Après avoir pris une avance considérable au plan médico-sportif, l'Algérie, qui a été la première en Afrique à créer le centre de médecine sportive, n'a cessé de reculer. Dans le but de limiter les risques de décès brutal par accident cardiaque lors des compétitions de haut niveau, le Comité international olympique (CIO) a émis une série de recommandations aux athlètes de moins de 35 ans, pour qu'ils passent régulièrement des tests médicaux. «Cela ne concerne que les athlètes de haut niveau. Ces recommandations sont faites principalement dans le but de détecter des anomalies cardiaques potentielles qui pourraient avoir des conséquences fatales», a déclaré Patrick Schamasch, responsable de la commission médicale du CIO. «A travers un questionnaire bien ciblé, nous pourrions attirer l'attention d'un spécialiste ou d'un athlète présentant des symptômes mineurs» a-t-il ajouté. «Nous espérons que ces mesures préventives aideront à éradiquer ce phénomène», a déclaré de son côté Sepp Blatter, président de la Fédération internationale de football (FIFA). Selon un rapport présenté par des experts médicaux au siège du CIO, ce problème touche deux sportifs de haut niveau sur 100.000, âgés de 12 à 35 ans. Une série de questions pour déceler d'éventuels symptômes de maladie cardiaque potentielle et l'instauration d'un livret médical familial, dans lequel figureraient les résultats d'un bilan médical biennal, dès l'âge de 10 ans, sont parmi les mesures que recommande le CIO. Mais, qu'en est-il en Algérie où la médecine du sport est assimilée au parent pauvre de ce football national, et bien entendu de tout le sport national? Pourtant, il n' y a pas si longtemps, l'Algérie se targuait d'avoir pris une avance considérable au plan médico-sportif, par rapport au reste des pays africains et même bon nombre de nations européennes. Aujourd'hui, force est de constater que l'Algérie se complaît à faire une comptabilité macabre des accidents mortels touchant des sportifs en activité. Ces accidents mortels sont le plus souvent la conséquence des charges de travail de plus en plus élevées, dictées par la recherche de résultats générateurs de gloire et d'autres avantages matériels que subissent aujourd'hui les athlètes. Nonobstant ces faits, la question qui se pose est bien, celle de savoir qui a eu l'idée saugrenue de démanteler le Cnms, (Centre national de la médecine du sport), alors, unique en Afrique. Limiter les dégâts Or, à l'époque où il fut créé, c'était vers le milieu des années 70 alors que l'Algérie préparait les Jeux méditerranéens, et que les charges n'étaient pas encore, celles que connaissent les sportifs aujourd'hui. Nous avions les instruments nécessaires de prévention quand les charges étaient minimes, nous ne les possédons plus alors que leur nécessité était devenue vitale avec l'introduction du professionnalisme et du sport de haut niveau, avec en parallèle l'augmentation des charges de travail. Il est bien évident que ces charges additionnelles constituent une relative agression, contre l'organisme humain. C'est ainsi que, plusieurs cas de mort subite ont été relevés chez les pratiquants de sport intense tel que le football, décès relatifs généralement à l'existence d'anomalies cardiaques ou vasculaires non détectées à temps ou, par manque de suivi médical rigoureux. Pourtant «les moyens d'explorations médicales dont disposent aujourd'hui les médecins spécialisés à travers le monde, permettent souvent de détecter ces anomalies et de prévenir les accidents, en déclarant le sujet inapte à la pratique de sport compétitif ou en lui assurant les soins et le suivi médicaux nécessaires» affirme le Dr Rachid Hanifi, Chef de service médecine du sport et rééducation fonctionnelle EHS Dr Maouche ( ex-Cnms). A ce titre, l'exemple du Nigérian Kafu Kanu et du Sénégalais Khalilou Fadiga est typique. La malformation cardiaque a été détectée puis opérée, pour permettre au premier cité de reprendre ses activités sportives, sous contrôle médical régulier, tandis que pour le second, il a été sommé de mettre fin à sa carrière au risque de succomber à un arrêt cardiaque en raison du caractère incurable de la myocardite décelée par le Pr Marcello Chimienti. «Les rares cas de décès relevés aujourd'hui sur les terrains internationaux, témoignent bien de l'apport de la médecine du sport, dont les moyens d'investigation assurent le maximum de sécurité aux pratiquants» ajoute Rachid Hanifi. En Algérie, malheureusement, «l'évolution de la couverture médicale spécialisée a subi l'effet inverse» soutient Dr.Hanifi pour preuve «les sportifs ont bénéficié d'un meilleur suivi médical dans les années 70 et 80 que ceux de la décennie écoulée». L'ouverture de la clinique médico-sportive des années 1980 laissait entrevoir un développement des activités médicales spécialisées sur l'ensemble du territoire national, à travers l'implantation de centres régionaux, puis de structures médico-sportives de wilaya. Mais le désistement en 1986 du MJS qui a rétrocédé en faveur du ministère de la Santé du Cnms a laissé un vide considérable. La réorientation des missions de l'ex-Centre national de médecine sportive (Cnms), et surtout le désengagement total du MJS par rapport à cette dernière structure et au projet de développement de la médecine du sport, ont poussé notre pays à être à la traîne du suivi médico-sportif, après avoir été largement en avance, au moins au niveau continental. «Le seul ministre à avoir reconnu la nécessité de telles structures n'est autre que Boubekeur Benbouzid, malheureusement il n' a pas fait long feu au MJS» affirme le Pr Hanifi. Le service de médecine du sport et de rééducation fonctionnelle de l'EHS Dr Maouche seule structure médicale spécialisée existant au niveau national, continue, tant bien que mal, à prendre en charge les athlètes qui lui sont adressés, avec cependant des moyens qui ne répondent plus aux exigences de la performance sportive. L'activité médicale du sport qui n'est maintenue, dans cette structure, que grâce à la bonne volonté des responsables du ministère de la Santé et l'administration de l'hôpital, risque à terme de disparaître complètement par le flux des malades non sportifs qui sont orientés vers l'ensemble des services de l'établissement. En réalité, l'EHS Docteur Maouche est en train de perdre son caractère spécifique de centre spécialisé du traitement des sportifs, pour devenir une unité sanitaire parmi d'autres, existant à Alger. A ce train, on devine aisément que nos athlètes vont vers des dangers de plus en plus grands, le rapport charge de travail physique/suivi médical étant largement déséquilibré. Il est malheureux de constater qu'au moment où des sommes d'argent colossales sont dépensées sur des projets parfois hasardeux, les responsables du mouvement sportif ne pensent pas à protéger la vie et la santé des athlètes. Les médecins spécialisés existent, d'autres peuvent être formés, les structures existent ( au niveau de l'ex-Cnms, dans les Opow, dans les instituts de formation...), il suffit de prendre la décision d'équiper ces différentes structures et de procéder à la réorganisation de l'activité médico-sportive pour assurer une couverture médicale optimale, au niveau national. On aura ainsi respecté le principe de l'obligation de moyens, dans le cas contraire, il s'agirait d'une non-assistance à sportifs en danger ou d'homicide involontaire, et les responsables devront en répondre au moins devant leur conscience.