qui devait expirer le mardi 20 octobre. Une décision qui a irrité les puissantes milices de Zintane, dans le djebel Nefoussa, au sud-ouest de Tripoli. Au même moment, le général Khalifa Haftar se rendait à N'Djamena où il a été reçu par le président Idriss Déby. Selon la présidence tchadienne, le général dont le fief est à Benghazi, a évoqué les questions de paix et de sécurité dans l'espace sahélien et dans la sous-région. Mais il a été surtout question des groupes rebelles anti-Déby, actifs dans le Sud libyen. Le général Haftar reste empêtré dans une guerre qui perdure, comme en témoigne l'attaque survenue lundi dernier à Benghazi où des bombardements ont entraîné plusieurs morts. Une réplique à sa propre attaque aérienne contre Tripoli, voici trois semaines. L'Algérie suit, avec une attention soutenue, l'évolution de la situation, notamment dans le sud du pays où les groupes terroristes de l'EI et d'El Qaîda enregistrent, depuis quelques mois, le renfort de groupes armés toubous, rebelles au régime tchadien. Les frontières avec la Libye sont étroitement surveillées mais l'échec des efforts de la médiation onusienne va automatiquement induire un regain de vigilance. Outre le trafic d'armes qui ne tarit pas dans toute la région sahélienne, la menace est surtout pendante en ce qui concerne le mouvement des groupes terroristes dont l'objectif est de s'implanter dans les zones sahéliennes instables, au Mali, au Tchad et ailleurs. La conjonction des groupes terroristes en Libye avec les groupes rebelles du Tchad constitue une étape avant une conjugaison des attaques entre l'EI et Boko Haram qui a exprimé, il y a plusieurs mois, son ralliement à El Qaîda. La diplomatie algérienne aura fort à faire pour tenter de relancer le processus de négociations, galvaudé par une multiplication des sites de rencontres et les tentatives contradictoires d'influence exercée par les uns et les autres. Des interférences qui risquent d'assombrir davantage la donne.