Le Premier ministre italien, Matteo Renzi, nouveau look de l'homme politique européen, défie Bruxelles Le torchon brûle entre le chef du gouvernement italien Matteo Renzi et la Commission européenne à propos de la flexibilité budgétaire et de la crise migratoire, sur fond de différends plus profonds entre Rome et Berlin. L'escarmouche, qui a eu lieu vendredi avec le président de la Commission Jean-Claude Juncker, a été sans précédent: «L'Italie mérite le respect» et «ne se laisse pas intimider», a grondé le président du Conseil Matteo Renzi. Sur la chaîne Canale 5, M.Renzi, très remonté, a assuré que la flexibilité budgétaire qu'il juge nécessaire pour stimuler la croissance dans l'UE avait été acceptée «après que l'Italie l'eut réclamée de manière très très Insistante». «La flexibilité, c'est moi qui l'ai introduite, pas lui. J'ai beaucoup de respect pour le président du Conseil, mais il a tort d'offenser la Commission européenne», avait lancé auparavant le président de la Commission, de nationalité luxembourgeoise. Demandant à Bruxelles mais aussi à Berlin, première puissance économique en Europe, une politique communautaire qui «pense plus à l'emploi et moins à l'austérité et aux règles de fer du budget», M.Renzi entend se poser en représentant d'un Etat fort, troisième puissance de la zone euro, et non plus de celui d'un maillon faible de l'Europe des 28. «J'ai l'honneur de diriger un grand pays qui donne beaucoup d'argent à Bruxelles (...) Si quelqu'un regrette l'époque où l'on pouvait dicter depuis Bruxelles sa ligne (de conduite) à Rome, télécommander Rome, ce temps est révolu. Le temps où l'Italie devait faire ses devoirs à la maison est fini, nous avons accompli nos réformes et nous demandons à tous le respect. Le temps où l'Italie allait à Bruxelles le chapeau à la main n'a plus cours», a ajouté M. Renzi. Selon les éditoriaux de la presse, le mécontentement de M.Renzi s'explique par le sentiment d'une alliance entre Bruxelles et Berlin et s'adresse aussi, et surtout, à la chancelière Angela Merkel. D'après le quotidien Il Messaggero, M.Renzi aurait déclaré à ses conseillers: «Le temps est venu de tourner la page à Bruxelles. Nous sommes fatigués que ce soient toujours les mêmes qui y commandent, autrement dit Berlin». Dans la loi de stabilité pour 2016, sous le chapitre «flexibilité», l'Italie a obtenu l'équivalent de 0,4% du Produit intérieur brut en contrepartie de ses réformes structurelles. On lui a promis aussi 0,2% de plus pour les «circonstances exceptionnelles» (l'urgence migratoire notamment). Mais la Commission temporise et a renvoyé sa décision à avril. M.Renzi réagit à d'autres critiques qui se sont accumulées ces derniers mois: celles de la Commission - et de Berlin - sur la faillite des services d'immigration italiens à prendre efficacement les empreintes digitales des immigrés à leur débarquement en Italie, ce qui permet à beaucoup d'entre eux de partir vers l'Europe du Nord. De même, le blocage par la chancelière allemande d'un projet de garantie européenne des dépôts en cas de faillite bancaire, avait fait sortir de ses gonds M. Renzi lors d'un sommet européen en décembre: «Faire croire que l'Allemagne est le donneur de sang de l'Europe, vu de l'extérieur, ce n'est pas la réalité», avait-il lancé. L'Italie freine en conséquence sur l'octroi de trois milliards d'euros d'aide européenne à la Turquie, demandée par Berlin, pour aider Ankara à accueillir sur son sol les migrants syriens qui, sinon, risquent de rejoindre l'Allemagne. Pour Rome, des sommes devraient d'abord être trouvées dans les budgets communautaires, avant de mettre à nouveau à contribution les Etats membres. D'autres différents plombent les relations avec Berlin et Bruxelles, comme les mécanismes qui permettent d'assainir les créances des banques ou le projet Nord Stream 2 de gazoduc entre la Russie et l'Allemagne, critiqué par M.Renzi. Dans un langage plus diplomatique que M.Renzi, le ministre de l'Economie Pier Carlo Padoan, a expliqué vendredi que le gouvernement italien n'avait «aucunement l'intention d'offenser quiconque, et surtout pas la Commission». Mais, a-t-il ajouté, «nous avons des droits équivalents aux autres pays et nous entendons être écoutés».