Il y a des tribunaux qui ne valent que par la valeur de leurs magistrats. Lorsqu'ils sont décriés, c'est la justice qui prend un coup. Dans le cas contraire, les détenus sont repêchés grâce à des verdicts justes. Ce lundi, c'est un jeune inculpé pour usage et détention de stups qui réclame justice... Le détenu est rapidement «cuisiné» par le juge. Me Laceb, en défenseur avisé, devra suivre l'interro. Sans sourciller, mais en prenant soin d'être aux côtés de Soufiane, son jeune client. «Dites-nous un peu comment les policiers vous ont surpris le joint entre les phalanges?», marmonne le président dans un silence lourd, pesant et même agaçant. «Je l'ai déjà dit, je n'avais rien entre les doigts. Lorsque la patrouille était passée dans le noir de la fin du crépuscule, le joint était jeté sur le sol à plus de six mètres de la murette sur laquelle j'étais assis. je vous jure que...». Le magistrat l'interrompt en lui ordonnant de ne plus jurer ni d'évoquer Dieu et ses Saints. Me.Ouali sent que son client va vaciller. Il tente un coup en demandant au juge de lui permettre de poser une question à l'inculpé. Le juge dit oui, tout curieux de prendre connaissance de ce qui va sortir de la «gibecière» du conseil. Ce dernier voudrait savoir si dans l'artère où se trouvait son client, il y avait du monde. «Oui et comment qu'il y a du monde. Il y a un café maure dans les parages et un «Quatre saisons» juste en face.» L'avocat est satisfait et attend... Abdelkrim Aroui, le procureur, n'a aucune question à poser. Il est sûr d'une chose: Soufiane est coupable de détention et usage de stups, délits prévus et punis par le code de la santé (242-244-245). Le juge n'est pas convaincu que le détenu est innocent. Il est vrai qu'il a sous les yeux le P-V d'audition où il reconnaît avoir déjà fumé du cannabis, mais pas ce soir-là. Il tente un énième coup: «Pouvez-vous nous apprendre s'il y avait quelqu'un avec vous et qui se serait débarrassé du joint?» La réponse est non et le jeune ado de Fouka va plus loin en martelant que, quand bien même cette situation aurait existé, il ne jouerait jamais au délateur. Le président retient une remarque, se tourne vers Aroui qui n'a toujours pas de questions à poser si ce n'est - au moment voulu - de requérir un solide six mois de prison ferme et une amende conséquente. Le «gosse» confond les demandes du procureur et veut crier à la hogra. Heureusement pour lui, Me Laceb débute sa plaidoirie en rendant hommage au procureur, lequel n'a posé aucune question enfonçante. Puis, il s'accroche désespérément à l'absence de délits: «Mon client n'a pas été pris en flagrant délit d'usage et de détention de drogue. Pourquoi le tribunal ne le croit pas lorsqu'il a affirmé cent fois qu'il est innocent et qu'il était étranger à cette histoire?» s'est écrié le défenseur qui a attiré l'attention du juge sur la possibilité de la présence d'une seconde personne qui aurait pu très bien se débarrasser du joint en voyant la V.R. surgir du virage. Il brosse un bref aperçu sur la personnalité de son client: «C'est une victime du système scolaire. Il est à l'abri de stress car sa famille est honorable et il n'a aucune raison de se shooter et se faire prendre comme un pigeon sous une pluie battante, en cet hiver 2004 rigoureux. Il réclame avec rigueur la relaxe du jeune qui a passé, certes, une courte détention préventive. «Nous n'avons même pas à demander l'application de l'article 53 car nous sommes innocents. Il y a méprise quelque part», conclut l'avocat dont le visage s'éclaircit lorsque le juge prononce la relaxe au bénéfice du doute de Soufiane, qui a presque envie d'embrasser son avocat et de faire la bise au policier qui l'accompagne au box.