Dans un pays qui a réussi à briser sa colonne vertébrale au terrorisme et vaincre l'islamisme politique, il est paradoxal de constater que ces mêmes islamistes arrivent à peser fortement dans un débat auquel ils ne sont pas invités. Jamais l'école algérienne n'a été au centre des tiraillements comme elle l'est actuellement. La ministre de l'Education fait face à une campagne d'une rare virulence orchestrée par les adeptes d'une école de la bigoterie. Une école où l'on apprendrait à nos enfants comment faire les ablutions et laver les morts. Après avoir accusé Nouria Benghebrit d'être de descendance juive, de vouloir enseigner la «daridja» au détriment de l'arabe classique, après l'avoir soupçonnée «d'offrir l'école aux experts français», voilà qu'on l'accuse maintenant d'atteinte aux constantes nationales qui se trouvent directement «menacées par les nouveaux programmes de l'Education nationale». Autant de griefs, autant de dépassements, autant de menaces, sont largement suffisants pour passer cette bonne Dame à la potence. Un large spectre composé de baâtistes, d'islamistes et de conservateurs se liguant tous contre Nouria Benghebrit qu'ils désignent à la vindicte. Si jusque-là leurs attaques frontales n'ont donné aucun résultat, il n'est pas exclu qu'ils passent à des menaces de déstabilisation durant la prochaine rentrée scolaire. Ils ne vont pas se gêner car on les a vus à l'oeuvre lors de la fuite des épreuves du bac de cette année. A travers cette polémique insidieuse, les islamistes ne nous invitent pas à poser un regard lucide sur l'école, sur les pratiques les plus efficaces afin de favoriser la réussite des élèves. Ou alors établir une stratégie pouvant prévenir le décrochage scolaire. Rien de tout cela. Pourquoi autant de haine envers la ministre de l'Education nationale? La réponse est pourtant toute simple: c'est parce que la réforme éducative profonde et moderniste que veut mener Nouria Benghebrit met en danger toute la politique de prosélytisme avec laquelle le courant islamiste a fait son incursion au sein de l'école Un effort immense est mené par les autorités pour extraire l'école du champ politique, opter pour des programmes de qualité à même d'inscrire le pays dans la modernité comme le font nos voisins tunisiens et marocains. Le ton adopté par le gouvernement est de nature à apaiser la situation. On ne veut pas d'une rentrée perturbée. Il faut coûte que coûte éviter qu'il y ait des vagues dans un secteur aussi sensible que celui de l'éducation. L'affaire ne concerne pas seulement le gouvernement, mais elle interpelle également les parents d'élèves et les syndicats qui doivent réagir et surtout agir. Car au moindre recul, à la moindre concession, la lame de fond islamiste va cisailler tout une génération.