L'indigence et la précarité ont été à la source de graves zones de turbulences qui ont secoué l'Algérie en 2004. Le conseil de gouvernement, réuni en fin de semaine, a décidé de créer un Observatoire national de l'emploi et de la lutte contre la pauvreté. Cet observatoire, précise le communiqué du conseil de gouvernement, «s'inscrit dans le cadre des objectifs du programme du gouvernement qui visent à organiser un dispositif de «veille» chargé de suivre l'évolution de l'emploi au niveau national et du phénomène de la pauvreté». Les principales missions dont est investi cet observatoire sont de «coordonner la concertation autour d'actions novatrices à même de promouvoir l'emploi et l'amélioration des conditions de vie des couches sociales démunies», ainsi que d'élaborer des «études prospectives pour la préservation et la promotion de l'emploi, la contribution à l'élaboration des bilans sociaux et de l'emploi». Cet observatoire, annoncé par le ministère du Travail, il y a près de trois ans, aura finalement une autre tâche, plus ardue et autrement plus périlleuse: celle de surveiller la progression, la stagnation ou le recul de la pauvreté, afin d'en apporter rapidement les correctifs nécessaires. En fait, on ne peut plus parler d'une embellie financière algérienne sans grimacer en observant la misère sociale qui touche les populations de plein fouet. Le rapport 2004 du Plan des Etats-Unis pour le développement (Pnud), place l'Algérie à la 108e place en matière de développement. Les estimations données dans ce rapport indiquent que «4,5 millions de personnes vivent en deçà du seuil national de pauvreté, alors que cette dernière s'est accentuée en zone rurale». Le Pnud remarquait alors que «les montants alloués par le gouvernement pour enrayer la pauvreté étaient insuffisants comparativement à l'ampleur du phénomène». Les derniers rapports du Cnes, qui se basaient sur des paramètres plus récents, estimaient à plus de 12 millions le nombre de personnes touchées par l'indigence et la précarité. Ce constat s'est traduit au plan social par la multiplication des émeutes et des troubles dans les villes et les villages. Hassi Messaoud, Boumerdès, Ouargla, Djelfa, Ghardaïa, Khenchela, Bordj Bou-Arréridj et Adrar ont connu en 2004 la contestation et la dévastation. Le cycle des émeutes a touché de plein fouet les villes de l'intérieur du pays entre mai 2003 et mai 2004. L'indigence sociale, le manque de perspectives, le chômage et l'arrêt de toute machine de production avaient été accentués par l'obstruction des canaux de communication dans les villes citées, tant et si bien que souvent il fallait l'intervention du président de la République ou du chef du gouvernement eux-mêmes pour venir à bout d'une émeute due à des problèmes mineurs, liés au développement local, et qu'un président d'APC ou un wali pouvaient, moyennant un petit effort de conscience, résoudre séance tenante, et à moindre coût. La nature endémique des émeutes, de quelque habillage qu'elles eussent été revêtues, ont trouvé la misère sociale comme source et motif premiers, et pendant les graves émeutes qui ont touché les zones du Sud algérien on avait vu et revu ce slogan inscrit sur les pancartes: «Où sont passés les 700 milliards du plan de développement des régions du Sud?» Le problème reste simple et complexe à la fois. Le manque de perspectives d'emploi aboutit au chômage et donc à la pauvreté et l'indigence sociale, sources de 90% des émeutes en Algérie. L'embellie financière, qui est aujourd'hui arborée comme une réussite de l'année 2004, avec quelque 31,4 milliards de dollars de recettes d'hydrocarbures, doit impérativement s'accompagner d'un apaisement social. Les inondations de 2001, puis le tremblement de terre de 2003, ont, certes, déséquilibré les plans d'action prévus à l'endroit de la société, mais il y a aujourd'hui une nouvelle donne qui nécessite plus de rigueur: l'urgence.