Un convoi de l'Etat islamique à Syrte Le nombre de combattants de l'EI en Libye qui était estimé «entre 4000 et 5000», les Tunisiens, les Soudanais et les Yéménites formant les plus gros contingents, serait en train d'exploser. Signe des temps, les menaces terroristes ont afflué ces deux dernières semaines de toute part. Au lendemain des attentats de Paris, et trois jours avant ceux de Bamako, le chef du groupe terroriste Ansar Eddine au Mali avait menacé explicitement la France et les signataires de l'Accord d'Alger, à savoir la Coordination des Mouvements de l'Azawed et les groupes de la Plate-forme coupables d'avoir apposé leur paraphe. Son appel au djihad adressé aux jeunes de la région précédait de quelques jours l'attaque de l'hôtel Radinsson à Bamako, revendiquée par un autre groupe également membre d'Aqmi (branche mghrébine d'Al Qaîda), les Mourabitoune de Mokhtar Belmokhtar. Si en Europe, l'effervescence est complète dans les arcanes des institutions chargées de la sécurité nationale, l'inquiétude affichée depuis quelques mois dans certains pays du Maghreb et du Sahel n'a cessé de croître pour devenir paroxystique ces jours-ci. C'est que des cris d'alarme ont retenti aussi bien en Libye où le ministre des Affaires étrangères du gouvernement reconnu par la communauté internationale, basé à Tobrouk, Mohamed Dayri, avait déclaré que son pays est «en passe de devenir un deuxième sanctuaire de l'Etat islamique» comme au Mali, pourtant réconforté par la conclusion de l'Accord de paix, où des chefs terroristes ont multiplié ces temps derniers les déclarations belliqueuses. De sorte qu'il est devenu patent d'évaluer comme extrêmement grave la menace terroriste qui plane sur l'ensemble de la région. Ce n'était un secret pour personne, Daesh est bien implanté au sud de la Libye, notamment à Derna et à Syrte. Comme on savait aussi que les bombardements continus de ses bases en Syrie par la coalition internationale, puis par la Russie, a contraint Daesh à envoyer ses nouvelles recrues vers les sanctuaires libyens, à partir desquels il envisage une intrusion progressive au Sahel et une conjonction des forces avec celles de Boko Haram. Mohamed Dayri a certes voulu exploiter la conjoncture mais la réalité du danger veut que ses prédictions soient prises très au sérieux. Le nombre de combattants de l'EI en Libye qui était estimé «entre 4000 et 5000», les Tunisiens, les Soudanais et les Yéménites formant les plus gros contingents, serait en train d'exploser. L'attaque des drones américains, le mois dernier, avait visé l'irakien Abou Nabil, alias Wissam Najm Abd Zayd al Zubaydi, qui était le chef de l'EI dans la région de Derna, capitale de la Cyrénaïque (est), et non pas, comme énoncé par le Pentagone, pour toute la Libye. Nécessaires mais insuffisantes pour contrer la lente progression de la mouvance terroriste en Libye, au Tchad, au Mali et plus profondément jusqu'à atteindre le Cameroun et le Nigeria, les attaques aériennes ont un impact limité, comme on a pu le constater en Syrie où la coalition mène depuis plus d'un an des frappes incertaines. Or celui-ci a fortement progressé, depuis quelques mois, en direction d'Ajdabiya qui risque de tomber rapidement faute d'une résistance acharnée. Car ni les milices de Fadjr Libya ni les forces du général Khalifa Haftar, trop occupées à se combattre sans relâche, ne peuvent s'opposer à cette avancée. D'où l'impérieuse nécessité d'un accord politique entre ces deux principales factions et la mise en place d'un gouvernement d'union nationale chargé de veiller au rétablissement de la paix et de la sécurité dans ce pays. Il faut craindre également que la communauté internationale, très impliquée en 2015 dans le processus de négociations inter-libyennes ne s'en désintéresse peu à peu, trop occupée à dessiner un cadre proprement occidental de protection de l'Europe, face aux menaces agitées par Daesh pour desserrer l'étau en Syrie. La pénétration du Sahel par l'EI n'est pas une vue de l'esprit car des éléments de Boko Haram ont déjà été interceptés en Libye. En outre, l'adhésion proclamée début 2015 par les Chebab à l'Etat islamique a conforté cette stratégie de redéploiement dans le ventre mou de l'Afrique. L'Algérie a, pour sa part, braqué les projecteurs sur cette menace potentielle d'autant plus inquiétante que trois personnes soupçonnées d'appartenir à Jound al Khalifa, une branche de Daesh, ont été arrêtées mercredi et jeudi dernier par les forces de sécurité, à Laghouat et à Bouira, alors que l'armée et la gendarmerie sont en état d'alerte permanent pour surveiller les frontières.