La candidate de l'opposition à Taïwan, Tsai Ing-wen, a enregistré hier une victoire électorale écrasante pour devenir la première femme présidente de l'île, infligeant une défaite cinglante au parti au pouvoir, le KMT, artisan du rapprochement avec Pékin. D'après les chiffres communiqués par la télévision, la victoire de Mme Tsai, du Parti démocratique progressiste (PDP), prenait la forme d'un raz-de-marée, avec quelque 60% des voix contre 30% à Eric Chu, dont le Kuomintang (KMT) enregistre une déroute historique, qui se traduisait aussi par la perte - historique - de sa majorité au Parlement. Si ce score se confirmait, il s'agirait de la victoire la plus écrasante d'un parti à la présidentielle à Taiwan. La victoire de Mme Tsai va inévitablement compliquer, voire dégrader, les relations entre Taiwan et la Chine, selon des experts. En votant massivement pour la candidate du PDP, principal parti d'opposition, les Taiwanais ont clairement exprimé leur souhait de tourner le dos à des années de rapprochement avec Pékin. Le KMT a mené depuis huit ans une politique inédite de réchauffement avec le régime communiste chinois sous l'égide de Ma Jing-jeou. Le KMT a rapidement reconnu sa défaite hier soir. «Je suis désolé... Nous avons perdu. Nous n'avons pas travaillé assez dur et nous avons déçu les attentes des électeurs», a déclaré Eric Chu, au siège du Kuomintang alors que le comptage se poursuivait, cinq heures après la clôture du scrutin.M. Chu a également annoncé que le KMT avait perdu sa majorité au parlement, «un changement drastique et sans précédent» pour son parti. Le PDP a remporté pour la première fois la majorité des 113 sièges au parlement monocaméral aux législatives qui se déroulaient samedi également. Eric Chu a annoncé sa démission comme chef du parti dans la foulée, s'inclinant profondément en signe de contrition devant les sympathisants en plein désarroi du KMT. «Nous voulons féliciter le PDP pour sa victoire», a ajouté le dirigeant, «c'est le mandat du peuple de Taiwan» qui est «le plus grand vainqueur», a-t-il dit. Mme Tsai va offrir à son parti sa deuxième présidence depuis les deux mandats de Chen Shui-bian (2000-2008). L'ancienne universitaire de 59 ans a bénéficié du malaise croissant suscité par les relations bilatérales avec Pékin et de la frustration d'une partie des 18 millions d'électeurs face à la stagnation économique. Hier soir, la foule s'était rassemblée à Taipei au quartier général du PDP. Le dégel des relations avec Pékin avait culminé fin novembre avec le premier sommet depuis la séparation de la Chine continentale et de l'île de Taiwan il y a plus de 60 ans. Malgré la signature d'accords commerciaux et un boom touristique à Taiwan, nombre d'habitants estiment qu'en étant devenue dépendante économiquement de Pékin, l'île a perdu de son identité et de sa souveraineté. Beaucoup estiment aussi être les laissés-pour-compte d'une politique qui n'a profité qu'aux grandes entreprises.